Palestine : déclaration de MSF sur le plan de militarisation de l’assistance déshumanisant et inefficace dont nous sommes témoins à Gaza
« Le désastre qu’a connu le début de la distribution alimentaire coordonnée par la Fondation humanitaire de Gaza nouvellement créée a confirmé l’inefficacité du plan américano-israélien d’instrumentalisation de l’assistance. Le 27 mai, premier après-midi de distribution à Rafah, au sud de Gaza, des dizaines de personnes ont été blessées par balle, alors que des quantités tout à fait insuffisantes d’approvisionnements de base essentiels étaient distribuées dans le chaos.
Privés de nourriture, d’eau et d’assistance médicale depuis près de trois mois, les Palestiniens et les Palestiniennes ont été enfermés dans des clôtures, alors que ces gens attendaient de recevoir des produits de première nécessité, indispensables à leur survie. Il s’agit là d’un rappel brutal du traitement déshumanisant imposé par les autorités israéliennes depuis plus de 19 mois.
Cette approche dangereuse et imprudente fait en sorte que, plutôt que d’être distribuée là où les besoins sont les plus grands, la nourriture est au contraire dirigée uniquement vers les zones où les forces israéliennes ont choisi de regrouper les personnes civiles. Cela signifie que les personnes les plus vulnérabilisées – en particulier les personnes âgées et les personnes vivant avec un handicap – n’ont pratiquement aucune chance d’accéder à la nourriture dont elles ont désespérément besoin.
Il est faux de prétendre que ce mécanisme défaillant et sans principes est nécessaire pour empêcher le détournement de l’assistance. Depuis le début de la guerre, Médecins Sans Frontières (MSF) a directement offert des soins aux gens, lorsqu’il nous a été possible d’acheminer des approvisionnements à Gaza. Cette initiative semble plutôt être un stratagème cynique pour feindre le respect du droit humanitaire international. En pratique, elle utilise l’assistance comme un outil pour déplacer de force des personnes dans le cadre de ce qui semble être une stratégie plus large de nettoyage ethnique de la bande de Gaza, et pour justifier la poursuite d’une guerre menée sans limites.
Pendant ce temps, l’assistance humanitaire est étranglée par les restrictions qui lui sont imposées. Les autorités israéliennes n’ont autorisé l’entrée que d’un nombre extrêmement restreint de camions d’assistance dans la bande de Gaza, pour ensuite les bloquer immédiatement après qu’ils ont franchi la frontière. Ce faisant, ils ont empêché l’aide essentielle d’atteindre les personnes qui en ont le plus besoin, comme les enfants, les femmes enceintes et les mères allaitantes.
Le fait d’obliger les organisations humanitaires à acheminer des quantités d’assistance aussi insuffisantes, alors que le siège israélien a créé une situation de besoin et de désespoir insupportable, donne lieu à des pillages. Cela est la conséquence d’une société poussée au bord du gouffre, dont le tissu même est déchiré par une violence et des privations incessantes. Il en résulte davantage de décès, de maladies et de blessures qui auraient pu être évitées. Dans ce contexte, il devient également impossible de fournir une assistance dans le respect de la dignité des personnes. Ces gestes s’inscrivent dans une
tactique plus large visant à renforcer un discours unilatéral : la seule façon d’apporter de l’assistance est de la militariser.
Au même titre que les ordres de déplacement et les campagnes de bombardement qui tuent des personnes civiles, cette militarisation de l’assistance peut constituer un crime contre l’humanité. Seuls un cessez-le-feu durable et l’ouverture immédiate des frontières de Gaza à l’assistance humanitaire comprenant la nourriture, les fournitures médicales, le carburant et l’équipement, pourront atténuer cette catastrophe provoquée par l’homme. »