Nutrition assistant Abubakar Sediq prepares a prescription for a woman after examining her in MSF’s new hospital in Al Kashafa refugee camp, in Sudan’s White Nile state. © MSF/Musab Sahnon
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Une nouvelle flambée de violence dans l’est du Soudan du Sud force une fois de plus des milliers de personnes à fuir

Des milliers de personnes fuyant les violences dans l’est du Soudan du Sud ont été contraintes de se réfugier dans la brousse, alerte Médecins Sans Frontières (MSF). Depuis plusieurs jours, dans la zone administrative du Grand Pibor, des combats intenses menacent à nouveau des communautés entières. La recrudescence brutale des affrontements intercommunautaires a conduit MSF à suspendre ses activités médicales à Pibor, la plupart du personnel ayant fui pour se mettre à l’abri.​

 

Ces violences, qui indiquent une résurgence des tensions intercommunautaires, ont éclaté le 15 juin 2020 autour de Manyabol, tandis que des groupes armés se déplaçaient vers le village de Gumuruk quelques jours plus tard. Presque tous ceux qui le pouvaient ont fui à mesure que les combats se rapprochaient. À Pibor, à plusieurs dizaines de kilomètres de là, MSF a reçu trois patients blessés par balle dans son centre de soins de santé primaire (CSP).

« Ce que j’ai vu est extrêmement traumatisant ; j’ai vu des signes de peur et de tristesse extrêmes dans les yeux des gens. Les combats ont atteint le village de Lawo, situé à environ deux heures de la ville de Pibor. Les combattants attaquent le bétail, brûlent les maisons, détruisent les biens et pillent les villages. J’ai traité des patients avec des balles encore logées dans le corps et qui, effrayés, ont dû fuir vers le bush avant que nous puissions les soigner. Nous ne savons pas où ils se trouvent maintenant », explique Regina Marko Ngachen, infirmière MSF.

Les combats approchent maintenant la ville de Pibor, à l’est, et presque tous les habitants ont préféré se réfugier dans la brousse environnante, y compris le personnel de MSF. « Nos équipes ont fui avec leurs familles, craignant pour leur vie et celle de leurs proches. Sans personnel, nous ne pouvons pas continuer à faire fonctionner le centre de santé. Nous sommes très inquiets, car la population n’a plus accès aux soins de santé au moment où elle en a le plus besoin », déclare Ibrahim Muhammad, chef de mission MSF au Soudan du Sud. « Si les affrontements persistent, nous nous attendons à plus de blessés. Nous arriverons bientôt au pic de la saison du paludisme, et sans abri adéquat, la population sera encore plus exposée aux maladies. Cela ne fait qu’aggraver une situation nutritionnelle déjà alarmante, en particulier chez les enfants de moins de cinq ans. Dès que le contexte le permettra, nous nous engageons à reprendre nos activités médicales dans la région ».

En 2019, MSF a traité plus de 32 000 patients dans le CSP de Pibor, dont la plupart souffraient de paludisme, d’infections respiratoires et de diarrhée. Cette nouvelle recrudescence de violence entraînant le déplacement forcé de milliers de personnes risque d’avoir un impact désastreux sur la santé des enfants alors que les indicateurs récents  sont déjà inquiétants. Mi-juin, plus de 70 % des enfants de moins de cinq ans traités dans le CSP de MSF souffraient de paludisme, contre 43 % l’année dernière à la même période. Un taux de 6 % de Malnutrition Aiguë Sévère (MAS) chez les enfants traités dans le CSP fait craindre une crise alimentaire aiguë et imminente.

Cette nouvelle vague de violence entrave l’accès des organisations humanitaires à une communauté qui se remet à peine des inondations dévastatrices de la fin 2019. La pandémie de COVID-19 menace également un système de santé déjà fragile après des décennies de guerre.

Depuis le début de l’année, MSF a alerté à plusieurs reprises sur la détérioration de la situation dans la zone administrative du Grand Pibor après une série d’épisodes violents. En mars, l’équipe de MSF a soigné plus de 45 blessés par balle à Pibor en raison de nouveaux affrontements intercommunautaires, et 83 patients blessés ont été pris en charge à Pieri et Lankien en l’espace de cinq jours seulement, du 9 au 13 mars. Il y a un mois, une nouvelle flambée de violence à Pieri a tué un membre du personnel de MSF et fait de nombreux blessés. MSF est profondément inquiet que cette tendance puisse à nouveau faire de cette région un épicentre de violence intercommunautaire (comme le décrivait un rapport MSF de 2012). 

« A mesure que les combats se poursuivent, la population est de plus en plus vulnérable. Les civils sont ceux qui paient le plus lourd tribut dans ce cycle de violence féroce, contraints à des déplacements répétés, perdant leurs maisons et leurs moyens de subsistance, quand ils ne sont pas blessés ou tués. Les civils doivent être protégés et les organisations humanitaires doivent avoir un accès effectif à la zone pour pouvoir assurer un niveau adéquat de soins et d’assistance aux populations touchées et aux blessés », ajoute Ibrahim Muhammad, chef de mission MSF.