République démocratique du Congo : les personnes qui fuient les violences au Soudan du Sud continuent d’arriver en Ituri
MSF répond aux besoins médicaux urgents des personnes sud-soudanaises réfugiées en RDC
Avec l’intensification de la violence au Soudan du Sud, plus de 33 000 personnes se sont réfugiées dans le nord de la République démocratique du Congo (RDC). En mai dernier, Médecins Sans Frontières (MSF) a lancé une intervention d’urgence pour fournir des soins médicaux essentiels à cette communauté.
Originaire du comté de Morobo, au Soudan du Sud, Blessing Halima s’est récemment réfugiée avec ses cinq enfants à Adi, dans le nord de la RDC. « Des gens ont tiré des coups de feu », raconte-t-elle. « Puis des avions ont commencé à cibler les gens depuis le ciel. Ils ont commencé à tuer et à voler tout ce que l’on possédait. Ils ont emmené mon mari. C’est pour ça qu’on a fui. »

Elle n’est pas seule. En avril, Atay Rose a marché pendant plusieurs jours à travers la brousse pour atteindre Adi depuis Panyume, au Soudan du Sud. « Si nous avions pris la route principale, on nous aurait tuées. Ils violent les jeunes filles, et même les femmes mariées », raconte-t-elle. « Je ne sais pas si je pourrai y retourner. Il y a encore des pillages, des viols, des meurtres de femmes et d’enfants. C’est ce que nous redoutons le plus. »
Le Soudan du Sud connaît sa plus forte escalade de violences depuis la signature de l’accord de paix et la fin de la guerre civile en 2018. Dans l’État du Nil Supérieur, au nord-est du pays, la crise s’est intensifiée en février. Des affrontements ont éclaté entre les forces gouvernementales et l’Armée blanche, un groupe de jeunes gens armés.
« Nous sommes partis les mains vides, raconte-t-elle. Ils ont pris notre nourriture, nos vêtements… Maintenant, on a faim, et rien pour dormir. »
– Viola Kani, une femme réfugiée du Soudan du Sud
La violence s’est rapidement propagée à d’autres régions, dont l’État d’Équatoria-Central, à la frontière de la RDC. Selon les Nations Unies, plus de 730 personnes y ont été tuées entre janvier et mars 2025, lors d’affrontements entre des groupes armés. Entre les mois de janvier et juin, environ 300 000 personnes ont été déplacées par les violences. D’entre elles, 125 000 ont fui vers les pays voisins, notamment le Soudan, l’Éthiopie, l’Ouganda et la RDC. Selon la Commission Nationale pour les Réfugiés en RDC, le pays a accueilli plus de 33 000 personnes depuis avril.
La plupart des personnes arrivant en RDC ont fui le comté de Morobo, dans l’État d’Équatoria-Central. L’instabilité dans cette région a provoqué l’effondrement total des services publics déjà fragiles. En outre, MSF a été contrainte de fermer deux hôpitaux et de réduire certaines de ses activités à cause d’attaques contre les structures de santé.
À la suite de l’enlèvement de deux membres du personnel de santé, MSF a été contrainte de suspendre toutes ses activités dans le Morobo et dans le comté voisin de Yei River. Nous avons également dû mettre fin à nos programmes dans les camps pour personnes déplacées internes de la région.

Arriver sans rien
La province de l’Ituri, dans le nord-est de la RDC, est le principal point d’entrée des personnes qui fuient le Soudan du Sud. Depuis des décennies, cette région est elle-même en proie à un conflit complexe, marqué par des violences, des tensions communautaires et la présence de groupes armés.
Même avant l’arrivée des personnes réfugiées, le système de santé y était déjà sous forte pression. Dans certaines zones frontalières de la province, il était quasi inexistant.
Beaucoup de gens arrivent avec peu ou pas de biens, après avoir fui précipitamment le Soudan du Sud pour échapper au danger.
Jacob Justin est arrivé seul, avec pour seuls biens les vêtements qu’il portait. « Nous souffrons », dit-il. « Il n’y a ni école, ni hôpital, ni accès à l’eau potable. »

En mai dernier, Viola Kani a franchi la frontière avec son frère et ses quatre enfants. « Nous sommes partis les mains vides », raconte-t-elle. « Ils ont pris notre nourriture, nos vêtements… Maintenant, on a faim, et rien pour dormir. »
En mai dernier, Viola Kani a franchi la frontière avec son frère et ses quatre enfants. « Nous sommes partis les mains vides », raconte-t-elle. « Ils ont pris notre nourriture, nos vêtements… Maintenant, on a faim, et rien pour dormir. »
De tous les enfants de 6 à 59 mois examinés par les équipes de MSF près de la frontière, 6 % souffrent de malnutrition aiguë sévère. « Il s’agit d’un problème majeur de santé publique », explique Léonard Wabingwa, médecin et responsable des activités médicales de MSF à Adi.
La réponse de MSF
MSF a lancé une intervention d’urgence en mai dernier afin de répondre aux besoins croissants des personnes réfugiées. Elle a mis en place deux cliniques mobiles et six centres de santé communautaires.
Moins de deux mois après le début de l’intervention, nos équipes ont réalisé plus de 3 000 consultations médicales. La moyenne hebdomadaire de plus de 370 consultations est en constante augmentation.
Le paludisme représente plus de la moitié des cas, suivi des infections respiratoires et des gastro-entérites aiguës. Nos équipes effectuent également le dépistage de la malnutrition chez les enfants de moins de cinq ans et traitent les cas confirmés avec des aliments thérapeutiques.
« Nous avons également pris en charge plusieurs personnes survivantes de violences sexuelles, dont certaines âgées de seulement 12 ans », poursuit Léonard Wabingwa.
« Il y a très peu d’organisations internationales sur place, et aucune n’offre la même gamme de services médicaux que MSF. Sans soutien supplémentaire, d’autres personnes risquent de perdre la vie. »
– Asiyat Magomedova, responsable des programmes de MSF en Ituri
Risque d’épidémies
Des cas de rougeole ont déjà été signalés parmi la communauté réfugiée. Afin de réduire le risque d’épidémie, MSF soutiendra une vaste campagne de vaccination, qui débutera en août et ciblera 62 000 enfants. En parallèle, une autre campagne permettra d’administrer les vaccins de routine à 520 nourrissons et à 310 femmes enceintes.

« L’instabilité au Soudan du Sud a interrompu les programmes de vaccination. Quand on fuit pour sauver sa vie, il est difficile de venir à un rendez-vous médical planifié », explique Félicien Lwiteo, coordonnateur de projet de MSF à Adi. « Le risque d’épidémies est réel, et il est crucial d’agir vite. »
MSF mène également des projets d’infrastructures essentielles. Nos équipes construiront six points de distribution d’eau ainsi que 200 latrines et douches d’ici la mi-août. Par ailleurs, près de 6 000 trousses de biens de première nécessité, comprenant moustiquaires, seaux, savons et pots pour enfants, seront distribuées aux familles les plus vulnérables.
Des besoins croissants, un soutien limité
L’arrivée quotidienne de personnes qui cherchent refuge en RDC met à rude épreuve la capacité de MSF à répondre aux besoins humanitaires croissants.
« Il y a très peu d’organisations internationales sur place, et aucune n’offre la même gamme de services médicaux que MSF », explique Asiyat Magomedova, responsable des programmes de MSF en Ituri. « Sans soutien supplémentaire, d’autres personnes risquent de perdre la vie. »

« Au Soudan du Sud, la situation reste critique », selon Ferdinand Atte, directeur des projets de MSF dans ce pays.
« Il est crucial de garantir un accès sûr et sans entrave aux communautés, ainsi que d’assurer la protection des personnes et des infrastructures civiles, y compris des établissements médicaux, avant que nous puissions envisager de reprendre nos activités », explique-t-il. « Nous sommes profondément engagés à fournir des soins aux personnes qui en ont le plus besoin, nous ne pouvons pas laisser notre personnel travailler dans un environnement dangereux. »
Les personnes du Soudan du Sud désormais réfugiées en RDC ont peu d’espoir de rentrer chez elles dans un avenir proche.
« Si nous rentrons, c’est la mort assurée », conclut Viola. « Comment pourrions-nous y retourner? »