Les conclusions de MSF montrent que les algorithmes de l’OMS pourraient doubler le nombre d’enfants diagnostiqués et traités pour la tuberculose
Les gouvernements doivent agir dès maintenant pour veiller à ce qu’aucun enfant ne soit laissé pour compte dans la lutte contre cette maladie mortelle.
Lors de la Conférence mondiale sur la santé pulmonaire qui s’est tenue cette semaine, Médecins Sans Frontières (MSF) a publié des données issues de ses recherches opérationnelles. Celles-ci soulignent que l’utilisation des algorithmes de décision thérapeutique recommandés par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour diagnostiquer la tuberculose chez les enfants peuvent presque doubler le nombre d’enfants qui susceptibles de recevoir un traitement antituberculeux.
Les algorithmes de l’OMS sont des systèmes de notation guidés qui permettent aux médecins de commencer un traitement antituberculeux si les symptômes de l’enfant indiquent fortement une tuberculose, même si les tests de laboratoire ne sont pas disponibles ou si les résultats des tests semblent négatifs. MSF a exhorté les responsables politiques à adopter les algorithmes de l’OMS dans leurs directives nationales et à veiller à leur mise en œuvre afin que davantage d’enfants atteints de tuberculose puissent bénéficier d’un diagnostic et d’un traitement essentiels.
L’étude TACTiC (Test Avoid Cure TB in Children) a pour objectif de dépister, d’éviter, et de guérir la tuberculose chez les enfants. Menée par MSF, cette étude a évalué les algorithmes de l’OMS chez 1 846 enfants de moins de 10 ans présentant des symptômes évocateurs d’une tuberculose pulmonaire. L’étude s’est déroulée d’août 2023 à octobre 2025 dans cinq pays : l’Ouganda, le Niger, le Nigéria, la Guinée et le Soudan du Sud. Elle portait sur des enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère et des enfants vivant avec le VIH.
Les données de MSF démontrent que les algorithmes de l’OMS ont permis d’identifier correctement la majorité des enfants atteints de tuberculose et, en moyenne, de doubler la proportion d’enfants pouvant commencer un traitement antituberculeux. Les conclusions de MSF ont en outre montré que l’introduction des algorithmes de l’OMS soutient le personnel médical dans le diagnostic de la tuberculose chez les enfants et qu’elle est facile à mettre en œuvre. Elle augmente également la satisfaction des parents quant à la rapidité avec laquelle leurs enfants ont reçu des soins antituberculeux.
« Nos résultats prouvent que les algorithmes de décision thérapeutique de l’OMS, qui ne nécessitent pas de résultats d’analyses de laboratoire pour commencer le traitement de la tuberculose chez les enfants, fonctionnent dans la réalité et pourraient sauver la vie de nombreux autres enfants s’ils étaient mis en œuvre. La science est claire, ce qui manque aujourd’hui, c’est la volonté politique de la mettre en pratique. »
– Helena Huerga, médecin et chercheuse principale de l’étude TACTiC menée par MSF
« Avant, les membres du personnel de la santé se basaient sur la toux et tant que les enfants ne toussaient pas, ils pensaient qu’ils n’avaient pas la tuberculose », explique Angeline Dore, médecin et coordonnatrice du projet TACTiC en Guinée. « Les algorithmes de l’OMS nous indiquent désormais qu’il ne faut pas se baser uniquement sur la toux, car il existe d’autres signes de tuberculose. »
Selon les estimations, 1,2 million d’enfants et de jeunes âgés de moins de 15 ans ont contracté la tuberculose en 2024. Bien que cette maladie puisse être guérie, la tuberculose chez les enfants reste souvent non diagnostiquée, car les tests de laboratoire actuellement disponibles sont conçus pour les adultes et ne fonctionnent pas nécessairement bien chez les enfants. Par ailleurs, la plupart des tests de laboratoire nécessitent un échantillon d’expectoration, que les enfants ont du mal à produire, et même lorsqu’ils y parviennent, les faibles niveaux bactériens dans leurs poumons rendent souvent impossible la détection par les tests de laboratoire. Le rapport mondial de l’OMS sur la tuberculose publié la semaine dernière (disponible uniquement en anglais) a montré qu’en 2024, 43 % des enfants atteints de tuberculose n’avaient pas été diagnostiqués et n’avaient pas pu bénéficier d’un traitement.
En 2022, l’OMS a révisé ses recommandations relatives au diagnostic, au traitement et à la prévention de la tuberculose chez les enfants pour les aligner sur les données scientifiques les plus récentes. Parmi plusieurs mises à jour importantes, les nouvelles recommandations de l’OMS préconisent l’utilisation d’algorithmes décisionnels pour le diagnostic de la tuberculose chez les enfants, dans les contextes avec ou sans accès à la radiographie. Cependant, malgré les recommandations de l’OMS, de nombreux pays n’ont pas encore adopté ces algorithmes dans leurs recommandations nationales ni facilité leur mise en œuvre dans les installations de santé.
« Trop d’enfants atteints de tuberculose passent encore entre les mailles du filet en raison de l’absence d’outils de diagnostic efficaces », explique Helena Huerga, médecin et chercheuse principale de l’étude TACTiC menée par MSF. « Nos résultats prouvent que les algorithmes de décision thérapeutique de l’OMS, qui ne nécessitent pas de résultats d’analyses de laboratoire pour commencer le traitement de la tuberculose chez les enfants, fonctionnent dans la réalité et pourraient sauver la vie de nombreux autres enfants s’ils étaient mis en œuvre. La science est claire, ce qui manque aujourd’hui, c’est la volonté politique de la mettre en pratique. »
Avec les récentes coupes budgétaires dans l’assistance internationale qui risquent d’aggraver les inégalités dans le dépistage et le traitement des personnes atteintes de tuberculose, MSF a appelé les pays et leurs parties prenantes, y compris les donateurs ou donatrices internationaux, à intensifier leurs efforts et à garantir un financement durable des soins antituberculeux pour tous, en particulier pour les jeunes enfants qui sont déjà les plus défavorisés en matière d’accès aux soins antituberculeux.
« Outre l’adoption et la mise en œuvre rapides des algorithmes de l’OMS, les décideurs politiques, les donateurs ou donatrices et les responsables de la mise en œuvre doivent également anticiper et planifier une augmentation de l’approvisionnement en médicaments nécessaires au traitement des enfants afin de garantir que tous les enfants diagnostiqués avec la tuberculose puissent accéder sans délai à un traitement contre cette maladie », explique Daniel Martinez Garcia, chef du projet TACTiC de MSF.