Watchmen, John Garang is taking care of the MSF Hospital entry in Aweil, South Sudan, Africa. A sign post advises: 1 patient = 1 caretaker. © Peter Bauza
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Soudan du Sud : MSF publie un bilan des conséquences de la violence depuis l’indépendance

Le 9 juillet 2021, la République du Soudan du Sud a fêté son dixième anniversaire. Cet événement marquant est également entaché par l’héritage sanglant de sa première décennie, notamment une guerre civile de cinq ans.

Un nouveau rapport de Médecins Sans Frontières (MSF) intitulé « South Sudan at 10: an MSF record of the consequences of violence (en anglais) », disponible en anglais seulement, offre un compte rendu consolidé de l’expérience de MSF au Soudan du Sud depuis le 9 juillet 2011. Ce rapport se veut être un compte rendu et un rappel du bilan humain de la violence depuis l’indépendance, tel que MSF l’a vu, à travers son personnel et ses patients.

 

De l’indépendance à la guerre civile

 

Au moment de l’indépendance, le Soudan du Sud était aux prises avec au moins 30 urgences humanitaires. Certaines parties du pays étaient secouées par des affrontements intercommunautaires de plus en plus violents, et les zones frontalières avec le Soudan étaient de nouveau en proie à des conflits. Malgré ces défis, les premières années de la période post-indépendance ont été une période d’anticipation et d’optimisme et, pour la majeure partie du pays, ce fut une période de paix relative.

 

 

Cependant, en décembre 2013, moins de deux ans après l’indépendance, le pays a rapidement implosé dans la guerre civile, exposant rapidement la fragilité du jeune État émergent.

 

 

« Après ces 22 ans de guerre civile, l’indépendance a été déclarée en 2011. Toute la population était en liesse. Nous étions heureux parce qu’un nouveau pays était né… mais tout cet espoir et ces rêves se sont soudainement évanouis » – Membre du personnel de MSF à Yambio, août 2019

 

Violence extrême

 

Ce conflit, qui a duré plus de six ans, a entraîné près de 400 000 décès, dont beaucoup sont le résultat de ciblages ethniques de civils, notamment d’enfants et de personnes âgées. Les violences sexuelles et sexospécifiques ont été utilisées comme arme de guerre, avec des attaques systématiques à motivation ethnique et politique.

Certaines des violences les plus extrêmes ont été menées dans des lieux de refuge et de sanctuaire, notamment des hôpitaux publics, où des patients et des personnes cherchant un abri ont été tués lors de séries d’attaques brutales. Des millions de personnes ont été déplacées, souvent à plusieurs reprises, à l’intérieur et à l’extérieur du Soudan du Sud. Cela comprend des centaines de milliers de personnes qui se sont installées dans des sites de protection des civils, à l’intérieur des bases de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS).

 

Une femme porte sa fille d
Une femme porte sa fille d’un an et demi dans ses bras et son enfant de six mois, Kawai, dans un panier. Ils ont marché pendant 2 jours pour atteindre les sites de protection des civils de l’ONU à Bentiu.Dominic Nahr/MAPS

 

Depuis 2011, 24 membres du personnel sud-soudanais de MSF ont été tués, dont cinq alors qu’ils étaient en service. Tous les patients, le personnel de MSF et les communautés où les équipes interviennent ont été touchés directement et indirectement par les conflits et la violence.

 

Décès causés par des maladies évitables

 

Dans tout le pays, la population a été confrontée à la destruction, au déplacement, à la maladie et à la mort. La violence perturbe l’accès aux soins de santé, y compris à la vaccination de routine, tout en augmentant le risque de transmission de maladies et d’insécurité alimentaire.

Il y a eu des échecs répétés pour garantir des conditions de vie dignes aux personnes hébergées dans les camps de réfugiés et les sites de protection des civils ou de personnes déplacées. Au lieu de cela, les personnes qui ont fui le conflit et la violence ont, à maintes reprises, été forcées de vivre dans des conditions déplorables, où leurs besoins de base en matière d’espace de vie, d’eau et d’assainissement n’étaient pas satisfaits et se situaient bien en dessous des seuils d’urgence minimum pour la survie.

Au pire de la crise, les équipes MSF ont enregistré trois à cinq décès d’enfants par jour, dus à des maladies évitables, comme le paludisme, dans différents camps de réfugiés et sites de protection des civils. Pendant ce temps, les personnes contraintes de vivre en plein air, dans la brousse et les marécages, ont été exposées à plusieurs reprises aux maladies et à une faim extrême.

 

Entrepôt MSF pour les colis, les produits pharmaceutiques, les aliments, les médicaments et autres à Aweil, au Soudan du Sud, en Afrique.Peter Bauza

 

Dans certaines régions, le conflit a entraîné une résurgence du kala-azar, la deuxième maladie parasitaire la plus répandue du monde. En outre, des épidémies de rougeole, d’hépatite C et de choléra, entre autres, ont été observées.

 

Santé mentale

 

Des millions de personnes au Soudan du Sud ont été exposées à plusieurs reprises à des événements traumatisants. MSF a constaté une augmentation des tentatives de suicide et a travaillé avec des patients souffrant de troubles de stress post-traumatique.

« La chose la plus difficile pour un Sud-Soudanais, c’est la peur. Les gens vivent dans la peur. Les gens dorment dans la peur. Donc, cela engendre beaucoup de traumatismes chez les gens, parce qu’ils ne sont pas libres comme lorsque nous avons obtenu notre indépendance » – Membre du personnel MSF, Mundri, août 2019

L’impact du conflit prolongé et des crises humanitaires répétées au Soudan du Sud est aggravé par un système de santé faible, chroniquement sous-financé, détruit dans de nombreuses régions et largement négligé dans d’autres. En 2020, sur environ 2 300 établissements de santé, plus de 1 300 étaient non fonctionnels. Moins de la moitié (44 %) de la population totale et seulement 32 % des personnes déplacées à l’intérieur du pays vivent à moins de cinq kilomètres d’un établissement de santé fonctionnel.

 

Des crises humanitaires persistantes

 

Malgré un accord de paix en 2018 qui a mis fin à cinq ans de guerre civile, et la formation d’un gouvernement unifié début 2020, la situation reste volatile dans de nombreuses régions. En 2019, le Soudan du Sud a connu une résurgence des conflits infranationaux et des combats entre factions, qui se sont depuis intensifiés en 2020 et 2021.

Aujourd’hui, on estime que 8,3 millions de personnes – plus des deux tiers de la population – ont un besoin urgent d’aide humanitaire et de protection. Dans ce qui est la plus grande crise de réfugiés en Afrique, 2,2 millions de Sud-Soudanais sont réfugiés dans les pays voisins. Plus de 1,6 million de personnes sont toujours déplacées à l’intérieur du pays. Même dans le meilleur des cas, le Soudan du Sud restera vulnérable aux crises humanitaires dans un avenir prévisible et aura besoin d’aide pendant un certain temps.

Les dirigeants du Soudan du Sud doivent tout mettre en œuvre pour garantir la sécurité des civils et un environnement propice à l’acheminement de l’aide humanitaire, indépendamment de tout programme politique.

 

Les affrontements persistants dans l’État du Haut-Nil au Soudan du Sud entraînent davantage de décès et de déplacements de personnes.Beatrice Debut/MSF

 

« Mon espoir pour l’avenir au cours des dix prochaines années est une société transformée, une communauté transformée où nous pouvons vivre et coexister entre nous. Où je peux me déplacer sans aucune restriction. Où je peux exprimer mes sentiments, à quiconque, quelle que soit son ethnie, quelle que soit sa tribu. Quand je vois quelqu’un, je vois un frère, je vois une sœur… Et c’est la société à laquelle j’aspire pour les 10 prochaines années… C’est la jeune génération qui inspirera la génération qui vient après nous » – Membre du personnel de MSF, le 22 avril 2021.

Depuis près de 40 ans, la région qui constitue le Soudan du Sud figure parmi les pays prioritaires de MSF, en termes d’opérations, d’emploi et de financement. Alors que la jeune nation entre dans sa prochaine décennie, MSF reste engagée auprès de la population du Soudan du Sud.