Soudan du Sud : les eaux stagnantes des inondations provoquent des pics de paludisme et entravent l’accès aux soins
Dans l’État de Jonglei, au nord-est du Soudan du Sud, les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) transportent en bateau ambulance quatre personnes gravement malades vers l’hôpital de MSF à Old Fangak. Parmi les gens à bord du bateau, Nya Sibet Mar tient dans ses bras sa fille de deux ans, Nya Thor, qui souffre d’un paludisme sévère.
C’est la deuxième fois que Nya Thor est infectée par le paludisme. Selon sa mère, de plus en plus de personnes tombent malades du paludisme depuis les fortes inondations qui ont commencé en 2019.
« Il y a deux ans, notre maison a été complètement inondée et nous avons donc dû chercher un autre endroit », raconte Nya Sibet Mar. « Notre famille est arrivée à Toch, mais comme il y a plus d’eau qu’avant, nous vivons au milieu de moustiques. Nous voyons beaucoup plus de cas de paludisme qu’avant les inondations ».
À Old Fangak, le personnel de MSF enregistre un nombre élevé de cas de paludisme, en particulier chez les enfants et les femmes enceintes. Depuis le début du mois d’août 2023, sur une moyenne de 200 consultations par jour, environ 75 % aboutissent à des cas positifs de paludisme. Chaque jour, les équipes de MSF admettent 10 à 15 personnes souffrant de paludisme sévère.
À l’hôpital, les équipes de MSF voient aussi bien des cas simples de paludisme que des cas graves. Elles sont en mesure de fournir des médicaments anti-paludisme, ainsi que de traiter les complications telles que les vomissements sévères, les fortes fièvres, les convulsions, la pneumonie, l’anémie et la malnutrition. Nya Thor souffre de complications; admise au service pédiatrique de l’hôpital de MSF, elle reçoit un traitement à la fois pour le paludisme et la malnutrition.
« Les inondations récurrentes ont aggravé la malnutrition dans l’État de Jonglei, après avoir détruit les récoltes et le bétail, et forcé les communautés à fuir leurs maisons », explique Thomas Kun, chargé des soins cliniques, qui travaille avec MSF depuis 2015.
« Les familles qui cultivaient des champs dépendent désormais entièrement de la pêche et des distributions alimentaires de l’assistance internationale », poursuit Thomas Kun. « Cependant, en raison du retard des pluies, la pêche devient plus difficile. Les distributions alimentaires de l’assistance internationale ne sont pas toujours consistantes, ce qui signifie encore moins de nourriture. Les enfants souffrent particulièrement de cette situation, car ils n’ont pas accès à des aliments contenant les nutriments adaptés à leur âge. »
Outre le manque de nourriture, les communautés isolées se retrouvent coupées des soins de santé et des distributions de moustiquaires, ce qui met encore plus leur vie en danger. Sans moustiquaires, les gens ne sont pas protégés contre le paludisme. Lorsqu’ils tombent inévitablement malades, il leur faut plusieurs jours de pirogue pour atteindre un établissement médical afin de recevoir un traitement efficace. Entre-temps, les cas non compliqués risquent de se transformer en cas graves, notamment pour les femmes enceintes qui sont parmi les plus à risque.
« L’infection peut être directement transmise de la mère au fœtus, mais surtout, une forte fièvre peut interrompre la grossesse ou provoquer un accouchement prématuré », explique Harriet Wikoru, responsable de l’activité des sages-femmes de MSF à l’hôpital d’Old Fangak. « Nous donnons des moustiquaires lors des consultations prénatales, mais les mères qui vivent dans des zones très isolées ne peuvent pas faire suivre leur grossesse et elles ne sont pas protégées. »,
« Dès que nous avons un test positif de paludisme, nous le traitons immédiatement », ajoute Harriet Wikoru. « Nous ne pouvons pas attendre, car nous connaissons les dangers du paludisme pour les mères et leurs bébés ».
Après trois jours de soins médicaux à l’hôpital de MSF, Nya Thor et sa mère sont ramenées dans leur village par le bateau ambulance de MSF. Ce jour-là, l’équipe de sensibilisation de MSF effectue un dépistage du paludisme : sur les 56 tests, 42 sont positifs. Certaines personnes seront transférées à l’hôpital de MSF avant la fin de la journée.
« Le paludisme est une maladie contre laquelle on ne peut pas immuniser les gens. Si les moustiques vous piquent à nouveau, ils vous réinfectent », explique Thomas Kun. « Nous continuons à traiter et à traiter, mais rien ne dit que ces personnes ne reviendront pas au bout d’un mois, infectées à nouveau par le paludisme. Nous fournissons des moustiquaires et des couvertures, mais nous avons déjà vu des gens revenir deux, voire trois fois, ces derniers mois. ».
Old Fangak n’est pas la seule région du Soudan du Sud gravement touchée par les inondations récurrentes. De nombreuses zones des États d’Unité et du Nil Supérieur, où MSF mène également des activités médicales, ont été isolées par les eaux de crue et transformées en petites îles avec des eaux stagnantes autour des communautés. Cette année, la saison des pluies et les inondations attendues au Soudan du Sud semblent être retardées. Cependant, nos équipes craignent que les cas de paludisme continuent d’augmenter. Les difficultés d’accès et de traitement des malades pourraient s’aggraver, les inondations attendues isolant encore plus les communautés à Old Fangak et dans tout le pays.
Le paludisme est la maladie la plus meurtrière au Soudan du Sud, il est urgent d’aider les communautés à mieux se protéger, en augmentant les distributions de moustiquaires et de prophylaxie antipaludéenne. En outre, il est nécessaire d’améliorer l’accès aux soins de santé et aux mesures de prévention dans les communautés, surtout pour les enfants et les femmes enceintes. Les enfants dénutris, en particulier, sont plus vulnérables au paludisme grave. Il est donc primordial de les soumettre à un dépistage approprié de la malnutrition, de les inscrire à des programmes de nutrition le cas échéant, et de leur administrer les vaccins recommandés contre les maladies infantiles.