The brand new centre, located 5km away from Vathy city in Samos island, is still partly under construction, but most of it is ready. Located in the middle of nowhere and surrounded by three layers of fence & barded wire, it is designed to host up to 3,000 people, of which according to the Greek Minister of Migration, 2,100 will have a “controlled access” and 900 will be in detention waiting to be sent back to Turkey. Patients and people who live in Vathy reception centre describe it as an open-air prison. © MSF/Evgenia Chorou
PARTAGEZ

Samos, Grèce : Inauguration d’un nouveau camp semblable à une prison

 

Le nouveau Centre d’accueil et d’identification polyvalent sur l’île de Samos représente une escalade des politiques migratoires européennes visant à dissuader les gens de migrer et à punir ceux qui le font. Ce centre est non seulement dangereux, mais il affecte également le bien-être physique et mental de ses résidants, comme le détaille le récent rapport de Médecins Sans Frontières (MSF) « Constructing Crisis at Europe’s Borders », disponible en anglais seulement. Les personnes y sont hébergées dans des conteneurs d’expédition entourés de hautes clôtures barbelées, où les entrées et les sorties sont contrôlées. Ce projet ne peut être présenté comme une amélioration des conditions de vie des gens. On ne peut parler d’une amélioration des conditions quand on voit des enfants captifs qui jouent sur des terrains de jeux clôturés avec des barbelés dans un endroit isolé et complètement coupé du reste de la société. C’est une honte. Ce qui se passe en réalité, c’est que l’UE et ses dirigeants renforcent une politique de violence qui vient aggraver la crise sanitaire et la crise de protection.

 

Combien y a-t-il de personnes dans le camp de Samos et dans quel état se trouvent-elles ?

 

La population du camp de Vathy à Samos a considérablement diminué. En prévision du transfert vers le nouveau centre, des centaines de personnes ont été déplacées par les autorités vers des camps sur le continent. Craignant ce qui peut les attendre dans le nouveau camp, beaucoup d’autres prennent le risque de partir seuls sur le continent et de compromettre leur processus d’asile, plutôt que de faire face à la perspective d’être transférés dans des conditions carcérales à Zervou. Juste avant le transfert vers le nouveau camp, il y avait environ 600 personnes dans le camp de Vathy. Celles qui y sont encore le décrivent comme un « camp fantôme ». Elles se sentent abandonnées et ont peur de ce qui les attend dans le nouveau centre. Cette incertitude combinée à la perspective de déménager dans un camp-prison ne fait qu’ajouter à la lourdeur de leurs souffrances et de leur désespoir. Beaucoup de gens nous disent « qu’ils seront déplacés d’une prison à une autre ».

 

Ne pensez-vous pas que le nouveau centre sera plus sécuritaire et offrira de meilleures conditions de vie à ses résidants ?

 

Les nouvelles installations sont situées dans des secteurs isolés et éloignés des îles. MSF a vu le centre déjà en construction à Samos, où nous travaillons. Les personnes y sont hébergées dans des conteneurs d’expédition entourés de hautes clôtures barbelées, où les entrées et les sorties sont contrôlées. Bien qu’en théorie les gens puissent entrer et sortir du camp, dans la pratique, il est situé dans une zone reculée à environ deux heures de marche de la ville de Vathy, donc sans moyen de transport, les gens y sont en réalité pris au piège. Ce projet ne peut être présenté comme une amélioration des conditions de vie des gens. On ne peut parler d’une amélioration des conditions quand on voit des enfants captifs qui jouent sur des terrains de jeux clôturés avec des barbelés dans un endroit isolé et complètement coupé du reste de la société. C’est une honte. Ce qui se passe en réalité, c’est que l’UE et ses dirigeants renforcent une politique de violence qui vient aggraver la crise sanitaire et la crise de protection. Comme l’a dit l’un de nos patients lorsqu’il a appris l’existence du nouveau centre « ils nous déplacent d’une prison à une autre ». La Commission européenne, les États membres européens et les autorités grecques doivent endosser leurs responsabilités. Plutôt que de perpétuer un système brutal, inhumain et illogique, l’Europe doit plutôt adopter des politiques qui protègent les vies humaines et qui ne mettent pas en péril la santé et le bien-être des personnes.

 

MSF va-t-elle travailler à l’intérieur du nouveau centre ?

 

L’équipe MSF sur l’île de Samos vise à se rapprocher du nouveau centre. Notre priorité est de rester proche de la population et de veiller à ce que les patients puissent accéder à la clinique MSF.

 

Comment peut-on régler cette situation ?

Pour les dirigeants européens, la solution est de créer l’illusion que la migration est un danger qui doit être stoppé. Ce n’est pas une solution; c’est la cause de la crise. Plutôt que de dépenser des millions pour ségréguer et humilier des personnes en quête de protection en Europe, l’UE devrait plutôt investir dans des programmes d’accueil, de relocalisation et d’intégration cohérents et sûrs. Depuis près de quatre ans, MSF soigne les blessures physiques et psychologiques causées par les politiques migratoires néfastes et, étonnamment, plutôt que de s’attaquer à la situation, l’UE et ses États membres entendent intensifier et institutionnaliser leur stratégie d’endiguement et de dissuasion. La Commission européenne, les États membres européens et les autorités grecques doivent prendre leurs responsabilités et évacuer les personnes des « hotspots » insulaires et arrêter immédiatement la création de tels centres dans les îles grecques. Ces centres doivent avoir comme seuls objectifs de fournir une assistance d’urgence, de faciliter l’accès à la protection et de relocaliser les gens vers une structure d’accueil sûre.

Comment les gens seront-ils pris en charge dans le nouveau centre?

 

Aucun plan clair n’a été communiqué quant à la façon dont les gens seront pris en charge dans les nouveaux centres. C’est inquiétant et irresponsable, surtout compte tenu des années de négligence dont MSF a été témoin, où même les produits de première nécessité n’ont pas été fournis aux demandeurs d’asile sur les îles grecques. À l’heure actuelle, il n’y a même pas de plans de transport pour que les gens puissent se rendre en ville.

 

Les nouveaux centres seront-ils des camps fermés ?

 

Les centres sont conçus pour être des versions plus restrictives des installations actuelles comme celles de Moria et de Vathy. Leur objectif est de faciliter et de renforcer l’endiguement, la détention et l’expulsion des personnes arrivant en Europe, et d’accentuer la ségrégation des réfugiés du reste de la société. En bref, ils sont construits pour garder les réfugiés hors de vue! Il est honteux et choquant que tout cela se passe sur le territoire de l’UE.

 

Que savez-vous du système de surveillance qui sera utilisé dans les nouveaux centres?

 

Selon les médias, le ministère grec des migrations et de l’asile concevra et déploiera bientôt un système de surveillance comprenant un dispositif de vidéosurveillance et des moniteurs vidéo, des vols de drones au-dessus des installations pour détecter les incidents, des alarmes de violation du périmètre avec caméras, des portes de contrôle avec des détecteurs de métal et des appareils à rayons X et un système automatisé de communication par haut-parleurs.

 

Combien d’argent l’UE accorde-t-elle à ces nouveaux centres?

 

Depuis 2015, la Grèce a bénéficié d’un soutien de 3,32 milliards d’euros de l’UE pour la migration. Des millions ont été alloués à la construction de nouveaux centres restrictifs dans les cinq hotspots sur les îles grecques. En mars 2021, la Commission a accordé une subvention de 155 millions d’euros aux autorités grecques pour construire de nouveaux centres d’accueil sur les îles grecques de Lesbos et de Chios, et pour agrandir l’installation d’Évros. Récemment, le ministère a annoncé que le coût de la construction de ces camps s’élèverait à 164 millions d’euros. Ce montant s’ajoute aux 121 millions d’euros attribués en novembre 2020 pour la construction de centres d’accueil sur les îles de Samos, Kos et Leros. Par ailleurs, plus de 6 millions d’euros ont été octroyés à la Grèce pour les systèmes de surveillance.

Malgré tout cet argent, les conditions dans les hotspots restent désastreuses, et les gens sont laissés pour compte dans des conditions précaires et insalubres. MSF et d’autres ONG ont continuellement dû intervenir. Par exemple, en 2019, MSF a fourni 5 000 kits d’hiver aux habitants du centre de Vathy, pour un coût de plus de 150 000 euros, et dépêché plus de 30 employés MSF pour effectuer la distribution.

Au lieu d’envoyer au gouvernement grec des millions d’euros pour isoler les migrants dans des installations déshumanisantes et dangereuses, il devrait y avoir plus d’investissements et de soutien dirigés vers des programmes d’hébergement sûr, de protection et d’intégration sur le continent grec et dans d’autres pays européens.

 

Qu’en est-il de la situation sur le continent, à Athènes : est-elle meilleure que dans les hotspots

Alors que la construction de ces nouveaux centres se déroule sur les îles, une injustice silencieuse se poursuit sur le continent. Malgré les restrictions géographiques et les procédures d’asile actives dans les îles, de nombreuses personnes qui n’ont rien d’autre à perdre se rendent à Athènes, sous l’oeil tolérant des autorités grecques. Elles finissent par dormir dans la rue ou dans des conditions précaires. En parallèle, des milliers de réfugiés reconnus, au lieu d’être soutenus pour qu’ils puissent reconstruire leur vie, se font expulser et doivent vivre dans la rue, et tout cela au beau milieu d’une pandémie. Et les migrants, réfugiés et demandeurs d’asile qui ne se retrouvent pas dans les rues d’Athènes ou des logements précaires souffrent dans des camps surpeuplés sur le continent, où la situation se détériore rapidement. Des plans pour accroître la sécurité et le contrôle continuent de se concrétiser avec la construction de murs en béton autour des camps et la mise en place de systèmes de surveillance dystopiques incluant des drones et des caméras thermiques qui seront installés dans 39 camps à travers le continent et sur les îles grecques.