On 6 July MSF set up a temporary clinic for people displaced by heavy fighting around Kunduz city. The clinic team carried out over 3,400 consultations during the first 12 days. The project is run by a nine-person team, including doctors, nurses and a health promoter. © Prue Coakley/MSF
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Surmonter les obstacles : Traiter les traumatismes à Kunduz

Les combats dans la ville de Kunduz, dans le nord-est de l’Afghanistan, ont pris fin le 8 août 2021. Pendant le temps où le conflit faisait rage, Médecins Sans Frontières (MSF) avait transformé ses bureaux en une unité de traumatologie temporaire pour soigner les personnes blessées. Cette unité est maintenant fermée et le 16 août, tous les patients ont été transférés au centre de traumatologie de MSF à Kunduz, dont la construction en cours depuis 2018 s’achève. Des soins en traumatologie sont toujours requis dans la communauté locale. Un membre de l’équipe médicale de MSF à Kunduz décrit son expérience en zone de conflit et le travail qu’il effectue aujourd’hui.

C’est occupé mais calme, nous recrutons du nouveau personnel et la construction de l’hôpital en est à ses dernières étapes. Mais tout d’abord, commençons par le soir où les combats ont éclaté dans la ville de Kunduz…

Ce premier soir, il y a eu des bombardements et des tirs continus et nous avons dû nous précipiter vers le bunker. Nous y sommes restés toute la nuit, sans fermer l’oeil. Les patients ne pouvaient plus se rendre à l’unité de traumatologie en raison des combats incessants dans les rues.

Le lendemain matin, nous avons appris l’arrivée de plusieurs victimes, mais nous n’avons pas pu nous rendre à l’unité de soins à cause des combats dans la rue qui la séparait de nos logements. Nos collègues réclamaient notre aide de toute urgence avec un patient atteint par balles à la poitrine et à l’estomac qu’il fallait opérer très rapidement.

 

Une accalmie dans les tirs nous a finalement permis de nous déplacer – trois d’entre nous avons traversé la rue en courant jusqu’à la salle opération.

 

Une accalmie dans les tirs nous a finalement permis de nous déplacer – trois d’entre nous avons traversé la rue en courant jusqu’à la salle opération. Le patient venait de perdre son pouls, or nous avons amorcé la compression thoracique pendant que l’anesthésiste cherchait une voie respiratoire. J’ai fait deux trous dans la poitrine – pour m’assurer que le sang puisse s’écouler et pour permettre aux poumons de se dilater. Pendant ce temps, un autre collègue essayait d’arrêter le saignement sous le sternum. Nous avons compris que la balle avait probablement touché une partie du cœur, et il est rapidement devenu évident que nous n’avions aucun moyen de le sauver.

 

Jours difficiles

 

C’était le début de notre journée d’enfer. Et le premier moment où notre équipe a été complètement dépassée. Nous avons reçu beaucoup d’autres victimes qu’il fallait opérer, certaines blessées par balle, d’autres blessées dans des explosions, et bien d’autres prises entre deux feux.

La journée a été très longue. De plus, de nombreux membres de notre personnel n’ont pas pu se rendre à l’unité de traumatologie. L’équipe de nuit a travaillé toute la journée. Certains faisaient des siestes et dormaient tandis que d’autres travaillaient, pour que nous puissions garder le personnel actif du matin au soir.

Vers 6 h 30 le lendemain matin, un médecin urgentiste m’a appelé par radio en me disant « j’ai besoin de ton aide immédiatement ». Comme les combats s’étaient quelque peu calmés, j’ai couru avec le chirurgien de l’autre côté de la route. Quand nous sommes entrés dans l’unité, c’était bondé.

 

Salle d
Salle d’urgence de l’unité d’urgence traumatologique de MSF à Kunduz; un membre du personnel médical traite un patient qui a subi une fracture compliquée de la partie supérieure et inférieure de la jambe lors d’une explosion. Afghanistan, août 2021. Stig Walravens/MSFStig Walravens/MSF

 

Quatre patients avaient besoin d’une intervention chirurgicale de toute urgence, en même temps. Nous avons commencé à pratiquer une intervention chirurgicale vitale sur deux patients, et pendant ce temps nous faisions tout notre possible pour maintenir les deux autres en vie. Les deux qui attendaient ont survécu, et nous avons pu procéder à leur opération également.

Au final, un patient est décédé, mais trois ont survécu, ce qui est assez impressionnant, étant donné qu’ils étaient tous très grièvement blessés. En attendant qu’une place se libère dans la salle d’opération, tout en essayant de maintenir les deux autres en vie à la salle d’urgence, nous devions encore aider d’autres patients qui étaient arrivés et avaient besoin de soins. Nous essayions de les aider entre deux interventions d’urgence. Ce fut donc une dure journée à traverser.

 

Un cas inattendu

 

L’un de nos patients était un jeune garçon. Il avait été emmené par son père à l’urgence et avait un pansement au bras. Il ne pleurait pas et regardait devant lui en silence. Je supervisais la salle d’urgence avec un infirmier de l’unité de soins intensifs. Le garçon avait l’air confortable et ne semblait pas trop mal en point. À mes yeux, il n’y avait pas d’urgence immédiate.

Ses doigts qui sortaient du bandage étaient chauds et semblaient bénéficier d’une bonne circulation, alors j’ai pris mon temps pour montrer au personnel comment réaliser une investigation appropriée sur la main pour déceler des lésions nerveuses. Assez étrangement, le garçon semblait n’avoir aucune sensation sur toute sa main, ce qui suggérait que les trois nerfs étaient sectionnés.

 

Je me souviens du moment où le bandage a été retiré et que j’ai vu le trou béant que l’enfant avait à l’avant-bras. Un trou et un peu de tissus restants.

 

J’ai continué à dérouler tout doucement le bandage de son bras. Je me souviens du moment où le bandage a été retiré et que j’ai vu le trou béant que l’enfant avait à l’avant-bras. Un trou et un peu de tissus restants. Le père m’a dit qu’une balle perdue avait touché l’enfant pendant qu’il jouait.

Je me souviens des visages des membres de l’équipe. Leur expression semblait dire : eh bien je ne m’attendais pas à ça! Et à vrai dire, moi non plus. Nous avons donc refermé la plaie et essayé de stabiliser la main, car elle était aussi instable qu’une main peut l’être. Pour une raison quelconque, la seule chose qui restait était l’artère allant jusqu’aux doigts, mais les nerfs étaient tous sectionnés.

Sur le plan médical, nous étions tous d’accord que l’amputation était probablement la meilleure option. Le père toutefois n’était pas d’accord avec cette approche. Il voulait lui donner une chance. Nous avons fait de notre mieux pour débrider [nettoyer] la plaie et maintenir les tissus en vie, et avons attaché un fixateur externe (un support métallique servant à maintenir les os en place pendant la guérison) afin de lui laisser le plus de temps possible pour guérir.

En date d’aujourd’hui, le garçon a toujours sa main. Elle ne sera certes jamais plus comme avant, c’est sûr, mais la main est toujours là, résultat auquel nous ne nous attendions pas. Le père est très sympathique, mais le garçon sait que si un médecin s’approche, il aura du mal. Il n’a souri à aucun d’entre nous, mais nous pouvons le voir sourire à son père.

 

Calme, mais toujours occupé

 

Quand les combats se sont apaisés, nous avons commencé à voir arriver davantage de patients. Beaucoup d’entre eux avaient déjà reçu un traitement d’urgence. Après avoir subi leur blessure, ils s’étaient rendus à l’hôpital le plus proche où ils pouvaient être pris en charge et le personnel médical avait fait ce qu’il pouvait.

Nous constatons une augmentation du nombre de patients orientés vers nous par les hôpitaux provinciaux après avoir subi plusieurs interventions chirurgicales. Et ils se retrouvent dans nos urgences. Bien souvent, en entrant en chirurgie, nous constatons qu’il n’y a pas beaucoup d’options, et que nous ne pouvons pas faire grand-chose de plus pour sauver cette personne. Nous essayons toujours cependant : nous essayons de stabiliser, nous essayons de rétablir les choses par le biais d’une intervention chirurgicale.

 

Déménagement vers le nouvel hôpital

 

Ici à Kunduz, la reconstruction de notre hôpital est en cours depuis un certain temps. La communauté attendait l’ouverture de l’hôpital. Il y a deux semaines, nous avons transféré les patients de notre clinique temporaire à l’hôpital pour la première fois. C’est nouveau. L’ouverture de l’hôpital est une étape importante, même si elle n’est pas encore complètement terminée.

 

Construction du centre de traumatologie de Kunduz. Ces conteneurs servaient à accueillir, entre autres, la salle d
Construction du centre de traumatologie de Kunduz. Ces conteneurs servaient à accueillir, entre autres, la salle d’opération, l’unité des soins intensifs et la salle de radiographie. Afghanistan, mai 2010. © MSFMSF

Ici à Kunduz, la reconstruction de notre hôpital est en cours depuis un certain temps. Il y a deux semaines, nous avons transféré les patients de notre clinique temporaire à l’hôpital pour la première fois. L’ouverture de l’hôpital est une étape importante.

 

En termes de patients, nous constatons que les blessures par balle et par explosion de bombe ne sont plus aussi fréquentes. Désormais, nous voyons surtout des complications chez des blessés de guerre qui ont besoin d’un suivi après un traitement antérieur, ainsi que des accidents de la route, qui augmentent fortement avec la réouverture de la société. Tout le monde ici conduit sa moto sans casque; lorsqu’une chute se produit, on doit traiter des traumatismes crâniens, ce qui n’est pas la meilleure chose pour nous, car nous n’avons pas de neurochirurgiens, donc parfois nous ne pouvons pas faire grand-chose.

 

Faire en sorte que ça marche

 

Dans le centre de traumatologie de Kunduz, nous effectuons notre travail médical pendant que la construction est toujours en cours. Mais la vitesse à laquelle l’équipe de construction et les autres réparent les choses est assez étonnante. Ils ont une véritable approche de la résolution de problèmes. Nous avons vu un brancardier qui allait chercher un patient et qui avait de la difficulté à faire passer le brancard sur le sol inégal parce qu’il y avait trop de gravats. En un rien de temps, des gens ont mis du béton sur les gravats. C’est assez incroyable de voir à quel point toute l’équipe de construction aide autant à résoudre les problèmes que rencontre le personnel médical.

 

Nous avons vu un brancardier qui allait chercher un patient et qui avait de la difficulté à faire passer le brancard sur le sol inégal parce qu’il y avait trop de gravats.

 

Nous bénéficions du même soutien de la part de l’équipe qui est responsable de l’enceinte de l’hôpital. L’un d’eux est toujours sur un vélo, passant d’un département à l’autre, réparant les choses incroyablement rapidement. Il en va de même pour l’approvisionnement. Vous voyez des articles et des fournitures médicales apparaître soudainement devant le seuil des départements et un peu plus tard gisent sur un autre des cadeaux et d’autres colis pour que nous puissions traiter nos patients.

 

Les équipes chirurgicales de MSF opèrent un patient blessé dans les combats à Kunduz au centre de traumatologie de MSF à Kunduz. Afghanistan, août 2021.
Les équipes chirurgicales de MSF opèrent un patient blessé dans les combats à Kunduz au centre de traumatologie de MSF à Kunduz. Afghanistan, août 2021.

 

Il y a aussi l’élément recrutement. Nous augmentons notre effectif à nouveau. Nous sommes en train de faire passer des examens de recrutement et espérons commencer à recruter des travailleurs en santé mentale, ce dont nous avons grandement besoin.

Et c’est ainsi que les choses se présentent pour le moment – toutes les équipes s’entraident vraiment, ensemble, en essayant de faire en sorte que tout fonctionne.