Un technicien de laboratoire travaille au microscope pour effectuer des analyses sur la tuberculose pour les patients et les patientes de l’hôpital général de référence de Mweso, au Nord-Kivu. République démocratique du Congo (RDC), 2023. © Laora Vigourt/MSF
PARTAGEZ

L’accès équitable aux produits médicaux essentiels doit être une priorité

Médecins Sans Frontières (MSF) demande aux négociateurs de l’accord de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) sur les pandémies d’établir des normes juridiquement contraignantes pour garantir une réponse juste et équitable aux urgences de santé publique mondiales.

L’organe intergouvernemental de négociation (OIN) pour l’accord de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) sur la prévention, la préparation et la réponse aux pandémies tiendra sous peu sa 7e réunion. À la veille de cette rencontre, Médecins Sans Frontières (MSF) a exhorté tous les pays à garantir que les principes d’équité, de solidarité, de transparence, d’inclusion et de responsabilité soient au centre de toutes les négociations et décisions futures en matière de préparation et de réponse aux pandémies (PPR). La classe dirigeante doit cesser de considérer la PPR comme une simple question de sécurité sanitaire. Elle doit plutôt se concentrer sur la création de normes contraignantes visant à établir des stocks internationaux coordonnés et à surmonter les obstacles liés à la propriété intellectuelle. L’objectif est de permettre et de faciliter une production et des approvisionnements plus indépendants et distribués à l’échelle mondiale, en particulier dans et pour les pays en développement. Ce n’est que de cette façon qu’un accès équitable à des médicaments, des vaccins et des diagnostics de qualité et abordables pourra être assuré pour les populations du monde entier.

« Le monde a été témoin d’une inégalité flagrante pendant la pandémie de COVID-19, les pays riches ayant accumulé les rares approvisionnements en vaccins, produits thérapeutiques et autres fournitures médicales pour leur propre usage », a déclaré le Dr Christos Christou, président international de MSF. « Des réserves mondiales stratégiques et bien coordonnées restent cruciales pour garantir une allocation équitable des outils médicaux susceptibles de sauver des vies, en particulier pour les personnes vivant dans des zones à ressources limitées et en situation de crise humanitaire dans tous les pays en développement. S’appuyer sur des partenariats volontaires ne suffit pas. Il faut donc établir des règles contraignantes qui puissent garantir, en amont de futures pandémies, un approvisionnement fiable des stocks stratégiques mondiaux. Il faut également veiller à ce que les besoins immédiats puissent être satisfaits en cas d’épidémies régionales, comme l’Ebola et la diphtérie. Les dirigeants et les dirigeantes ne doivent pas oublier que le succès de la lutte contre les futures pandémies repose sur la solidarité, la transparence et la responsabilité à l’échelle mondiale, et non sur la rétention des approvisionnements exclusivement à des fins de sécurité nationale. »

Pendant la pandémie, l’accès aux vaccins et aux traitements contre la COVID-19 pour les personnes exposées à des crises humanitaires a été considéré comme un pis-aller. Des tentatives de mise en réserve de quantités spécifiques de vaccins contre la COVID-19 pour des contextes humanitaires ont finalement été faites à travers la mise en place du dispositif humanitaire COVAX. L’expérience de MSF avec cet instrument a toutefois clairement démontré qu’il n’était pas adapté à l’objectif de fournir un approvisionnement rapide dans une situation d’urgence. MSF continue de faire face à des disparités similaires, par exemple avec Ebola, où la quasi-totalité de l’approvisionnement de deux traitements récemment approuvés a été réservée par le gouvernement américain à des fins de sécurité nationale. Les communautés des pays d’Afrique de l’Ouest, qui sont parmi les plus exposées à de futures épidémies, se retrouvent ainsi dans une situation inacceptable où elles doivent compter sur des dons ponctuels et sur la bonne volonté d’autres gouvernements.

Les pays négociant l’accord PPR doivent explicitement inclure les personnes vivant dans des contextes humanitaires dans la définition des populations vulnérables énoncée dans le dernier texte de l’OIN. L’exclusion des personnes confrontées à des crises sanitaires* peut conduire à une marginalisation accrue de leurs besoins en matière de santé lors de la constitution et de la gestion des stocks mondiaux et de l’allocation. En outre, les négociations sur l’accord PPR devraient cesser de se concentrer à l’excès sur les situations d’urgence à venir, en ignorant ce qui doit être fait pour faire face aux épidémies régionales qui touchent actuellement les pays disposant de ressources limitées. Parmi ces épidémies, citons notamment la rougeole ou la diphtérie, une maladie infectieuse ré-émergente qui fait actuellement rage en Afrique de l’Ouest en raison d’une importante pénurie mondiale du traitement à l’antitoxine diphtérique (DAT).

L’accès équitable à des produits médicaux essentiels a été à maintes reprises entravé par des monopoles de propriété intellectuelle. En effet, ces derniers retardent, limitent ou interdisent totalement à d’autres fournisseurs indépendants de mettre à disposition des produits médicaux. Ils restreignent en outre la portée géographique de la production et favorisent des prix élevés. Si le dernier texte de négociation de l’OIN souligne la nécessité d’accorder des dérogations limitées dans le temps en matière de propriété intellectuelle et de recourir à des mesures de protection de la santé publique, l’approche globale repose trop encore sur des mécanismes volontaires et des « conditions convenues d’un commun accord » avec le secteur privé. Ces conditions négociées en vue de diversifier la production, le transfert de technologie et le savoir-faire se sont révélées inefficaces lors de la pandémie de COVID-19.

« En 50 ans, notre lutte pour traiter les personnes atteintes de maladies infectieuses comme le VIH/sida, la tuberculose, l’hépatite C, Ebola et, plus récemment, la COVID-19, a souvent été exacerbée par l’accès limité aux médicaments essentiels, aux vaccins et aux diagnostics. Cela s’explique entre autres par des prix élevés ou parce que les outils médicaux nécessaires n’existent tout simplement pas ou ne sont pas disponibles dans les contextes humanitaires et à faibles ressources », explique Yuanqiong Hu, conseiller juridique et politique principal pour la Campagne d’accès de MSF.

« Les dirigeants et les dirigeantes ont maintenant une occasion unique d’établir de nouvelles normes internationales d’équité pour la préparation, la prévention et la réponse aux pandémies en donnant la priorité au droit des personnes à la santé plutôt qu’aux monopoles commerciaux. Il est essentiel de s’attaquer aux obstacles à la propriété intellectuelle et d’assurer un transfert de technologie qui permettra d’accroître la production et l’approvisionnement en fournitures médicales essentielles dans les pays en développement et à partir de ces derniers. Les médicaments et les outils médicaux ne devraient pas être un luxe pour qui que ce soit, où que ce soit. »

Pour parvenir à un accès plus juste et équitable aux outils médicaux lors des futures pandémies, les gouvernements doivent exiger de manière proactive le transfert de technologies afin de faciliter des capacités de production diverses et indépendantes. Ils doivent en outre assurer l’approvisionnement en produits médicaux essentiels dans et pour les pays en développement.

Chaque gouvernement doit également utiliser toutes les options juridiques et politiques, les garanties et les flexibilités en matière de santé publique, y compris les licences obligatoires, afin de faciliter la production, l’approvisionnement, l’exportation et l’importation rapides d’outils médicaux salvateurs pour tous et pour toutes.

*Comme le reconnaît la résolution 2565 (2021) du Conseil de sécurité des Nations Unies, les pandémies peuvent exacerber l’impact humanitaire négatif des conflits armés et aggraver les inégalités.