An MSF staff member walks past the admission desk of the Médecins Sans Frontières (MSF) drug-resistant tuberculosis (DR-TB) hospital in Kandahar city, Kandahar Province, Afghanistan. © Lynzy Billing
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Tuberculose pharmacorésistante : un essai de MSF confirme l’efficacité d’un nouveau régime thérapeutique

 

Les résultats sur le traitement de la tuberculose pharmacorésistante publiés dans le New England Journal of Medicine démontrent qu’un régime thérapeutique de plus courte durée est plus sûr et guérit près de 90 % des personnes atteintes de cette forme de la maladie. Des résultats prometteurs qui ont d’ailleurs incité l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) à mettre à jour ses directives mondiales.

Selon les résultats d’une étude menée par Médecins Sans Frontières (MSF) et publiée aujourd’hui dans le New England Journal of Medicine, le régime thérapeutique entièrement oral de six mois qui a été mis à l’essai est plus sûr et plus efficace pour traiter la tuberculose multirésistante que les options de traitement actuelles. C’est la première fois que les résultats de TB-PRACTECAL sont publiés dans une revue médicale comptant un comité de lecture.

Les conclusions publiées proviennent de l’essai TB-PRACTECAL de MSF, le tout premier essai clinique contrôlé, randomisé et multipays à rendre compte de l’efficacité et de l’innocuité d’un traitement entièrement oral de six mois. Les directives mondiales de traitement de la tuberculose de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), parues la semaine dernière, intègrent dorénavant ces avancées.

« Nous sommes ravis que les résultats de l’essai aient été publiés dans le New England Journal of Medicine au terme d’un processus rigoureux d’examen par les pairs », se réjouit Bern-Thomas Nyang’wa, directeur médical de MSF et investigateur principal de l’essai. « Cette publication fournira des preuves plus approfondies aux décideurs politiques et aux fournisseurs de traitement pour soutenir leur décision de suivre le régime thérapeutique sur lequel portait TB-PRACTECAL, en plus des recommandations de l’OMS. Jusqu’à tout récemment, aucun nouveau traitement de la tuberculose n’avait vu le jour en plus de 50 ans. »

« Pourquoi? Parce que cette maladie n’affecte pas les personnes qui ont les ressources pour y faire face. Cet essai était une tentative de la part de MSF pour combler cette lacune. Maintenant, il est essentiel que le nouveau traitement soit mis à la disposition de tous ceux et celles qui en ont besoin », précise Bern-Thomas Nyang’wa.

L’essai a pris fin en mars 2021; au total, 552 patientes et patients répartis sur sept sites en Biélorussie, en Afrique du Sud et en Ouzbékistan y ont participé. Aujourd’hui, cinq pays soutenus par MSF ont déjà commencé à utiliser les régimes thérapeutiques plus courts chez près de 400 personnes commençant le traitement, et huit autres pays s’apprêtent à faire de même en 2023.

 

Un technicien teste des échantillons au laboratoire de l’hôpital de MSF pour le traitement de la tuberculose pharmacorésistante, en Afghanistan.

 

Lancé en 2017, l’essai TB-PRACTECAL avait pour but de comparer trois combinaisons de nouveaux traitements avec la norme de soins acceptée localement. Tous trois ont montré des résultats favorables par rapport à la norme de soins. C’est le régime de six mois de bédaquiline, prétomanide, linézolide et moxifloxacine (BPaLM) qui s’est avéré le plus efficace et le plus sûr. L’essai a également évalué deux autres régimes thérapeutiques : le BPaL (bédaquiline, prétomanide et linézolide) et le BPaLC (bédaquiline, prétomanide, linézolide et clofazimine).

« Nous avons lancé l’essai clinique TB-PRACTECAL il y a neuf ans parce qu’il fallait agir », raconte le Dr Nyang’wa. « Les malades nous disaient que les traitements étaient longs, inefficaces et épuisants, et que les effets secondaires étaient pires que la maladie elle-même. Ils n’étaient pas non plus très efficaces; seulement une personne sur deux guérissait de la maladie. Le nouveau régime thérapeutique BPaLM offre un taux de guérison de 89 %; il est aussi plus sûr, plus court et plus tolérable, et il réduit en outre le nombre de comprimés à prendre.

L’essai clinique de phase II/III de MSF a révélé que le nouveau régime BPaLM était très efficace contre la tuberculose résistante à la rifampicine, et plus sûr que la norme de soins actuelle. Le groupe traité avec le régime BPaLM a aussi éprouvé moins d’effets secondaires et obtenu un taux de guérison de 89 %, comparativement au groupe de la norme de soins, chez qui les effets secondaires ont été plus importants et dont le taux de guérison s’est établi à 52 %. Les régimes BPaLC et BPaL ont également obtenu des résultats significativement meilleurs que la norme de soins.

« Quand j’ai appris que j’avais la tuberculose, je ne pouvais tout simplement pas y croire », raconte Abdirakhman, un étudiant en mathématiques de 24 ans en Ouzbékistan qui a dû interrompre ses études lorsqu’il a été diagnostiqué. « [Le diagnostic de la tuberculose pharmacorésistante] a été dévastateur pour moi. J’ai accepté de participer à l’essai clinique TB-PRACTECAL et j’ai été sélectionné au hasard pour recevoir le traitement de courte durée de six mois par rapport au traitement standard qui s’étend sur deux ans ou plus. Il y a eu des périodes difficiles, mais c’était encore mieux que deux ans de traitement. Maintenant, j’ai terminé mon traitement et je suis de retour à l’université. »

Alors que ce nouveau régime thérapeutique suscite de l’espoir chez les 500 000 personnes qui contractent chaque année la maladie, le prix mondial le plus bas actuellement offert au Dispositif mondial pour l’approvisionnement en médicaments (DMAM) pour un traitement de six mois de BPaLM est d’environ 600 $ US, soit toujours au-dessus du prix plafond de 500 $ US demandé par MSF. L’un des médicaments antituberculeux les plus récents, la bédaquiline — développée par Johnson & Johnson avec un soutien gouvernemental et philanthropique substantiel —, est offert, au prix mondial le plus bas, à 270 $ US pour un traitement de six mois, et cela, malgré le fait que des recherches ont estimé que la bédaquiline pouvait être produite et vendue à profit pour seulement 102 $ US pour le traitement de six mois. En fait, les trois régimes thérapeutiques étudiés dans le cadre de l’essai TB-PRACTECAL sont susceptibles de réduire les coûts de traitement par rapport à la norme de soins actuelle.

« Le déploiement du régime BPaLM plus court, plus sûr et plus efficace testé lors de l’essai TB-PRACTECAL pourrait transformer la vie des personnes atteintes de tuberculose, mais seulement si les médicaments inclus dans ce régime thérapeutique sont abordables », déclare Christophe Perrin, pharmacien et militant de la lutte contre la tuberculose pour la Campagne d’accès de MSF. « Comme des fonds publics importants ont contribué à payer la mise au point de la bédaquiline, nous demandons à Johnson & Johnson de baisser le prix de ce médicament afin qu’un traitement complet contre la tuberculose pharmacorésistante n’excède pas 500 $ US par personne. Cette maladie mortelle a fauché trop de vies. Les personnes atteintes de tuberculose méritent un accès urgent à des traitements plus courts, plus sûrs et abordables. »

MSF est l’un des plus grands prestataires non gouvernementaux de traitement de la tuberculose dans le monde. En 2021, 17 221 personnes prises en charge par MSF ont été mises sous traitement antituberculeux, dont 2 309 personnes atteintes de la forme pharmacorésistante de la maladie. MSF travaille en étroite collaboration avec les programmes nationaux de lutte contre la tuberculose, les ministères de la Santé et d’autres acteurs clés pour veiller à ce que ce nouveau régime soit disponible dès que possible pour les personnes atteintes de tuberculose pharmacorésistante.