Aerial view of flooded villages, near Old Fangak in South Sudan. © Florence Miettaux
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Soudan du Sud : Déplacements massifs et crise humanitaire croissante causés par les inondations catastrophiques

 

Un petit radeau recouvert de bâches de plastique et d’herbes sèches dérive au gré du courant sur le Nil. L’embarcation de fortune transporte une famille de huit, dont un bébé. Avec un peu de chance, sa destination finale offrira de meilleures conditions que celles laissées derrière.

Le petit radeau transporte tout ce que ces gens possèdent : quelques vêtements et quelques chaudrons, qui sont principalement remplis de nénuphars qu’ils cueillent à fleur d’eau. Derrière eux, leur village est presque entièrement submergé par les eaux de crue. Les gens ont dû partir rapidement avant que l’eau ne devienne trop haute pour que les enfants et les personnes âgées puissent la traverser, et maintenant ils se déplacent en radeau ou en canots creusés dans des troncs d’arbres pour se rendre vers un endroit plus sûr.

Alors que de nombreux pays d’Afrique de l’Est souffrent de la pire sécheresse depuis quatre décennies, le Soudan du Sud vit une situation complètement inverse, affligé par des années d’inondations intenses qui ont touché plus d’un million de personnes dans le pays. Quatre années consécutives d’inondations ont laissé environ les deux tiers du pays sous l’eau — les États de Jonglei, du Bahr el-Ghazal du Nord, du Haut-Nil, d’Unité, de Warrap, d’Équatoria-Occidental et des Lacs, en plus de la zone administrative spéciale d’Abyei, ont tous connu de graves inondations au cours des derniers mois.

 

Après des inondations catastrophiques dans l
Après des inondations catastrophiques dans l’État d’Unité au Soudan du Sud, les gens transportent leurs effets domestiques et personnels par bateau.Peter Caton

 

Les crues saisonnières du Nil et de ses affluents sont typiques. Toutefois, les inondations survenues au cours des dernières années ont été sans précédent. Les habitants de la région disent que la saison des pluies commence dorénavant plus tôt et qu’elle dure plus longtemps. Même l’intensité de la pluie est significativement plus grande maintenant que par le passé. Les niveaux d’eau ont été si élevés et le sol si gorgé d’eau que les eaux n’ont pas complètement reculé pendant les saisons sèches intermédiaires; cela a entraîné une inondation rapide pendant les pluies et aggravé la crise chaque année consécutive depuis 2019.

Les communautés se préparent à la saison des pluies en construisant des digues – des murs en terre pour empêcher l’eau d’atteindre leur village. Mais cette année, les mesures de prévention n’ont pas suffi à contenir le déluge. Dans le comté d’Ulang, par exemple, des villages entiers ont été submergés en octobre lorsque des digues ont cédé en raison des fortes pluies. Des installations sanitaires, des écoles et de nombreuses maisons ont été inondées.

« L’eau est arrivée le matin. Nous sommes tous allés rajouter de la boue sur la digue. Nous avons travaillé toute la nuit, mais le lendemain matin, c’était peine perdue. Nous sommes partis en courant pour sauver nos vies », raconte Nyanyieth Bang, qui vivait à Doma dans l’Ulang.

 

 

« Les inondations ont déplacé tout le monde. Tous les villages ont été inondés et le bétail s’est noyé. Notre maison s’est effondrée à cause de l’inondation. C’est un grand désastre pour nous. »

Nyanyieth Bang |

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Du jour au lendemain, les villages se sont retrouvés isolés les uns des autres. De nombreuses communautés sont coincées sur des « îles » et coupées des services, et ne sont désormais accessibles qu’en bateau ou en canot. MSF offre des services de proximité et opère des cliniques mobiles pour veiller à ce que les personnes vulnérabilisées dans les zones éloignées puissent bénéficier de soins médicaux. Toutefois, atteindre certaines communautés reste un énorme défi.

« Les inondations entravent notre capacité à fournir de l’aide et à atteindre les communautés sinistrées. De nombreuses routes à travers le pays sont impraticables en raison des inondations. Dans un certain nombre d’endroits où MSF travaille, nos avions n’ont pas pu atterrir parce que les pistes d’atterrissage étaient inondées », dit Aline Serin, directrice nationale au Soudan du Sud. « Ce manque d’accès nuit à notre capacité à livrer des fournitures médicales et d’autres articles essentiels, ce qui met des vies en danger. Cela a également un impact sur notre capacité à transférer les personnes qui nécessitent un traitement d’urgence. »

Pire encore, les grandes étendues d’eau stagnante sont devenues un terreau fertile pour les moustiques, ce qui a provoqué une explosion des cas de paludisme. Entre juillet et septembre de cette année, MSF a traité 81 104 personnes atteintes de paludisme.   

Les inondations ont déplacé des centaines de milliers de personnes, causé la mort de millions d’animaux et détruit des milliers d’acres de cultures, aggravant la crise alimentaire croissante dans le pays. Le Programme alimentaire mondial des Nations Unies estime que plus de 75 pour cent de la population sud-soudanaise a besoin d’une aide alimentaire. Les équipes de MSF observent une augmentation inquiétante des taux de malnutrition aiguë modérée et sévère. Entre janvier et septembre de cette année, plus de 4 200 enfants malnutris ont été traités dans nos installations médicales au Soudan du Sud. 

« Avant les inondations, nous faisions la culture et avions du bétail, mais maintenant toutes les vaches sont mortes à cause des inondations et les terres que nous cultivions ont disparu », déplore Tut Chuol, un sous-chef de Pahkor dans le comté de Fangak dont tout le village a été déplacé par les inondations. « Maintenant, il n’y a plus de nourriture – nous mangeons juste des nénuphars. Si aucune solution n’est trouvée, nous allons mourir », ajoute-t-il.

N’ayant nulle part où aller, des dizaines de milliers de personnes n’ont eu d’autre choix que de s’installer dans des camps pour personnes déplacées. Le manque d’abris, d’eau potable et d’installations sanitaires dans les camps a engendré des épidémies de maladies infectieuses et d’origine hydrique, entre autres risques pour la santé. Il en a résulté une catastrophe humanitaire pour cette population qui a déjà connu son lot de crises.

Les équipes de MSF se déplacent en bateau sur la rivière Zeraf pour atteindre les îles de Kuernyapuol, une région gravement touchée par les inondations dans l
Les équipes de MSF se déplacent en bateau sur la rivière Zeraf pour atteindre les îles de Kuernyapuol, une région gravement touchée par les inondations dans l’État de Jonglei, au Soudan du Sud.

 

Bien que le pays amorce maintenant sa saison sèche, il ne semble pas y avoir de répit à l’horizon. On s’attend à ce que l’impact dévastateur de la perte des récoltes et du bétail entraîne une augmentation des taux de malnutrition. Et comme la majorité de la population du pays vit de l’élevage, il y a également un risque accru de vols de bétail pour récupérer les animaux perdus pendant les inondations, ce qui risque de conduire à des flambées de violence intercommunautaire.

Malgré les besoins humanitaires urgents et croissants au Soudan du Sud, la réduction de l’aide internationale entraîne une diminution de l’assistance aux personnes qui ont très peu de ressources et peu de résilience après avoir vécu de multiples chocs consécutifs. La réponse à la dévastation causée par les inondations est loin d’être satisfaisante. Les organisations humanitaires, les agences des Nations Unies et les gouvernements doivent intensifier leurs efforts pour répondre à l’ampleur de cette crise et aux immenses besoins en nourriture, abris, soins médicaux et autres éléments essentiels en soutien aux personnes sinistrées.