Bangladesh : briser la chaîne de transmission de l’hépatite C dans les camps pour personnes réfugiées rohingyas
Du personnel de MSF et des personnes rohingyas confrontés à l’hépatite C témoignent de cette menace silencieuse.
L’hépatite C demeure une épidémie silencieuse et dévastatrice chez les personnes rohingyas réfugiées à Cox’s Bazar, au Bangladesh.
Depuis 2020, Médecins Sans Frontières (MSF) est en première ligne de la lutte contre cette maladie. Au cours des cinq dernières années, nos équipes de la clinique Jamtoli et de « l’hôpital sur la colline » ont offert des soins à plus de 10 450 personnes atteintes d’une infection chronique active.
Lisez les témoignages de membres de notre personnel et de gens confrontés à ce virus potentiellement mortel.
Fatema Ferdousee, responsable de l’équipe médicale du projet dédié à l’hépatite C à Balukhali
Je m’appelle Fatema Ferdousee. Je suis responsable de l’équipe médicale du projet dédié à l’hépatite C à Balukhali. L’hépatite virale, en particulier de type B et C, est une crise sanitaire mondiale. Elle cause la mort de plus de 1,3 million de personnes chaque année.
Ici, dans les camps pour personnes réfugiées rohingyas à Cox’s Bazar, la situation est encore plus grave. La surpopulation et l’accès limité aux soins de santé ont créé un terrain propice à la propagation de la maladie. Une étude récente de MSF révèle une réalité préoccupante : près de 20 % des personnes réfugiées rohingyas testées dans ces camps sont atteintes d’hépatite C active.
Nous, les membres de l’équipe de MSF à Balukhali, menons des campagnes de dépistage et effectuons des tests dans trois camps : le camp 9, le camp 8E et le camp 10. Notre objectif est d’atteindre 57 000 personnes, de toutes les dépister et de leur offrir des soins essentiels pour traiter l’hépatite C.

Je qualifie l’hépatite C de « tueur silencieux », car dans de nombreux cas, elle ne présente aucun signe ou symptôme apparent. Les personnes infectées peuvent l’être pendant des années, voire des décennies, sans le savoir.
Parfois, des symptômes très légers, semblables à ceux de la grippe peuvent apparaître, tels qu’une légère fièvre, des nausées ou des vomissements. Mais souvent, il n’y a aucun symptôme. Au fil du temps, en raison de sa nature insidieuse, le virus endommage progressivement le foie. Il entraîne des affections graves telles que la cirrhose ou encore le cancer du foie. Comme les symptômes n’apparaissent pas à un stade précoce de la maladie, beaucoup de gens ne se font dépister ou traiter que lorsqu’il est trop tard.

Rofika, une femme rohingya réfugiée dans le camp de Cox’s Bazar
Cela fait trois longues années que je vis avec l’hépatite C. Je l’ai découvert lorsque je me suis rendu à l’hôpital de Balukhali Paanbazar pour des problèmes de santé. À l’époque, même si le traitement contre l’hépatite C était disponible à certains endroits, je ne pouvais pas faire grand-chose. J’étais malade et j’ai dû vivre avec ces malaises pendant trois ans.
Le traitement contre l’hépatite C coûte très cher et nous n’avons tout simplement pas les moyens de le payer. Je n’ai donc pas pu me faire soigner et j’ai été obligée d’attendre.
Puis, récemment, tout a changé. Les équipes de MSF sont venues à nos domiciles et nous ont fait passer des tests de dépistage de l’hépatite C. Mon résultat s’est révélé positif et on m’a alors demandé de me rendre à la clinique de MSF à Balukhali.
J’ai enfin obtenu le traitement dont j’avais désespérément besoin. Quand j’ai reçu les médicaments, j’ai ressenti un immense soulagement à l’idée de pouvoir guérir de cette maladie. C’est vraiment un nouveau départ pour moi.

Nazmul Haque, assistant médical au centre de soins de santé primaires de Jamtoli
L’un des plus grands défis ici, dans la communauté, est la pratique courante consistant à consulter des prestataires de soins de santé informels afin de recevoir des injections et des perfusions salines. Lorsque les gens se sentent faibles ou ne peuvent pas manger, ils pensent souvent que des injections de solution saline ou de glucose les aideront à se sentir mieux.
Nous déconseillons fortement cette pratique. Ces prestataires n’ont généralement pas reçu de formation. Ils réutilisent souvent la même aiguille sur plusieurs personnes, parfois jusqu’à quatre ou cinq. C’est un facteur majeur de propagation des maladies transmissibles par le sang telles que l’hépatite C, le VIH et l’hépatite B. En conseillant aux gens d’éviter ces pratiques dangereuses, nous essayons d’éliminer une source majeure d’infection ou de transmission.
Les membres de notre équipe de sensibilisation et de promotion de la santé effectuent une campagne de dépistage de porte à porte. Ils fournissent des informations complètes sur les tests et les résultats possibles. Ils procèdent ensuite au test rapide de l’hépatite C.
Si un test de dépistage est positif , notre personnel infirmier prélève ensuite des échantillons pour effectuer un test de réaction en chaîne par polymérase (PCR). Ces échantillons sont soigneusement conservés dans des glacières et transportés à notre hôpital pour un test de confirmation.
Les personnes [dont le test rapide s’est avéré positif] sont priées de revenir récupérer leurs résultats le lendemain. Celles dont le test PCR est négatif reçoivent des informations complètes sur leurs résultats et les méthodes de prévention. Les gens dont le test PCR est positif sont orientés vers un médecin pour recevoir un traitement.

La sensibilisation à l’infection par l’hépatite C s’est considérablement améliorée depuis le lancement de cette campagne de dépistage et de traitement. Avant cette campagne, nous avions des critères stricts pour le traitement de l’hépatite C. Nous disposions de réserves limitées de médicaments oraux.
Les personnes séropositives, mais asymptomatiques qui ne présentent pas de dysfonctionnement hépatique ne pouvaient pas recevoir de traitement. On leur demandait d’attendre la prochaine évaluation, ce qui était extrêmement décourageant pour elles. Leur situation financière les empêchait également de se faire soigner en dehors du camp et leurs déplacements étaient de toute façon restreints. Elles étaient donc condamnées à vivre avec la maladie.
Au début, beaucoup de patientes et de patients racontaient que leurs parents et d’autres membres de leur famille avaient été infectés par l’hépatite C, mais n’avaient jamais été traités. Aujourd’hui, ces gens reçoivent un traitement. Alors qu’auparavant la connaissance des facteurs de risque et de propagation de l’hépatite C était faible, nos séances de sensibilisation permettent désormais aux gens de comprendre parfaitement cette maladie.

Nur, une femme rohingya réfugiée
Je m’appelle Nur. Je suis venue à la clinique parce que j’ai fait une prise de sang et on m’a demandé de revenir à 10 heures pour récupérer le deuxième résultat.
Oui, j’ai reçu les résultats de mon test de dépistage de l’hépatite C et il est positif. La bonne nouvelle, c’est que je vais recevoir un traitement! On m’a dit de me procurer une carte de santé afin de recevoir les soins, ce qui est un soulagement.
Quand j’ai appris que j’avais l’hépatite C, j’ai été prise de panique. Je ne savais rien de cette maladie et je n’avais jamais pris de médicaments de ma vie. Je suis mère de quatre enfants et je me suis toujours estimée en bonne santé.
Je n’avais aucun symptôme, aucune douleur, aucune courbature. C’est pourquoi ça a été un véritable choc quand on m’a annoncé le résultat de la prise de sang. Je ne savais pas que j’étais atteinte de cette maladie, car elle ne présentait aucun signe.