MSF a mis en place une clinique mobile près du camp de réfugiés de Wedwill, dans le nord de l'État de Bahr El Ghazal, afin d'offrir des services de santé aux réfugiés, aux rapatriés du Soudan et aux communautés d'accueil. Soudan, 2023. © MSF
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Soudan : la bureaucratie obstructive et l’insécurité entravent la réponse humanitaire

Alors que le conflit entre les Forces armées soudanaises (SAF) et les Forces de soutien rapide (RSF) entre dans son troisième mois, la violence endémique et les énormes besoins en matière de santé persistent à travers le Soudan, en particulier à Khartoum et au Darfour. Bien que MSF y mène des projets médicaux, sa capacité à développer ses activités est entravée par d’importantes restrictions administratives et bureaucratiques. Si la situation persiste, il sera impossible pour MSF de fournir la réponse médicale et humanitaire dont les gens ont désespérément besoin.

« Les gens meurent alors que le système de santé du pays plie sous le poids écrasant des besoins », affirme Jean Nicolas Armstrong Dangelser, coordonnateur d’urgence de MSF au Soudan. « En soumettant les gens à de choquants niveaux de violence, ou en empêchant les organisations médicales de leur prêter assistance, les parties belligérantes au Soudan font preuve d’un mépris total pour la vie des personnes civiles. »

Depuis le début du conflit, MSF a élargi ou réorienté des projets préexistants et lancé de nouvelles activités. En cinq semaines seulement, les équipes chirurgicales de MSF qui travaillent à l’hôpital universitaire de Bashair, dans le sud de Khartoum, ont traité 1 169 personnes, dont plus de 900 avaient subi de violents traumatismes. Depuis le début des combats, l’hôpital que soutient MSF à El Fasher, au nord du Darfour, a effectué plus de 600 interventions chirurgicales pour soigner des blessures de guerre ou pour assister des femmes ayant besoin de soins obstétriques d’urgence. Entre autres activités, MSF fournit des services de pédiatrie, de nutrition et de santé maternelle, gère des cliniques mobiles et fournit des services médicaux et des services d’eau et d’assainissement aux personnes déplacées.

Bien que MSF travaille dans 11 États, l’ampleur de ses activités au Soudan n’est pas à la hauteur des besoins considérables des communautés.

MSF s’est efforcée d’accroître ses activités. Celles-ci ont toutefois été constamment entravées par les deux parties belligérantes. Malgré leurs nombreux engagements publics en faveur de la facilitation de l’aide humanitaire, y compris ceux formellement énoncés dans la Déclaration d’engagement de Jeddah pour la protection des civils du Soudan, il semble que la situation demeure critique.

Une équipe de MSF regroupant du personnel médical d’urgence expérimenté a été empêchée de se déplacer de Port-Soudan vers des zones où les besoins médicaux sont plus importants. Devant cette situation, l’équipe a lancé des activités d’approvisionnement en eau et d’assainissement dans les camps de personnes déplacées. Elle a aussi offert au personnel médical soudanais de la formation sur la gestion des afflux de blessés. Ces activités à petite échelle ont eu un impact bien moindre que celui qui aurait pu être obtenu si les membres du personnel avaient pu se rendre dans des zones où les besoins médicaux étaient plus importants. Les médecins de l’équipe n’ont pas traité une seule personne.

Leur responsable, le Dr Javid Abdelomoneim, un médecin soudano-britannique récemment rentré du Soudan, décrit les tentatives pour obtenir l’autorisation de voyager.

« Pourquoi, après deux, trois, quatre, cinq, six et sept demandes et dialogues quotidiens avec les autorités humanitaires et les services de renseignement, nos permis de voyager vers Khartoum et les États du Nil ont-ils été rejetés? Des semaines plus tard, toute mon équipe MSF, y compris les collègues des équipes médicales, logistiques et opérationnelles, se trouvaient toujours à Port-Soudan.

Malgré les besoins évidents et écrasants, certains constats s’imposent:

  • Dans certains endroits, les autorités ont entravé à plusieurs reprises la circulation du personnel humanitaire et médical et des fournitures entre les États et à l’intérieur de ceux-ci. Les demandes d’autorisation de déplacement soumises par MSF, à temps et accompagnées des documents requis, ont été retardées, rejetées, annulées ou n’ont tout simplement pas été respectées, sans que des raisons claires ne soient données.  
  • Même lorsque les permis ont été délivrés, les fournitures et les membres du personnel de MSF ont dans certains cas été refoulés aux points de contrôle où ces derniers ont parfois été harcelés, menacés ou détenus.

Dans certains endroits, les autorités ont indiqué que des escortes armées seraient nécessaires pour accompagner la circulation des fournitures. Cela réduit la possibilité de se déplacer sans entrave et compromet l’indépendance et la neutralité des organisations humanitaires et de leur personnel.

Malgré des demandes répétées, les autorités soudanaises ont délivré beaucoup moins de visas que ce dont MSF a besoin pour amener suffisamment de personnel pour répondre aux immenses besoins des communautés soudanaises. Bien que certains visas aient été délivrés, le processus est incohérent et peu fiable. À l’heure actuelle, MSF ne peut qu’espérer que les autorités accepteront de délivrer des visas aux membres du personnel qui en font la demande. Devant cette incertitude, il devient difficile de planifier l’intensification des activités avec un certain degré de confiance. Des activités existantes pourraient même se trouver en péril. Le personnel supplémentaire est essentiel pour étendre la fourniture de services médicaux et pour assurer la rotation des équipes médicales, qui travaillent 24 heures sur 24, à l’intérieur et à l’extérieur du pays.

Bien qu’il ne soit pas possible d’affirmer avec certitude que ces actions représentent une tentative délibérée de restreindre l’aide humanitaire, le résultat est le même. L’accès aux soins de santé se trouve réduit à un moment où les besoins sont les plus grands, et les plus urgents. 

Par ailleurs, le travail des organisations médicales et humanitaires est physiquement perturbé par les deux parties belligérantes. Les fournitures de MSF ont été confisquées, tandis que les groupes armés ont pillé les installations de MSF. Des membres du personnel, et en particulier le personnel soudanais de MSF, ont été battus, et ont fait l’objet de menaces traumatisantes lors des pillages, alors qu’ils essayaient de fournir des soins médicaux à leurs compatriotes.

Le conflit et l’insécurité généralisée au Soudan créent une situation désespérée pour les gens, affectés par les combats, les frappes aériennes, les bombardements, les meurtres, la violence sexuelle et la criminalité. Les personnes qui ont fui l’ouest du Darfour pour le Tchad, où elles ont été soignées par MSF, ont décrit la situation désastreuse à El Geneina, la capitale de l’État. Elles témoignent notamment que des individus ont été tués par balle alors qu’ils fuyaient la violence qui sévissait dans la ville.

Dans le même temps, le système de santé du pays s’efforce de répondre aux immenses besoins engendrés par le conflit ainsi qu’aux besoins sanitaires qui ne sont pas directement liés aux combats. Les établissements de santé manquent de personnel et de matériel et dans certaines régions, ils sont à peine fonctionnels. La violence rend l’accès aux soins difficile. Dans ce contexte où il est dangereux de se déplacer, de nombreuses personnes se présentent trop tardivement dans les établissements de santé.