Mwachiro Ngala Mangale, hygiéniste chez MSF, désinfecte un tuk-tuk après le transport d’une personne suspectée d’être atteinte de mpox. Kenya, 2025. © Zainab Mohammed/MSF
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Kenya : derrière le masque, la lutte d’un hygiéniste contre le mpox

Le rôle de l’hygiéniste est de nettoyer, mais aussi de protéger des vies.

Mwachiro Ngala Mangale
Hygiéniste

Quand j’explique aux gens que mon métier consiste à désinfecter les ambulances et les salles d’isolement, la plupart pensent que je suis fou, surtout les personnes de mon âge. Tandis que certains de mes amis relèvent des défis de danse sur TikTok ou rêvent de vie facile, je pulvérise des zones contaminées par le virus [mpox], en équipement de protection, huit heures d’affilée et parfois plus. 

Je m’appelle Mwachiro Ngala Mangale. J’ai 23 ans, je suis le plus jeune des 15 hygiénistes du centre d’isolement d’Utange, à Mombasa. Nous faisons partie de l’équipe d’intervention d’urgence de Médecins Sans Frontières (MSF) qui lutte contre l’épidémie actuelle de mpox, en collaboration avec les autorités de santé du comté de Mombasa.  

Mon travail? Désinfecter tout, de la zone rouge, où se trouvent les personnes atteintes de mpox, à la zone verte. Je désinfecte aussi les ambulances [et les véhicules] qui transportent les cas suspects. C’est une grande responsabilité, que je ne prends pas à la légère.   

Les gens pensent que ce travail ne consiste qu’à manipuler des produits chimiques et à nettoyer. Mais c’est bien plus que cela. Il s’agit de protéger des vies : celles des personnes hospitalisées, de leurs familles et des membres du personnel médical et infirmier qui les soignent. Le virus se propage facilement par contact et la stigmatisation est forte. Nous devons donc être deux fois plus prudents et trois fois plus rigoureux.

« Vous vous demandez peut-être pourquoi je fais ce travail, alors que c’est risqué, intense et souvent ingrat. La réponse est simple : la passion. Je me sens appelé à servir. C’est ma communauté. Si je ne m’engage pas, qui le fera? »

– Mwachiro Ngala Mangale, hygiéniste chez MSF à Mombasa

Pour être honnête, certains jours sont difficiles. Il m’est arrivé d’assister au décès d’une personne touchée. Cela m’a beaucoup affecté. Après le départ du personnel infirmier, j’ai dû désinfecter le corps et toute la chambre. Cette nuit-là, j’ai travaillé bien plus de huit heures. C’était difficile, mais quelqu’un devait le faire. Je n’ai cessé de me rappeler que si cela avait été mon propre frère, j’aurais voulu que quelqu’un s’occupe de lui avec dignité. 

Vous vous demandez peut-être pourquoi je fais ce travail, alors que c’est risqué, intense et souvent ingrat. La réponse est simple : la passion. Je me sens appelé à servir. C’est ma communauté. Si je ne m’engage pas, qui le fera?   

Parfois, lorsque je ne suis pas en train de désinfecter, je passe du temps avec les patientes et les patients. Nous échangeons, plaisantons et partageons nos histoires. Ces personnes se sentent seules et certaines ont peur. Le mpox vous isole physiquement et émotionnellement. J’essaie de leur rappeler qu’elles sont toujours des êtres humains, qu’elles sont toujours parmi nous. 

Je dis toujours : « Aujourd’hui, ce sont ces gens. Demain, ça pourrait être mon voisin, ma cousine ou moi-même. » Personne ne choisit d’être malade.  

Je ne suis ni médecin ni infirmier. Je ne donne pas d’injections et ne rédige pas d’ordonnances. Mais je pense que mon rôle est tout aussi important. Je crée un espace où la guérison peut se faire en toute sécurité. J’aide à diminuer les peurs, même juste un peu.  

Je sais que beaucoup de gens ne voient pas les hygiénistes. Nous travaillons en arrière-plan. Mais ce n’est pas grave. Tant que les personnes malades reconnaissent que je me soucie d’elles et que je ne crains pas leur proximité alors que d’autres s’en détournent, je sais que je suis exactement là où je dois être.  

Et ça me suffit amplement.