Heidi Woods Lehnen is MSF’s medical activity manager in the Marib project. She is following up on of Taqwa Muhammad, a 3-month-old girl, and this is the second time she returns to the mobile clinic in the Hygiene Fund area. هايدي وودس لينن هي مديرة النشاط الطبي في مشروع مأرب وهي تقوم بمتابعة حالة الطفلة تقوى محمد التي تبلغ من العمر 3 أشهر وهذه المرة الثانية التي تعود فيها للعيادة المتنقلة في منطقة صندوق النظافة © Nuha Haider/MSF
PARTAGEZ

Yémen : Les besoins en santé augmentent dans l’ancienne zone de sécurité de Marib

 

Dans le gouvernorat de Marib, dans le nord-est du Yémen, sont répartis 134 camps, qui abritent temporairement des Yéménites déplacés par le conflit qui dure depuis six ans, des migrants africains coincés au Yémen et des membres d’un groupe minoritaire vulnérable du Yémen connu sous le nom d’Al-Muhamasheen.

Selon les autorités locales, Marib accueillait près de 400 000 personnes avant le début du conflit. Aujourd’hui, ce nombre atteint presque de 2,7 millions de personnes, dont des déplacés en quête de sécurité.

Cependant, Marib n’est plus un endroit sûr. Ces dernières semaines, les lignes de front se sont déplacées vers l’est du gouvernorat. Le 8 février, les combats se sont intensifiés dans le district de Sirwah, à l’ouest de la ville de Marib, faisant un grand nombre de blessés et obligeant quelque 10 000 personnes à fuir. Environ 600 familles se sont installées dans un camp à environ 20 km de la ville. Médecins Sans Frontières (MSF) a fait don de médicaments essentiels aux hôpitaux de Marib pour les aider à faire face à l’afflux de blessés et a commencé à fournir des soins de santé primaires aux personnes nouvellement déplacées.

 

Nulle part où aller

 

Alors que les lignes de front s’approchent de la ville de Marib, MSF craint que les personnes qui se sont réfugiées dans la région ne se retrouvent sans autre endroit où aller.

Um Marzouk est une mère de cinq enfants de 30 ans de Nehim, dans la province de Sanaa. Déplacées plusieurs fois par le conflit, elle et sa famille vivent maintenant dans le camp d’Al-Sweida, à 5 km de la ville de Marib.

« Nous avons été déplacés cinq fois à cause des combats », dit-elle. « Maintenant, il est difficile de même penser à retourner chez nous à Nehim, car tout a été complètement détruit. Deux de mes enfants sont nés dans des camps différents, et ç’a été tellement difficile. J’ai accouché sans aucune aide médicale. »

Comme Um Marzouk, ils sont des milliers à avoir trouvé refuge à Marib au cours des six dernières années, principalement dans les provinces d’Al-Jawf, Saada, Hajjah, Hodeidah et Sanaa. La fille d’Um Marzouk, Jadel, trois ans, est née dans le camp d’Al-Sweida. La vie dans un camp, sans eau courante ni électricité, c’est tout ce qu’elle a connu. Lorsqu’on lui montre le dessin d’une maison, son regard est vide, mais le dessin d’une tente amène immédiatement un sourire de reconnaissance sur son visage.

L’équipe de MSF à Marib gère deux cliniques mobiles, qui visitent régulièrement huit sites autour de la ville. Elles permettent de fournir des soins de santé de base, des soins de santé reproductive, des vaccinations, des traitements contre la malnutrition et des services de santé mentale. Elles orientent également vers l’hôpital les enfants souffrant de malnutrition et d’infections des voies respiratoires et les femmes nécessitant des soins obstétricaux d’urgence.

« Les besoins sont clairement visibles partout où nous allons avec nos cliniques mobiles », déclare Jethro Guerina, infirmier de MSF. « Le nombre de patients dans nos cliniques mobiles augmente de jour en jour. Certaines personnes ici n’ont pas eu la chance de voir un médecin depuis longtemps, d’autres jamais. »

 

Migrants confrontés à des conditions similaires

 

Un autre site visité par les équipes mobiles de MSF est le camp de Bin Muili, qui abrite des migrants de divers pays africains. La plupart des quelque 6 000 migrants africains à Marib viennent d’Éthiopie; ils se dirigeaient vers l’Arabie saoudite mais ont été bloqués dans le nord du Yémen. Certains sont là depuis plusieurs années, à cause des combats dans la zone frontalière; d’autres y sont coincés depuis un an quand la frontière a été fermée à cause de la COVID-19.

« Lorsque ma femme et moi avons quitté l’Éthiopie, nous avions l’intention d’aller en Arabie saoudite pour gagner de l’argent », explique Hussein Awal, 21 ans. « En ce moment, nous sommes coincés à Marib et cherchons un moyen de subvenir à nos besoins. Si je ne trouve pas de travail, je ne peux pas nourrir ma femme ni moi-même. Nous sommes quatre maintenant, car ma femme a donné naissance à des jumeaux, alors c’est un immense problème que de subvenir à leurs besoins. »

 

Le Dr Abdukareem Saleh dans la clinique mobile du camp de Hygiene Fund, un camp de migrants africains qui travaillent comme nettoyeurs sous contrat avec le Hygiene Fund pour nettoyer la ville.Nuha Haider/MSF

 

Comme Hussein et sa femme, la plupart des migrants à Marib vivent dans des camps insalubres et surpeuplés, avec un accès limité aux services de base. Les craintes de propagation de la COVID-19 ont accru leurs risques d’être stigmatisés, arrêtés et détenus. Leurs mouvements sont souvent limités, et ils ont peu de possibilités d’emploi. Les combats à Marib ne pourraient qu’exacerber ces vulnérabilités et aggraver leur situation déjà précaire.

L’équipe mobile de MSF fournit également des soins de santé à Hareeb Junction, un bidonville en périphérie de Marib où vit un groupe minoritaire appelé Al-Muhamasheen, « les marginalisés ». La communauté, d’origine africaine, souffre de discrimination, de pauvreté et d’exclusion sociale. Comme la plupart des régions où vivent les Al-Muhamasheen, Hareeb Junction n’a ni eau courante, ni assainissement adéquat, ni collecte des ordures. Ses habitants ont peu d’opportunités économiques et reçoivent une aide très limitée des agences humanitaires.

 

« Nous nous sentions en sécurité »

 

« Auparavant, nous nous sentions en sécurité chez nous et nous ne connaissions pas la notion de misère, mais c’est ce que nous vivons actuellement avec le manque de services de base », explique Zabeidi Rashid, 60 ans, qui vit à Hareeb Junction. « Nous sommes comme des oiseaux qui partent chercher de la nourriture pour nourrir leurs enfants : s’ils ne vont pas chercher de la nourriture un jour, leurs enfants ne mangeront pas ce jour-là. »

Zabeidi a dû fuir sa maison où il menait une vie relativement meilleure. « Je ne peux pas contrôler mes sentiments chaque fois que je me rappelle la façon dont nous vivions par le passé », dit-il, les yeux pleins de larmes. « Si vous pouviez voir la belle maison où j’habitais, vous ne croiriez pas que cet homme noir y vivait. »

Les familles de Hareeb Junction ayant en moyenne cinq enfants chacune, or la majorité des habitants ici sont des enfants. Sans école dans la région, ils ne reçoivent aucune éducation et leurs parents n’ont pas les moyens de leur acheter des chaussures, des couches ou des vêtements. S’ils tombent malades, il n’y a pas d’argent pour les emmener voir un médecin.

Les services médicaux de MSF sont gratuits, donc lorsque l’équipe mobile arrive, elle est toujours accueillie par une longue file de personnes en attente d’une consultation. L’une des conditions médicales les plus courantes ici est la diarrhée, conséquence du mauvais assainissement de la région et du manque d’eau potable.

Constatant que certains des enfants ont vécu des événements traumatisants liés aux six années de guerre et de déplacement, l’équipe MSF organise des activités récréatives, telles que des séances de dessin et des matchs de soccer. Pour Lisa La Gattuta, responsable des activités de santé mentale à MSF, ces jeux jouent un grand important dans leur développement. « Ces activités récréatives sont très importantes pour les équipes MSF afin de s’engager avec la communauté, mais surtout pour promouvoir l’interaction sociale et le développement mental », dit-elle.