Deux travailleurs de MSF marchent à travers l’un des camps de personnes réfugiées du Bangladesh. Myanmar, 2023. © MSF
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Myanmar : 20 ans d’assistance aux personnes vivant avec le VIH

D’ici la fin de 2023, les personnes vivant avec le VIH prises en charge par MSF à Dawei auront été transférées au Programme national de lutte contre le sida, tandis que le soutien de MSF demeurera.

Médecins Sans Frontières (MSF) fournit des soins complets contre le VIH à Dawei depuis deux décennies. L’organisation offre notamment des programmes de proximité pour prévenir l’infection au VIH chez les personnes marginalisées et à risque, telles que les travailleuses et les travailleurs migrants ou celles qui s’injectent des drogues. Au Myanmar, l’épidémie de VIH/sida a fait des ravages dans les années 2000 et les gens vivant avec le VIH ont eu beaucoup de mal à accéder au traitement. La clinique MSF de Dawei a été créée pour leur fournir un traitement gratuit et leur donner l’espoir d’une vie meilleure.

D’ici la fin de l’année 2023, les patientes et les patients bénéficiant de soins dans le cadre du projet VIH/sida de MSF à Dawei seront transférés au Programme national de lutte contre le sida (National Aids Programme ou NAP), parallèlement aux ressources de MSF allouées au soutien de ce programme.

Après avoir été mis en pause ces deux dernières années, ce transfert marque un progrès vers le Plan stratégique national de transition des soins liés au VIH, afin d’accroître sa gestion par le secteur public, en particulier en ce qui concerne la thérapie antirétrovirale. Néanmoins, il demeure de nombreux défis résultant de l’effondrement du système de santé publique en 2021, qui a retardé le transfert.

La fin de 20 ans de soins de MSF aux personnes atteintes du VIH à Dawei

Au fil des ans, le projet Dawei a soutenu les personnes vivant avec le VIH de nombreuses façons, depuis le dépistage et le traitement jusqu’au soutien entre pairs, permettant de gérer la maladie et de faire face à la stigmatisation que ressentent de nombreux patients et patientes. 

En 2020, à l’instar du reste du monde, le projet a dû composer avec le COVID-19, ce qui a entraîné d’importantes perturbations dans le traitement des gens pris en charge. Les restrictions de voyage ont durement touché les personnes séropositives de Dawei, car la plupart d’entre elles habitent dans des zones rurales et sur des îles le long du littoral.

Ma Mi Mi* se souvient que « le COVID-19 a eu lieu, les bateaux ont arrêté de circuler et je n’ai pas pu revenir [à la clinique]. Je n’ai pas pu prendre mes médicaments pendant environ trois mois ».

En janvier 2021, MSF a commencé à transférer des patientes et des patients vers le NAP pour y être soignés. Deux mois plus tard, le Myanmar a connu des bouleversements politiques lorsque l’armée a remplacé le gouvernement élu. En réponse à cette prise de pouvoir, le personnel de la santé de tout le pays s’est mis en grève. Alors que le système de santé publique était déjà en proie à d’importants problèmes de personnel, l’absence de dépenses publiques et le blocage des importations ont également aggravé la pénurie de soins de santé au Myanmar.

Le transfert a été suspendu et MSF a commencé à enregistrer de nouveaux patients et patientes dans son programme VIH de Dawei pour la première fois depuis 2019. Quelques mois plus tard, en juin, les équipes de MSF de cette ville ont reçu une lettre des autorités régionales leur demandant de suspendre toutes leurs activités. À cette époque, la clinique de Dawei administrait un traitement antirétroviral à 2 162 personnes vivant avec le VIH. Bien que MSF ait réussi à reprendre ses activités après une pause de deux semaines, la suspension a réduit le soutien apporté par d’autres organisations non gouvernementales internationales et locales aux communautés de cette zone du district.

En 2023, MSF a repris le transfert des personnes séropositives vers le NAP, qui est à nouveau en mesure de fournir un traitement antirétroviral. Cependant, MSF reste engagée et, à partir de 2024, elle travaillera dans un modèle de soutien aux côtés de ce programme. À Dawei, l’ensemble des malades sera transféré d’ici la fin de l’année 2023. Il s’agit là d’un grand pas dans la bonne direction. On espère qu’avec le fonctionnement du NAP, les gens n’auront plus à parcourir autant de kilomètres pour se rendre dans une clinique, ce qui facilitera beaucoup le respect du traitement.

Recevoir un traitement contre le VIH au Myanmar

Pour Gay Gay*, qui vit avec le VIH, l’accessibilité des cliniques a toujours été l’une des choses les plus difficiles à gérer.

« Quand j’étais jeune et que j’ai découvert cette maladie, j’ai dû faire face à de nombreux problèmes, car il n’y avait pas de cliniques ou d’hôpitaux où aller pour recevoir un traitement. J’ai dû me rendre dans un autre village pour me faire soigner. Je suis revenu à Dawei, parce que le traitement que je recevais n’était pas efficace et ne donnait pas de bons résultats. »

« À Dawei, j’ai entendu parler de la clinique de Myittaryeik de MSF, mais il n’y avait pas de clinique fixe à l’époque. Les médecins se rendaient simplement chez les malades pour leur fournir des soins médicaux. Avec le temps, je me suis rapproché des médecins, des infirmières et des infirmiers, et j’ai reçu des médicaments et des soins médicaux de qualité. Depuis, je me sens en bonne santé. »

« Avant, c’était difficile de recevoir un traitement médical, car il n’y avait que la clinique de Myittaryeik, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Il y a maintenant d’autres cliniques disponibles. Et je peux aussi me rendre dans d’autres villes en dehors de Dawei pour me faire soigner, que ce soit à Yangon ou à Mandalay. »

« J’ai pris mes premiers médicaments à l’âge de 13 ans et j’ai déménagé à Yangon pour mes études secondaires. Pendant cette période, j’ai reçu un traitement à Yangon pendant huit années consécutives. »

« Les malades avec le VIH qui suivent un traitement peuvent améliorer leur état de santé et mener une vie normale, comme tout le monde. Les choses ont changé dans la perception des personnes vivant avec le VIH. Avant, c’était difficile de recevoir un traitement médical, car il n’y avait que la clinique Myittaryeik, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. D’autres cliniques sont maintenant accessibles. Je peux également aller dans d’autres villes que Dawei pour me faire soigner, que ce soit à Yangon ou à Mandalay. »

« [Même ainsi] il y a toute une série de défis à relever pour vivre en tant que personne séropositive au Myanmar. Certains individus luttent pour gagner correctement leur vie ou pour avoir des moyens de subsistance en raison de leur situation familiale, tout en prenant en compte le transport pour se rendre dans les cliniques. »

Le transfert et la refonte du projet

Cette fois-ci, le transfert est un peu différent du transfert initial qui a été arrêté en 2021. De nombreuses lacunes du système de santé publique subsistent, notamment sur le plan du personnel. Avec des ressources limitées en eau et en ressources sanitaires, les cliniques peinent à fonctionner correctement, malgré le soutien apporté par des organisations telles que MSF.

La population de Dawei est composée d’un grand nombre de personnes migrantes qui travaillent à l’extérieur pendant de longues périodes, comme Ko Maung Myint* qui est à l’emploi d’une entreprise de pêche en haute mer à Kawthaung.

« Dans le passé, je pouvais obtenir des médicaments pour six mois à la fois, ce qui me permettait de travailler cinq mois à l’étranger et de revenir ici pour un mois. Comme je dois voyager pour travailler, le programme national de lutte contre le sida ne me convient pas, car il ne fournit que deux mois de médication. »

Faute de médicaments en quantité suffisante, les patients et les patientes devront revenir sans cesse dans les dispensaires. Dans de nombreuses régions du Myanmar comme celle de Tanintharyi, il est actuellement très difficile et même dangereux de se déplacer, et les conflits violents reprennent de plus belle. Le personnel et les établissements de santé ont toujours été pris pour cible au Myanmar. Plus de 1000 attaques contre le personnel et les infrastructures de santé ont été signalées depuis le coup d’État. [1]

Bien que le NAP s’améliore et que le soutien d’organisations comme MSF y contribue, le contexte au Myanmar a un impact important sur les gens atteints du VIH.

Les personnes sous traitement contre le VIH continueront à être affectées par le manque de médicaments tant que la chaîne d’approvisionnement ne sera pas accessible à tout le monde, y compris au système public, et que toutes les ressources médicales disponibles dans et autour de Dawei ne seront pas mobilisées.

MSF se réjouit de pouvoir poursuivre son soutien aux cliniques du NAP, afin de garantir la qualité des soins pour les personnes atteintes du VIH au Myanmar.


[1] Source : Insecurity Insight : https://reliefweb.int/report/myanmar/tragic-milestone-more-1000-attacks-health-care-myanmar-february-2021-military-coup

*Les noms ont été changés pour protéger la vie privée.