Dr. Kirsten Arendse is supporting the decanting of Nolungile Community Health Centre in Khayelitsha, Western Cape. What this means in lay terms is that she is part of an MSF team tasked with implementing strategies that help reduce the number of clinic visits that people living with HIV and TB have to make. People living with HIV/TB are at high risk of developing severe COVID-19 disease. © MSF/Barry Christiansen
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Tuberculose : les gouvernements ne sont pas sur la bonne voie pour prévenir la deuxième maladie infectieuse la plus meurtrière.

Alors que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) lance demain un « appel à l’action » sur la nécessité d’élargir l’accès au traitement préventif de la tuberculose (TB), l’organisation internationale d’aide médicale et humanitaire Médecins Sans Frontières (MSF) a exhorté tous les gouvernements à soutenir et à accélérer la mise en œuvre du traitement préventif de la tuberculose (TPT), et a exigé que les sociétés pharmaceutiques et diagnostiques rendent tous les médicaments et tests nécessaires à la mise en œuvre du TPT accessibles et abordables pour ceux qui en ont besoin.

 

Ce n’est que tout récemment que la COVID-19 a dépassé la tuberculose en tant que maladie infectieuse la plus meurtrière au monde. En 2019, la tuberculose a causé 1,4 million de décès, et plus de 10 millions de personnes en sont tombées malades. S’il est essentiel de traiter les personnes actuellement atteintes de tuberculose, une autre mesure importante pour contrôler et inverser la tendance du fardeau mondial de la tuberculose consiste à identifier rapidement les personnes les plus exposées et à empêcher qu’elles développent la maladie grâce à un traitement préventif de la tuberculose, ou TPT. Le TPT consiste à fournir des médicaments antituberculeux aux membres de la famille et aux autres contacts étroits des personnes atteintes de tuberculose, aux personnes atteintes du VIH ou d’autres affections qui affaiblissent leur système immunitaire ou aux personnes autrement vulnérables à la maladie, y compris les personnes incarcérées. Ce traitement préventif empêchera les personnes atteintes de tuberculose latente (personne infectée par la tuberculose, mais pas encore malade, contagieuse ou symptomatique) de développer une tuberculose à part entière qui pourrait non seulement les rendre gravement malades, mais aussi transmettre l’infection à d’autres. Il est encore plus critique d’élargir le TPT dans le contexte de la COVID-19. Une action urgente est nécessaire pour inverser l’impact négatif de la COVID-19 sur la lutte contre la tuberculose.

 

Progrès à la traîne

 

En 2018, les pays ont convenu lors de la réunion de haut niveau des Nations Unies sur la tuberculose d’atteindre l’objectif (en anglais) de 30 millions de personnes mises sous TPT d’ici la fin de 2022. Cependant, même si l’efficacité du TPT a été maintes fois démontrée, les progrès demeurent à la traîne. Comme il ne reste que 18 mois pour y parvenir, les gouvernements doivent de toute urgence prioriser et élargir la mise en œuvre du traitement préventif de la tuberculose pour sauver plus de vies et soulager les souffrances.

« Il est inacceptable que des millions de vies continuent d’être emportées par la tuberculose alors que des mesures préventives existent. Il n’y aura pas de lumière au bout du tunnel de la tuberculose si l’on n’élargit pas massivement le traitement préventif de la tuberculose », a déclaré la Dre Gabriella Ferlazzo, conseillère principale en matière de TB/VIH à l’unité médicale d’Afrique australe de MSF. « Les gouvernements doivent de toute urgence répondre présents. Ils doivent tenir leurs engagements et investir dans des actions de prévention de la tuberculose afin que tous ceux qui en ont besoin, y compris les enfants et les populations particulièrement vulnérables comme les personnes vivant avec le VIH, les personnes incarcérées ou les réfugiés, puissent accéder au traitement préventif de la tuberculose. Nous devons redoubler d’efforts pour identifier et fournir un traitement préventif contre la tuberculose à environ trois contacts pour chaque personne diagnostiquée avec la tuberculose. Cela nous permettra de combler cette lacune de prévention, de prévenir l’infection et la transmission, et de sauver plus de vies. »

MSF vise à fournir le TPT en tant que partie intégrante de la réponse globale de l’organisation à la tuberculose. À Blantyre, au Malawi, MSF a soutenu un programme de lutte contre la tuberculose dans la prison de Chichiri. Étant donné que les personnes incarcérées – en particulier dans les milieux à forte charge de VIH et de tuberculose – courent un risque très élevé d’être infectées et de développer la tuberculose, le programme a dépisté et traité les personnes atteintes de tuberculose, et fourni des TPT aux personnes atteintes d’une infection tuberculeuse latente et à des personnes vivant avec le VIH. En 2019, le programme a soumis 1 500 personnes à un dépistage, et près des deux tiers d’entre elles ont été mises sous TPT (666 personnes séronégatives et 324 personnes séropositives).

 

MSF et TPT 

 

À Khayelitsha, en Afrique du Sud, MSF a fourni avec succès un TPT à des enfants et adolescents en contact avec des personnes atteintes de tuberculose pharmacorésistante (TB-R). La pandémie de COVID-19 a obligé MSF à adapter son programme pour commencer à fournir des soins à domicile, ce qui a finalement conduit à une augmentation du nombre d’enfants et d’adolescents sous TPT grâce à cette initiative communautaire.

« La TB-R est un grave problème à Khayelitsha, un cycle sans fin qui ravage famille après famille », a déclaré Sœur Ivy Apolisi, infirmière du programme post-exposition à la TB-R de MSF à Khayelitsha, en Afrique du Sud, et l’une des conférencières à l’événement de l’OMS mercredi. « Nous avons vu comment le traitement préventif de la tuberculose sauve des vies et, en tant qu’infirmière, je peux vous dire à quel point il est mieux et plus facile de prévenir la tuberculose, plutôt que de surveiller et d’attendre de voir si quelqu’un tombe malade. Nous devons tous nous consacrer à arrêter les cycles continus de souffrance qui se produisent dans les familles touchées par la TB-R. »

La mise en œuvre du TPT accuse un certain retard en partie à cause d’un manque d’accès à de meilleurs médicaments et tests de dépistage. La plupart des gens n’ont accès qu’à l’ancien médicament de TPT (l’isoniazide) qui nécessite la prise de comprimés pendant 6 à 9 mois. Toutefois, il existe un traitement préventif plus récent et plus court sur 1 à 3 mois (rifapentine + isoniazide), quoiqu’il soit plus cher (5 $US à 26,90 $US par mois pour les régimes de 3 et 1 mois respectivement, contre 0,58 $US par mois pour les régimes plus anciens à base d’isoniazide uniquement). De plus, la rifapentine de qualité garantie n’est produite que par deux fabricants (Sanofi et Macleods) en raison d’une demande limitée, malgré le fait que la rifapentine n’est plus brevetée depuis des années et qu’elle n’est pas disponible dans une formulation adaptée aux enfants. Des recherches plus poussées sur des alternatives innovantes qui faciliteraient le TPT, y compris des formulations injectables à action prolongée, encourageraient un élargissement du programme.

L’accès aux outils diagnostiques nécessaires pour dépister la tuberculose à grande échelle est également essentiel pour veiller à ce que les travailleurs de la santé fournissent les TPT aux bonnes personnes. Des tests au point d’intervention plus abordables, plus simples et adaptés aux milieux à faibles ressources permettant d’identifier les personnes atteintes de tuberculose latente sont nécessaires de toute urgence pour accélérer la mise en œuvre du TPT.

« Pour obtenir un approvisionnement soutenu et abordable de rifapentine et d’isoniazide auprès des fabricants, les pays doivent s’engager à acheter des volumes suffisants de médicaments. Étant donné que la rifapentine et l’isoniazide ne sont pas brevetés, l’engagement d’acheter certains volumes garantirait que davantage de fabricants entreraient sur le marché, ce qui conduirait à une concurrence, ferait baisser les prix et permettrait d’élargir l’accès au traitement », a déclaré Christophe Perrin, pharmacien spécialiste de la lutte contre la tuberculose pour la Campagne d’accès de MSF. « Tous les pays devraient être tenus responsables lorsqu’il s’agit d’intensifier et de mettre en œuvre rapidement le traitement préventif de la tuberculose, mais pour ce faire, ils doivent avoir accès aux meilleurs médicaments et tests diagnostiques à des prix abordables. »