Abortion is a common experience—people of all ages, ethnicities, nationalities, and religions decide to end their pregnancies for various reasons. Yet in many places across the globe, people who have abortions face harmful stereotypes, blame, and social stigma. Doctors Without Borders/Médecins Sans Frontières (MSF) provides safe abortion care and also treats people for the consequences of unsafe abortion, a leading cause of maternal mortality. When our teams talk to people who are deciding to have an abortion, we often hear their personal stories. To mark International Safe Abortion Day, September 28, we want to help break abortion stigma by sharing some first-person stories from women in the places where MSF works. We hear from people all over the world—from Colombia to the Democratic Republic of Congo, Greece to India, people of many religions, students, midwives, people with children, and some without children. MSF is committed to using our voice to ensure that people everywhere have access to safe abortion care. Safe abortion care is essential health care. © MSF
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Soins d’avortement médicalisé : « Le moyen le plus sûr d’aider ces femmes »

Dans le cadre de son engagement à réduire la mortalité maternelle dans ses pays d’intervention, Médecins Sans Frontières (MSF) offre des soins d’avortement médicalisé dans beaucoup de ses projets. Même si la fourniture de ces soins comporte son lot de défis, MSF déploie depuis plusieurs années des efforts à l’échelle mondiale pour surmonter les obstacles et intensifier la mise en œuvre de services d’avortement médicalisé. En conséquence, le nombre d’avortements médicalisés effectués par MSF est passé d’environ 74 dans cinq pays en 2015 à près de 35 000 dans 33 pays en 2021.

Asha*, une sage-femme superviseure originaire d’Afrique de l’Est, a travaillé avec MSF de 2003 à 2021 et a contribué à l’évolution des soins d’avortement médicalisé au sein de l’organisation. Elle raconte ici les défis, les avancées et la croissance qu’elle a connus en fournissant ces services médicaux essentiels aux femmes** pendant près de deux décennies.

Je savais que beaucoup de femmes souffraient en silence, parce que je leur prodiguais des soins pour des complications liées à des avortements non médicalisés.

2003: La formation, le premier obstacle

 

Lorsque j’ai commencé à travailler avec MSF en tant que sage-femme en 2003, je gérais les accouchements et les soins aux nouveau-nés, mais j’ai constaté un grand besoin pour des soins d’avortement. Chaque fois que ce besoin se présentait, j’aurais voulu aider – mais je n’avais ni la formation ni l’expérience pour le faire. C’était tout un dilemme pour moi.

Dans le pays d’où je viens en Afrique de l’Est, les médecins avaient toujours géré cette partie des soins de santé. Pourtant, les choses changeaient. Lorsque je suis rentrée chez moi après ma première affectation avec MSF, j’ai visité le centre de santé où je travaillais avant et j’ai vu que les sages-femmes s’occupaient désormais des cas d’avortement. J’ai eu l’impression d’être en retard.

En 2004, j’ai appris que MSF avait adopté la politique de fournir des soins d’avortement médicalisé partout où cela était nécessaire, afin de prévenir les décès et les blessures maternelles attribuables aux complications des avortements non médicalisés. J’étais impressionnée. Je me suis dit : « Voilà ce que je suis censée faire. » Mais je manquais encore de formation.

Peu de patientes demandaient des soins d’avortement – l’avortement est un sujet tabou en Afrique centrale où je travaillais, tout comme dans de nombreux autres pays d’intervention de MSF. Je savais cependant que beaucoup de femmes souffraient en silence, parce que je leur prodiguais des soins pour des complications liées à des avortements non médicalisés, comme la septicémie (infection du sang) et l’hémorragie, qui peut également entraîner une anémie sévère. Je me souviens très bien d’une patiente, une mère de cinq jeunes enfants, qui n’a pas survécu à de telles complications.

 

L’avortement médicamenteux, ou l’avortement médicalisé par médicaments, met fin à la grossesse dans plus de 95 % des cas. Son risque de complications graves et potentiellement mortelles est inférieur à 1 %.

 

Heureusement, les médecins locaux qui travaillaient avec MSF dans les projets où j’étais affectée avaient beaucoup de connaissances et d’expérience en la matière et ont pu m’aider à gérer les complications des avortements non médicalisés.

 

2009: Obstacles internes

 

En 2009, j’ai finalement pu participer à une formation MSF en santé sexuelle et reproductive aux Pays-Bas. J’ai appris à pratiquer un avortement médicalisé à l’aide de médicaments – la méthode privilégiée dans les projets MSF – et à effectuer une aspiration manuelle sous vide (une procédure permettant de retirer les tissus de la grossesse). Cette formation m’a beaucoup aidée, et c’est ainsi que j’ai pu commencer à fournir des soins d’avortement médicalisé.

Avec mes nouvelles compétences, je me suis rendue à ma prochaine affectation MSF en Afrique de l’Ouest. Toutefois, j’ai vite été confrontée à un autre obstacle à la gestion des avortements : mon équipe, qui n’avait pas été sensibilisée à la politique de MSF sur l’avortement. Mes collègues avaient des opinions négatives au sujet des avortements et spéculaient sur ses conséquences : « Et la famille? Et la communauté? Et si cela mettait le projet en danger? »

Je me souviens d’un jeune couple marié qui s’est présenté à la clinique. La femme était enceinte. Ils avaient déjà trois enfants de moins de cinq ans et ont dit qu’ils ne pouvaient pas s’occuper d’un quatrième. Ils souhaitaient un avortement. J’ai soumis le cas à un de mes collègues qui n’était pas du pays du projet;  à son avis, c’était trop risqué pour MSF. « Et si la patiente mourait? » m’a-t-il dit.

 

MSF organise des ateliers où tous les membres du personnel entament une réflexion honnête, ouverte et critique sur l’avortement.

Là où il y a un manque de connaissances sur l’avortement, la réponse est souvent : et si la patiente mourait? Quand nous entendons parler de femmes qui meurent après un avortement, c’est parce que les conditions ou les circonstances de l’avortement étaient dangereuses – par exemple, lorsque l’intervention est pratiquée par une personne non formée en utilisant une méthode dangereuse et invasive. L’avortement non médicalisé est l’une des principales causes de mortalité maternelle, mais il est possible de procéder autrement.

L’avortement médicamenteux, ou l’avortement médicalisé par médicaments, met fin à la grossesse dans plus de 95 % des cas. Son risque de complications graves et potentiellement mortelles est inférieur à 1 %. Le point de vue de mon collègue reflétait une peur de l’inconnu – un manque de connaissances.

J’ai consulté un autre collègue, un médecin local travaillant avec MSF. Ensemble, nous avons discuté avec le couple et avons décidé de fournir l’avortement médicalisé.

Même si je disposais des compétences nécessaires en matière d’avortement médicalisé, j’ai souvent été incapable d’aider les femmes pendant les deux années où j’ai travaillé dans ce projet.  Mes collègues ne comprenaient pas toujours la place importante de l’avortement médicalisé dans les soins de santé reproductive. Ils et elles ne voyaient pas que l’avortement non médicalisé, auquel beaucoup de femmes ont recours faute d’accès à des soins d’avortement médicalisé, est l’une des principales causes de mortalité maternelle.

Heureusement, MSF a une bonne capacité d’écoute. Nos conseillers et conseillères en santé sexuelle et reproductive ont été bien surpris quand je leur ai signalé que certains et certaines collègues faisaient obstruction aux soins d’avortement. Au cours des années suivantes, ils ont entrepris de mieux comprendre les différents obstacles internes et travaillé à les résoudre afin que nous puissions prodiguer des soins d’avortement médicalisé dans les projets de MSF.

Beaucoup de mes collègues ignoraient tout simplement l’impact dévastateur de l’avortement non médicalisé, c’est-à-dire qu’il cause chaque année la mort d’au moins 22 800 femmes et filles et des blessures chez des millions d’autres.

2017: Explorer les valeurs et les attitudes

 

Plusieurs années plus tard, j’ai participé à un atelier intitulé « Explorer les valeurs et les attitudes envers l’avortement », connu à MSF sous l’acronyme EVA. Cet atelier a été très instructif et a grandement changé les perceptions et les attitudes. [Note de la rédaction : Une partie de la stratégie de MSF pour renforcer la capacité à fournir des soins d’avortement médicalisé a été de concevoir et de donner les ateliers EVA, où tous les membres du personnel de MSF entament une réflexion honnête, ouverte et critique sur l’avortement. L’objectif est que les participants et participantes examinent, confrontent et confirment leurs valeurs et attitudes entourant l’avortement afin de pouvoir aider MSF à fournir ces soins.]

Beaucoup de mes collègues ignoraient tout simplement l’impact dévastateur de l’avortement non médicalisé, qui cause chaque année la mort d’au moins 22 800 femmes et filles et des blessures chez des millions d’autres. Trop peu attribuaient les décès constatés au système de santé dont nous faisions partie. Nous ne faisions qu’attendre que des femmes souffrant de complications dues à un avortement non médicalisé viennent dans nos cliniques. Même si nous soignions celles qui arrivaient assez tôt pour avoir la vie sauve, d’innombrables vies ont été perdues.

Après que mon équipe a assisté à l’atelier EVA, des membres des équipes de logistique et d’approvisionnement ont orienté les premières patientes pour des soins d’avortement médicalisé. Ces collègues aiguillaient des membres de leur famille, des amies et des voisines qui avaient besoin d’aide. J’ai immédiatement vu l’impact de l’atelier EVA.

 

2019-2021: Écoute et adaptation

 

En 2019, j’ai accepté une nouvelle affectation dans un pays d’Afrique centrale. Lorsque je suis arrivée, j’ai découvert que MSF avait cessé de fournir des services de soins d’avortement médicalisé à l’hôpital du ministère de la Santé que nous soutenions. Cette fois, c’était en raison d’un manque de connaissances et des attitudes négatives de la part de quelques membres du personnel du ministère de la Santé travaillant à l’hôpital, même si nous avions l’autorisation de donner ce type de soins.

 

Illustration of Asha* helping a patient.

J’ai réussi à trouver un moyen de redémarrer les services. J’ai dit à mon équipe que s’ils avaient des problèmes avec quelqu’un qui ne comprenait pas le besoin de ces services, ils n’auraient qu’à me blâmer. Je l’ai fait parce que je savais que l’avortement médicalisé était la façon la plus sûre d’aider ces femmes.

 

Un jour, une femme qui avait subi une double mastectomie est venue à l’hôpital avec son frère. Elle avait un bébé et était encore enceinte. Son mari l’avait laissée. Elle m’a dit qu’elle ne pouvait pas avoir un autre enfant, car elle ne pouvait pas allaiter et n’avait pas les moyens d’acheter du lait maternisé. Elle en était à son deuxième trimestre de grossesse, mais je ne pouvais pas l’envoyer à l’hôpital pour la nuit. Je craignais qu’elle y soit traitée de manière irrespectueuse par certains membres du personnel qui n’étaient pas favorables aux soins d’avortement médicalisé.

 

Il est essentiel d’écouter les femmes, et c’est ainsi que j’ai découvert des moyens de les aider en dépit des obstacles.

 

J’ai donc décidé d’aider cette patiente à procéder à un avortement autogéré dans la sécurité de sa maison. Un avortement autogéré, c’est essentiellement de prendre des pilules abortives en dehors d’un cadre médical avec le soutien de plateformes en ligne ou de lignes d’assistance téléphonique, ou, dans ce cas, mes instructions écrites. Le frère de la femme était prêt à prendre soin d’elle. J’ai écrit les instructions. Comme tout s’est bien passé, je me suis alors dit : je peux y arriver.

La plupart des femmes venues me voir pour des soins d’avortement étaient accompagnées d’un membre de leur famille – une sœur, une mère, un frère. Si la patiente est d’accord, j’explique à un membre de sa famille comment répondre à ses besoins liés à l’avortement autogéré. Et en cas de complications – ce qui est rare –, cette personne sait quoi surveiller et comment me contacter. C’est ainsi que j’ai élargi les soins d’avortement médicalisé dans ce projet.

Ce n’est pas toujours facile, mais il est important de fournir des soins d’avortement médicalisé. Au cours des 19 années où j’ai travaillé avec MSF, j’ai dû faire preuve d’ingéniosité pour fournir ces soins. Cela nécessitait beaucoup de confiance et parfois du courage. Il est essentiel d’écouter les femmes, et c’est ainsi que j’ai découvert des moyens de les aider en dépit des obstacles.

*Ce nom a été modifié pour des raisons de confidentialité.

**Bien que cet article se concentre sur l’expérience de MSF à traiter des femmes et des filles dans nos projets médicaux, nous reconnaissons que toutes les femmes qui peuvent devenir enceintes méritent d’avoir accès à des soins d’avortement médicalisé – y compris les personnes qui s’identifient comme trans, non binaires et intersexuées.