MSF Japan General Director Shinjiro Murata speaks to a Rohingya family through a medical interpreter following MSF’s health promotion session for Rohingya women in the refugee camps in Cox’s Bazar, Bangladesh. Health promoters usually invite several families to a session, to raise awareness around the importance of seeking healthcare. © Elizabeth Costa/MSF
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Rohingyas : cinq ans après avoir été déplacées, des personnes témoignent

Médecins Sans Frontières (MSF) s’est entretenu avec cinq membre de la communauté rohingya dans des camps pour personnes réfugiées, dont Cox’s Bazar, au Bangladesh, pour comprendre comment ils voient leur vie, cinq ans après avoir été forcées de quitter le Myanmar. Âgées de 5, 15, 25, 45 et 65 ans, ces personnes représentent ensemble trois générations ayant vécu dans les camps. Chacune d’entre elles est ou a été patients ou patientes de MSF.

J’aspire à la paix

Tayba Begum est mère de six enfants, dont des jumelles âgées de 5 ans. Elle a fui le Myanmar en 2017, avec rien d’autre que les vêtements qu’elle portait ce jour-là.
Tayba Begum est mère de six enfants, dont des jumelles âgées de 5 ans. Elle a fui le Myanmar en 2017, avec rien d’autre que les vêtements qu’elle portait ce jour-là. Saikat Mojumder/MSF

 

« Mes jumelles, Nur Ankis et Nur Bahar, n’avaient que six mois lorsqu’on a fui notre pays natal. J’ai couru avec elles. J’ai quitté le Myanmar sans rien apporter, si ce n’est les vêtements que je portais ce jour-là.

Après le début des massacres, nous ne pouvions plus rester au Myanmar. Nous devions nous sauver. Les militaires assassinaient brutalement les membres de la communauté rohingya et brûlaient leurs maisons. 

Même deux ans avant notre départ, en 2017, des jeunes hommes étaient enlevés et torturés. À l’époque, mon fils avait peur et il est parti en Inde. Il y est toujours.

Quand j’ai fui avec mes bébés, nous avons traversé des jungles et des routes boueuses sous la pluie battante pour rejoindre le Bangladesh.

Le voyage a été difficile, surtout avec des enfants. Après avoir atteint la frontière, les gens se reposaient partout où ils pouvaient, mais il n’y avait nulle part où s’abriter. Nous nous sommes assis dans des buissons ou sous des arbres lorsqu’il pleuvait abondamment, en attendant et en espérant voir de l’aide arriver.

Nous mangions tout ce que nous pouvions trouver pour survivre. Mes filles devenaient faibles et vomissaient chaque fois que j’essayais de les nourrir. Elles ont souffert longtemps, car il était difficile de trouver des médicaments à notre arrivée.

Quelques jours après notre arrivée [à Cox’s Bazar], on nous a aidées à construire des abris en tissu et en bambou. Depuis, nous vivons ici, dans les camps pour personnes réfugiées. Mes jumelles ont cinq ans maintenant. Cela fait cinq ans que nous vivons dans la détresse.

Nous avons un abri, mais au-delà de ça, nous n’avons pas grand-chose pour nos enfants. Nous sommes dépendants de l’aide humanitaire et nous nous inquiétons de savoir comment les nourrir, comment les vêtir et comment les éduquer.

Je ne peux pas leur fournir ce dont elles ont besoin, car je n’ai pas d’argent. Parfois, je mange moins que je le devrais, parce qu’au fond de mon cœur, je voudrais vendre le surplus de nourriture pour acheter quelque chose pour mes enfants.

C’est ainsi que nous vivons, à moitié nourris. Sinon, je ne pourrais rien acheter à mes enfants.

Parfois, j’ai des nouvelles de mon fils, en Inde. Il appelle tous les deux ou trois mois. Je n’ai pas de téléphone portable et je ne peux lui parler que lorsqu’il appelle quelqu’un d’autre.

Je ne l’ai pas vu depuis des années et il me manque terriblement, ainsi que ma maison au Myanmar. J’aspire à la paix. Si nous pouvions à nouveau vivre en paix au Myanmar, nous y retournerions. Pourquoi ne reviendrions-nous pas si la justice nous est rendue et si on nous accorde la citoyenneté? N’est-ce pas aussi notre patrie? Mais comment y retourner si nos droits ne sont pas garantis? Où vivrons-nous, puisque nos maisons ont été détruites? Comment pouvons-nous rentrer si nos enfants peuvent être enlevés et assassinés?

Vous pouvez nous garder ici ou nous transférer dans un autre pays, nous ne refuserons pas, mais je ne retournerai pas au Myanmar avant que justice ne soit faite. »
 

Je rêvais de devenir médecin, mais je ne pense que cela se réalisera

Anwar, âgé de 15 ans, se souvient encore clairement d’avoir fui le Myanmar, il y a cinq ans. À l’époque, il était un élève studieux et plein d’ambition. Aujourd’hui, il s’inquiète de la tournure que prendra sa vie.
Anwar, âgé de 15 ans, se souvient encore clairement d’avoir fui le Myanmar, il y a cinq ans. À l’époque, il était un élève studieux et plein d’ambition. Aujourd’hui, il s’inquiète de la tournure que prendra sa vie.Saikat Mojumder/MSF

 

« Je m’appelle Anwar. Je suis un élève du Myanmar. J’ai 15 ans, presque 16. Nous nous sommes échappés de notre quartier au Myanmar et nous vivons maintenant dans le camp de réfugiés de Jamtoli, au Bangladesh. 

Je me souviens du moment où j’ai fui le Myanmar avec ma famille. C’était un après-midi, lorsque l’armée a attaqué notre quartier et que nous avons dû courir vers une zone voisine. Lorsqu’ils ont incendié nos maisons, nous avons dû courir plus loin. Nous avons survécu, mais de nombreuses personnes parmi nos parents et notre voisinage ont été assassinées.

Nous avons parcouru un long chemin pour nous mettre à l’abri. Je me souviens qu’il nous a fallu marcher ou courir pendant presque 12 jours pour atteindre le Bangladesh. C’était dangereux : nous avons emprunté des routes inconnues, grimpé des collines et même traversé des cours d’eau. Nous avons vu beaucoup de cadavres en chemin.

Lorsque nous sommes arrivés au Bangladesh, nous sommes d’abord restés chez des connaissances, parents ou voisins, et maintenant nous vivons dans cet abri, ici, dans le camp.

J’étais encore à l’école quand nous nous sommes échappés, alors quand je suis arrivé ici, mes études ont été interrompues. J’étais un bon élève avec de bonnes notes. J’aime apprendre, mais maintenant, je ne peux pas étudier ou obtenir les livres dont j’ai besoin.

Seul l’enseignement primaire est disponible dans les camps de réfugié·e·s rohingyas, rien de plus. Notre éducation en est restée là où nous l’avons laissée. La seule chance qu’on a d’apprendre, c’est lorsque des enseignants ou des enseignantes de notre communauté rassemblent les enfants de la communauté rohingya pour leur enseigner. Ils nous enseignent de bon cœur.

Certains de mes amis manquent des cours pour subvenir aux besoins de leur famille. J’ai de la peine pour eux. S’ils s’instruisaient, ils pourraient enseigner aux autres et créer un effet d’entraînement. Ce n’est que de cette façon que notre communauté se développera et que notre génération fera le bien.

Mon rêve était de devenir médecin, d’être utile à la communauté. Depuis mon enfance, je vois des médecins aider les gens et faire de leur mieux. Je comprends aujourd’hui que ce rêve ne pourra jamais se réaliser. Pourtant, je me sens heureux quand je vais en cours et que je rencontre mes amis. Nous essayons d’être heureux tout en étudiant et en jouant.

Notre vie dans le camp n’est pas facile. Ce que touche mon père n’est pas suffisant pour subvenir aux besoins de ma famille. Et parfois, quand je rentre de l’école, le soir, je ne me sens pas en sécurité.

Je voudrais m’adresser aux jeunes comme moi du monde entier. S’il vous plaît, saisissez l’opportunité qui s’offre à vous et apprenez autant que vous le pouvez. Mes camarades réfugié·e·s rohingyas et moi n’avons pas cette chance. »

 

Je m’inquiète pour mes enfants et pour leur avenir

Nabi Ullah, 25 ans, a fui au Bangladesh avec sa famille, en 2017. Plusieurs membres du groupe avec lequel il fuyait n’ont pas survécu au voyage.
Nabi Ullah, 25 ans, a fui au Bangladesh avec sa famille, en 2017. Plusieurs membres du groupe avec lequel il fuyait n’ont pas survécu au voyage.Saikat Mojumder/MSF

 

« Au Myanmar, je travaillais comme agriculteur », raconte Nabi. « Je cultivais des terres dans les collines et nous nous nourrissions des récoltes. Il n’y avait pas besoin de gagner de l’argent puisque nous cultivions notre propre nourriture.

Lorsque l’armée est arrivée [en 2017], je suis resté inconscient après avoir été torturé. Les gens du voisinage ont été massacrés et brûlés; d’autres ont disparu. Ils ont mis le feu à tout le quartier. Nous avons dû fuir. J’ai emballé des médicaments, rassemblé mes forces et ma famille, et je suis parti. »

« Alors que nous fuyions par les collines, une dizaine de personnes de notre groupe ont été tuées », raconte la femme de Nabi. « Mon mari, ses parents et moi avons survécu, mais ma famille ne s’en est pas sortie. J’ai perdu mes parents et mes frères et sœurs. Nous avons dû les laisser derrière nous et nous avons traversé la frontière du Bangladesh. »

« Après avoir traversé la frontière, le gouvernement du Bangladesh nous a fourni un abri et de la nourriture », raconte Nabi. « Ensuite, on nous a envoyé·e·s dans ce camp. Le Myanmar me manque.

J’ai un fils et deux filles. Mon fils est né ici, à l’hôpital MSF. Il a un an et demi. Mes filles sont nées au Myanmar. Ma femme est maintenant enceinte d’un autre enfant.

Nous comptons sur l’aide alimentaire, mais nous avons du mal à payer les autres choses dont nous avons besoin, comme des vêtements pour les enfants. Nous sommes dans une situation désastreuse.

Ici, dans les camps, les gens souffrent souvent de fièvres, de diarrhées, de maux de gorge et d’autres maladies. Quand j’ai de la fièvre, ma gorge enfle et j’ai du mal à respirer. Une fois, on m’a emmené en ambulance à l’hôpital de Kutupalong où j’ai été admis pendant trois jours parce que j’avais besoin d’oxygène.

Je vais vers MSF chaque fois que je me sens mal et j’y emmène aussi mes enfants pour différents maux. Je m’inquiète pour eux. Je voudrais leur construire un avenir. Je veux aussi leur offrir une éducation. Il n’y a pas de plus grande richesse que l’éducation. La vie ici sera encore plus difficile si nos enfants grandissent sans recevoir d’éducation.

Notre maison nous manque terriblement. Je perds l’appétit quand les souvenirs du Myanmar reviennent.

Nous sommes à jamais reconnaissants au gouvernement du Bangladesh de nous avoir soutenus. Remercier le gouvernement d’avoir soutenu tant de familles ne sera jamais suffisant. C’est juste que nous voulons rentrer chez nous. Je pense toujours à ce qui pourrait nous aider à rentrer au Myanmar.

Nous ne pourrons rentrer que si le gouvernement nous accepte comme citoyens et nous rend nos maisons, nos terres et nos papiers. Nous voulons aller à là où nos droits seront garantis. »

 

Nos abris sont toujours aussi provisoires que lors de notre arrivée

La nuit précédant sa fuite du Myanmar, Hashimullah, 45 ans, a été réveillé par le bruit des balles. Le lendemain matin, il s’est enfui.
La nuit précédant sa fuite du Myanmar, Hashimullah, 45 ans, a été réveillé par le bruit des balles. Le lendemain matin, il s’est enfui. Saikat Mojumder/MSF

 

« Nous sommes arrivé·e·s au Bangladesh en 2017. Nous sommes venu·e·s ici parce que les membres de la communauté rohingya étaient arrêté·e·s et assassiné·e·s au Myanmar. 

Nos quartiers brûlaient les uns après les autres. Des bombes étaient lancées depuis des avions. Nous avons observé cette situation pendant huit jours, en espérant que les choses se calmeraient. Mais les choses n’ont fait qu’empirer.

Une nuit, vers 4 heures du matin, alors que tout le monde dormait, il a commencé à pleuvoir des balles. Tout le monde avait peur.

Au matin, nous avons vu des cadavres qui flottaient dans les canaux. Certaines personnes étaient encore en vie, mais personne n’est allé les voir. Les militaires se dirigeaient vers la zone où nous étions caché·e·s. Tout le monde avait peur pour sa vie et commençait à fuir partout où ils et elles le pouvaient. Tant de membres de la communauté rohingya ont été massacré·e·s. 

Mais même avant 2017, des hommes ont été enlevés, des femmes ont été violées et les militaires ont pris notre bétail.

Le jour où nous avons fui, un nombre impressionnant de personnes se sont rassemblées à la frontière. Les gens ont envoyé des bateaux depuis le Bangladesh pour que nous puissions traverser pour nous mettre en sécurité. 

Nous étions un grand groupe. Beaucoup de gens se sont noyés dans la mer sur le chemin du Bangladesh. J’ai survécu au voyage et j’ai atteint Shah Porir Dwip [une île du côté bangladais de la frontière]. De là, on nous a emmené·e·s à Teknaf [à Cox’s Bazar] dans des véhicules fournis par le gouvernement du Bangladesh et des gens nous ont donné de la nourriture et de l’argent.

Ensuite, nous sommes allé·e·s à Kutupalong, où l’on nous a attribué différents camps. Au début, nous n’avions pas de matériaux pour construire un abri. Plus tard, le gouvernement du Bangladesh nous a fourni des matériaux pour les abris et nous avons commencé à les construire. 

Cela fait maintenant cinq ans que je suis ici. Il y a deux ans, je suis tombé malade. J’avais des vertiges et un malaise dans la poitrine. J’ai perdu connaissance et on m’a amené à l’hôpital de MSF à Kutupalong. Le médecin m’a dit qu’il avait trouvé un blocage dans mon cœur. J’ai suivi un traitement, ici, pendant 16 jours et j’ai finalement été guéri.

Nous souffrons de nombreuses maladies ici. Nos abris sont toujours les mêmes abris temporaires que lors de notre arrivée et depuis, ils ont subi des conditions climatiques extrêmes. Nous avons vraiment besoin de plus de matériaux pour les abris, mais il est difficile d’en trouver avec les restrictions de mouvement dans les camps. Des clôtures ont été installées et nous ne pouvons plus nous déplacer comme avant.

Le gouvernement nous fournit quelques denrées alimentaires et nous en sommes reconnaissants et reconnaissantes, mais parfois ce n’est pas suffisant et nous devons essayer d’acheter du poisson. 

Certaines personnes parmi nous travaillaient à la pêche au Myanmar, d’autres étaient dans l’agriculture. Nous avons fui ici, mais nos cœurs sont toujours là, chez nous. Je vivais au bord de la rivière. J’avais une vie décente, car mon activité consistait à vendre des filets de pêche et mes enfants pêchaient du poisson.

À cette époque, nous étions en sécurité au Myanmar et nous pouvions nous déplacer. Mais nous ne pouvions pas profiter de nos revenus à cause des militaires. Si nous importions et enregistrions cinq vaches, nous devions leur en donner deux. Nous devions payer 60 000 kyats à l’armée si nos filles devaient se marier. Si quelqu’un voulait construire une maison, il devait payer 500 000 kyats pour embaucher un ou une géomètre. 

Même si notre cœur aspire à rentrer, comment le pourrions-nous si notre sécurité n’est pas assurée? Si le monde décide que nous pouvons être rapatrié·e·s [en toute sécurité], alors seulement nous partirons. Mon seul besoin est le droit de vivre dans la dignité au Myanmar, comme nous le faisons ici. Des millions de personnes membre de la communauté rohingya veulent jouir de leurs droits et être en sécurité chez eux. »

 

Nous étions traités comme des parias, et les privations progressives se sont transformées en persécution

Mohamed Hussein a travaillé pendant plus de 38 ans comme employé civil au bureau du ministre de l’Intérieur, au Myanmar. En 1982, il a été déchu de sa citoyenneté en raison de son appartenance ethnique à la communauté rohingya.
Mohamed Hussein a travaillé pendant plus de 38 ans comme employé civil au bureau du ministre de l’Intérieur, au Myanmar. En 1982, il a été déchu de sa citoyenneté en raison de son appartenance ethnique à la communauté rohingya.Saikat Mojumder/MSF

 

« J’ai passé le baccalauréat en 1973. J’ai même eu un emploi en tant qu’employé du gouvernement, car à l’époque, les membres de la communauté rohingya étaient reconnus par la constitution. Ils nous nommaient directement, après avoir vérifié que nous avions bien terminé le lycée.

Après avoir obtenu l’indépendance des Britanniques, en 1948, le gouvernement nous a acceptés en tant que citoyen. Si le père de quelqu’un était né au Myanmar et que le fils l’était aussi, les deux pouvaient être reconnus comme des citoyens. Les personnes de toutes les ethnies jouissaient des mêmes droits. Personne n’était victime de discrimination.

Tout a changé en 1978, lorsque le recensement de Naga Min, ou “Dragon King”, a été effectué. Ce recensement a permis de déterminer qui était citoyen du Myanmar et qui était du Bangladesh. De nombreuses personnes ont été arrêtées parce qu’elles n’avaient pas les documents requis. Craignant pour ma vie, j’ai fui. Plus tard, le gouvernement du Myanmar nous a repris. Il a passé un accord avec le gouvernement du Bangladesh, et on nous a promis que si nous revenions, nos droits seraient garantis. Cette promesse n’a pas été tenue. Les terres ont été rendues à leurs propriétaires, mais nos droits n’ont pas été garantis. Ce fut le début de notre oppression. Nous avons été traité·e·s comme des parias et la privation progressive s’est transformée en persécution.

Les autorités nous ont alors dépouillés de notre citoyenneté [au Myanmar]. Dans le cadre de la loi sur la citoyenneté [de 1982], elles ont reconnu des catégories d’ethnicité, et des pourcentages pour chacune d’entre elles ont été annoncés. Cette catégorisation n’existait pas auparavant.

À cette époque, bien que notre citoyenneté nous avait été retirée, les membre de la communauté rohingya étaient toujours acceptés dans le pays à titre d’étrangers et d’étrangères. Différentes régions diffusaient les nouvelles de notre communautés. Après la prise du pouvoir par les militaires, notre temps d’antenne à la radio a été supprimé.

Si nous sommes vraiment des étrangers et des étrangères, pourquoi l’ancienne constitution ne nous reconnaissait-elle pas comme tels?

Nous n’étions plus autorisé·e·s à poursuivre des études supérieures. Des restrictions de voyage ont été imposées, et les militaires nous accusaient d’être impliqué·e·s dans un conflit avec les bouddhistes. Des membres réputés de la communauté rohingya ont été arrêtés ou mis à l’amende en raison d’allégations d’oppression des bouddhistes. Des couvre-feux ont été décrétés et si une personne était surprise à visiter une autre maison, elle était torturée. Nous avons donc commencé à nous taire lorsque quelque chose se passait dans notre communauté.

Chaque année, de nouveaux ordres étaient décrétés. Ceux et celles qui ne s’y conformaient pas étaient arrêté·e·s.

Malgré tout cela, nous pouvions encore voter. Nous avons élu des membres qui ont participé aux sessions parlementaires, mais en 2015, même notre droit de vote nous a été retiré.

Nous nous sommes sentis rabaissé·e·s, inquiets et inquiètes. Dans le pays où nos ancêtres avaient vécu, nous ne pouvions plus voter. Nos cœurs se sont enfoncés quand on nous a traité·e·s d’intrus et d’intruses. Le traitement injuste en est venu à un point tel que nous avons dû fuir.

Un matin [en 2017], nous avons entendu des coups de feu. [Puis], c’est un jeudi soir que des coups de feu réels ont été tirés depuis le poste militaire proche de notre maison. Le lendemain matin, nous avons appris que des Rohingyas avaient été tué·e·s.

Lorsque les gens ont vu les militaires entrer dans notre quartier, ils ont commencé à s’enfuir. Nous étions terrifié·e·s, car les militaires arrêtaient et tuaient des gens partout. En courant pour sauver nos vies, nous sommes arrivé·e·s ici, au Bangladesh. Nous avons eu la chance d’arriver en vie. Le Bangladesh fait beaucoup pour nous, il nous soutient.

Nous avions beaucoup d’espoir à notre arrivée. Mais maintenant, nous nous sentons coincé·e·s. La vie est devenue difficile. Mon cœur est agité à cause de cela. Chaque fois que je sors, je suis fouillé [par les gardes].

Je ne peux même pas rendre visite à mes enfants. Une de mes filles vit à Kutupalong, et une autre à proximité. Il me faut beaucoup de temps pour atteindre leurs abris lorsque j’essaie de leur rendre visite. L’enfermement me pèse.

Je suis inquiet pour notre avenir, car nos enfants ne reçoivent pas une éducation appropriée. Qu’ils restent ici ou qu’ils retournent au Myanmar, que feront-ils sans éducation? Nous passons de nombreuses nuits blanches à penser à tout cela.

Je reçois des soins médicaux pour mon diabète et mon hypertension dans un centre MSF à l’intérieur du camp, mais le traitement de ma maladie rénale n’est pas disponible dans le camp. Je ne peux pas sortir pour obtenir ce traitement, alors mon espoir est qu’il devienne un jour disponible ici.

Je suis vieux maintenant et je vais bientôt mourir. Je me demande si je verrai ma patrie avant ma mort. Mon souhait est de rendre mon dernier soupir au Myanmar. Je ne sais pas si ce souhait sera exaucé.

Mon cœur aspire à notre rapatriement au Myanmar, avec la garantie que nos droits seront protégés et que nous ne serons plus persécutés·e·. J’ai peur d’être à nouveau persécuté au Myanmar et, comme nos familles sont là-bas, nous devons aussi penser à leur sécurité.

Nous serions traité·e·s de manière égale au Myanmar si notre citoyenneté était reconnue. Nous devrions pouvoir étudier, mener nos vies et nous déplacer comme tout autre citoyen du Myanmar. Nous devrions pouvoir voter, participer aux élections et faire entendre notre voix au Parlement.

Maintenant que tous nos droits nous ont été retirés, nous ne sommes plus que des cadavres ambulants. Le monde est fait pour que chacun et chacune puisse y vivre. Aujourd’hui, nous n’avons pas de pays à nous, bien que nous soyons humains.

Je dis au monde que nous sommes tout aussi humains que vous tous et toutes et en tant qu’êtres humains, nous souhaitons vivre une vie digne.

Nous demandons au monde de nous aider à vivre comme des humains. Mon souhait est d’avoir des droits et de vivre en paix. »