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ViiV doit améliorer sa stratégie d’accès pour son médicament de prévention du VIH

Médecins Sans Frontières (MSF) appelle la société pharmaceutique ViiV à faire preuve de transparence sur le volume actuellement disponible et la distribution géographique prévue du cabotégravir à action prolongée (CAB-LA), un médicament de prévention du VIH, afin d’accélérer de toute urgence l’accès au médicament pour les personnes vivant dans les pays à revenu faible et intermédiaire (PRFI) fortement touchés par le VIH, où il pourrait avoir le plus grand impact sur la prévention des infections à VIH.

Cet appel fait suite à l’annonce bienvenue de ViiV et du Medicines Patent Pool (MPP) des trois fabricants de médicaments génériques sélectionnés pour produire le CAB-LA dans le cadre d’un accord de licence volontaire signé en juillet 2022.

Comme le montrent les essais cliniques, le CAB-LA est actuellement la forme de prophylaxie préexposition (PrEP) la plus efficace pour les personnes qui courent un risque accru de contracter le VIH*, et a fait l’objet d’une recommandation pour la prévention du VIH par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) en juillet 2022. Cependant, le manque persistant de transparence de ViiV concernant l’approvisionnement disponible actuel de CAB-LA et la façon dont elle prévoit de distribuer le médicament géographiquement, ainsi que les conditions scientifiques de mise en œuvre établies par ViiV pour l’approvisionnement, constituent des obstacles à l’accès à ce médicament, en particulier dans les PRFI. À l’heure actuelle, la société n’a pas été en mesure de rassurer MSF quant à la disponibilité de toute quantité de CAB-LA pour ses programmes médicaux en Eswatini et au Mozambique en 2023, où l’organisation prévoit de commencer à offrir le médicament à des personnes hautement exposées au VIH. Comme ViiV a besoin d’un délai de six mois pour traiter la commande de MSF, l’incapacité de la société à se montrer transparente sur la disponibilité du CAB-LA et son prix pourrait empêcher le médicament d’atteindre les personnes prises en charge par MSF en 2023. Avec le CAB-LA approuvé pour la première fois par la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis en décembre 2021, le temps d’attente pour que de nombreuses personnes puissent accéder à ce médicament salvateur pourrait bien être supérieur à deux ans.

« Voilà plus de huit mois que nous sommes en négociations contractuelles avec ViiV pour obtenir le CAB-LA devant servir aux programmes de MSF, et la société a été catégorique sur le fait que les stocks de CAB-LA seraient suffisants – étonnamment, elle a même fait valoir que la demande pour le médicament serait faible. Et pourtant, nous sommes actuellement incapables de nous procurer le CAB-LA pour répondre à la demande dans nos programmes médicaux, et nous entendons la même chose de la part des autorités sanitaires dans les pays à revenu faible et intermédiaire », affirme la Dre Helen Bygrave, conseillère en maladies chroniques pour la Campagne d’accès de MSF. « Honnêtement, ViiV devrait avoir honte : un médicament de prévention du VIH capable de sauver des vies est à portée de main, mais elle ne parvient pas à garantir en avoir assez pour les personnes qui en ont besoin, et n’offre aucune transparence quant aux pays où les stocks de CAB-LA sont actuellement envoyés. »

Pour les personnes qui ont besoin de CAB-LA, la stratégie d’accès de ViiV est irresponsable et à courte vue. Malgré les appels répétés de la société civile pour augmenter l’offre de CAB-LA, le monopole mondial actuel de ViiV n’est pas en mesure de répondre aux besoins urgents en matière de santé mondiale. Cela est particulièrement préoccupant, car il peut s’écouler de quatre à cinq ans avant que les entreprises de fabrication de génériques sélectionnées, au nombre de trois seulement, ne mettent en marché la version générique du CAB-LA. En outre, les efforts de ViiV pour accroître sa propre capacité de fabrication et d’approvisionnement en augmentant la taille des lots et en ouvrant une deuxième usine de fabrication traînent de l’arrière et ne devraient pas donner de résultats avant 2024.

Par ailleurs, jusqu’à tout récemment, l’accès au CAB-LA dans les PRFI fortement touchés par le VIH était également limité par les conditions entourant les mécanismes d’approvisionnement. Initialement, ViiV avait précisé qu’elle ne fournirait le CAB-LA qu’aux organisations ayant soumis des protocoles de recherche par le biais de son propre mécanisme de recherche, et ce, en dépit du fait que le médicament a été approuvé par la FDA et n’est plus un médicament expérimental. Après des mois de discussions de haut niveau, ViiV a finalement donné son accord pour fournir une quantité limitée de CAB-LA dans le cadre du plan d’urgence du président américain pour le programme de lutte contre le sida (PEPFAR). MSF a donc procédé aux plans scientifiques de mise en œuvre conjointement avec les ministères de la Santé, mais malgré huit mois de négociations, ViiV n’a toujours pas fourni de prix d’achat accessible au public ni de certitude quant à l’approvisionnement en CAB-LA en 2023.

« Il est exaspérant que ViiV décide seule où le CAB-LA est disponible indépendamment des besoins de santé urgents : jusqu’à ce qu’il y ait plus de producteurs sur le marché et que l’approvisionnement puisse procéder normalement avec des stocks appropriés de CAB-LA, la société doit en faire plus et redéfinir les priorités de sa distribution mondiale en faveur des personnes les plus exposées au VIH, en particulier dans les pays à revenu faible et intermédiaire, là où le médicament peut avoir le plus grand impact en termes de prévention », mentionne la Dre Bygrave.

Le CAB-LA, administré par injection tous les deux mois, est plus discret que la pilule de PrEP à prise orale une fois par jour et pourrait être la clé pour inverser la tendance contre les nouvelles infections à VIH, d’autant plus que le comprimé quotidien peut être un fardeau qui nuit à l’observance.

« La PrEP orale est très importante dans ma vie parce que si je couche avec un partenaire séropositif, cela me protège du VIH. Le principal défi auquel je suis confrontée en prenant la PrEP est que j’oublie parfois de prendre mon comprimé », raconte Lindokuhle Dlamini, une femme prenant la PrEP par voie orale dans le cadre des programmes de MSF en Eswatini. « S’il y avait une PrEP injectable tous les deux mois, ce serait plus facile pour moi, parce que je n’aurais pas besoin de penser à prendre mon comprimé tous les jours. »

* Les risques pour une personne de contracter le VIH sont déterminés par une évaluation clinique et peuvent concerner des populations clés (travailleurs du sexe, hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, personnes qui s’injectent des drogues, personnes en prison et personnes transgenres) et leurs partenaires sexuels, ainsi que des personnes dans la population en général, telles que les femmes et les filles.