Tchad : la crise de l’eau s’aggrave alors que les températures grimpent et que le financement diminue
Face à l’augmentation des besoins et à l’insuffisance de l’assistance internationale, MSF répond aux besoins en approvisionnement en eau et en assainissement dans l’est du Tchad.
Face à l’augmentation des besoins et à l’insuffisance de l’assistance internationale, Médecins Sans Frontières (MSF) s’engage à fournir des services d’approvisionnement en eau et en assainissement essentiels dans l’est du Tchad. Ces services répondront aux besoins de centaines de milliers de personnes réfugiées soudanaises et aux communautés locales.
Avec des températures particulièrement élevées ces derniers mois, trouver de l’eau potable est devenu un défi quotidien pour la majorité des 860 000 personnes réfugiées soudanaises et les communautés qui les accueillent. À l’approche de la saison des pluies, la situation pourrait s’aggraver davantage. En effet, les risques d’inondation, et par conséquent de contamination de l’eau, sont très élevés, ce qui risque d’augmenter la pression sur les services de santé.
MSF travaille en étroite collaboration avec les autorités tchadiennes, qui organisent la réponse aux besoins des personnes réfugiées et qui sont durement touchées par les réductions du financement international.
« J’ai ajouté mes trois bidons à la file d’attente il y a neuf jours. Et regardez : ils n’ont toujours pas atteint la fontaine. Je dois les surveiller en permanence. Si je ne les avance pas, ils sont mis de côté. Trois bidons d’eau ne suffisent pas pour ma famille de neuf personnes. »
– Leila, une personne réfugiée dans le camp de Metché
Plus de deux ans de guerre ont provoqué des vagues de déplacements
Après plus de deux ans de guerre entre les Forces armées soudanaises et les Forces de soutien rapide, des dizaines de milliers de personnes soudanaises continuent de franchir la frontière du Tchad. Selon le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), plus de 85 000 personnes sont nouvellement arrivées dans les régions du Wadi Fira et de l’Ennedi Est depuis le 23 avril 2025. Chaque nouvelle vague de déplacements accentue la pression sur les systèmes d’approvisionnement en eau et en assainissement déjà fragiles dans les camps et leurs environs.
Dans de telles conditions, assurer l’approvisionnement en eau et l’assainissement à grande échelle est à la fois coûteux et complexe. Peu d’organisations humanitaires disposent des ressources nécessaires, et les récentes coupes dans le financement de l’assistance réduisent encore leur capacité d’intervention. En conséquence, MSF, déjà largement mobilisée au-delà du cadre de son mandat médical, est contrainte de prendre en charge une part toujours plus importante de cette réponse.

Pas assez d’eau potable, pas assez de latrines
Dans les camps pour personnes réfugiées des régions du Ouaddaï, du Wadi Fira et de l’Ennedi Est, la majorité des gens reçoivent toujours beaucoup moins que les 20 litres d’eau potable recommandés par jour. La crise de l’eau touche particulièrement les femmes et les enfants. Chaque jour, en raison des longues files d’attente et de l’approvisionnement limité, beaucoup passent des heures sous le soleil pour obtenir de l’eau.
« J’ai ajouté mes trois bidons à la file d’attente il y a neuf jours. Et regardez : ils n’ont toujours pas atteint la fontaine », explique Leïla, une femme réfugiée dans le camp de Metché. « Je dois les surveiller en permanence. Si je ne les avance pas, ils sont mis de côté. Trois bidons d’eau ne suffisent pas pour ma famille de neuf personnes. J’en achète en plus avec mes bons alimentaires », ajoute-t-elle.
Les latrines manquent également, et la plupart des camps n’atteignent pas la norme minimale d’une latrine pour 50 personnes. Les mauvaises conditions d’hygiène et l’eau insalubre augmentent les risques de propagation des affections cutanées, de l’hépatite E, de la typhoïde et de la polio. Elles peuvent également entraîner des maladies diarrhéiques, comme le choléra, qui empêchent l’organisme d’absorber les nutriments essentiels, et ainsi aggraver ou provoquer la malnutrition. Au cours des deux dernières années, MSF a soigné 43 908 personnes atteintes de malnutrition aiguë et est intervenue lors d’épidémies d’hépatite E et de typhoïde à Adré, Aboutengué et Metché.
« Quand les pluies arriveront, les gens commenceront à boire directement dans les rivières contaminées qui servent aussi de latrines », explique Yasmina, une responsable communautaire de la zone 3 du camp de Metché. « Le risque de propagation des maladies va augmenter. »

Face à des besoins croissants, MSF joue un rôle majeur dans l’approvisionnement en eau et l’assainissement
Depuis le début de la crise, MSF est un important fournisseur d’eau potable dans trois camps pour personnes réfugiées de la région du Ouaddaï, à Adré, Aboutengué et Metché.
À Aboutengué et Metché, MSF a d’abord installé des systèmes d’approvisionnement en eau d’urgence, qui ont ensuite été transférés à des organisations partenaires. Depuis, l’approvisionnement en eau à Aboutengué est passé de 12 à 9 litres par personne et par jour, en moyenne. Cette baisse est en partie due à des contraintes géologiques. Dans certaines zones, les forages ne sont pas assez profonds pour produire suffisamment d’eau pour répondre à la demande croissante.
Les besoins en eau des 46 000 personnes réfugiées soudanaises du camp d’Aboutengué ne sont toujours pas comblés, et 5 000 personnes supplémentaires doivent y être relogées prochainement. MSF travaille avec ses partenaires à l’installation d’un nouveau réseau d’approvisionnement en eau fonctionnant à l’énergie solaire.
Dans le camp de transit d’Adré, les systèmes d’approvisionnement en eau construits par MSF ont produit 654 000 litres d’eau par jour rien qu’en mai. Depuis mars, un des dix forages fonctionne grâce à une pompe solaire. MSF investit dans des forages solaires dans le but de les rendre autonomes et durables pour la communauté.
« Nous intervenons parce que l’accès à l’eau potable et l’assainissement sont essentiels, surtout à l’approche de la saison des pluies. Mais chaque centime dépensé ici est un centime de moins pour les soins médicaux. »
– Toussaint Kouadio, coordonnateur de la gestion de l’eau et de l’assainissement de MSF
« Cette infrastructure hydraulique, qui sera bientôt transférée à une autre organisation, permet une gestion durable des ressources. En reliant les personnes réfugiées et les communautés d’accueil au même réseau de distribution d’eau, elle renforce la résilience locale », explique Toussaint Kouadio, coordonnateur de la gestion de l’eau et de l’assainissement de MSF.
Avant la saison des pluies, la période où le risque de maladies hydriques est à son plus haut, MSF a réhabilité 229 latrines à Adré et en a construit 80 nouvelles à usage durable. En collaboration avec d’autres organisations, 539 latrines ont également été vidangées.
Pour traiter les eaux usées, MSF met en place une station de traitement des boues fécales, semblable à celle construite à Aboutengué. Cette infrastructure vise à assurer des services d’assainissement durables dans toute la ville, avec des retombées économiques locales possibles.
Pour lutter contre les maladies et améliorer l’hygiène, MSF a distribué du savon et des bidons dans le camp d’Aboutengué. Au total, plus de 26 000 bidons ont été distribués au cours de la première semaine de juillet, ainsi que 400 grammes de savon par personne et par mois.
À Metché, où 41 000 personnes réfugiées n’ont toujours pas accès à de l’eau en quantité suffisante, aucune autre organisation n’a pris le relais pour améliorer les infrastructures. MSF prépare donc un nouveau réseau d’approvisionnement en eau pour soutenir les personnes réfugiées et la communauté locale.
Des milliers de personnes réfugiées soudanaises arrivent dans la région aride du Wadi Fira, au nord, où l’eau potable est extrêmement rare. Pour répondre aux besoins grandissants, MSF a construit 50 latrines d’urgence. Elle a également distribué 60 000 litres d’eau par jour dans le camp de transit de Tiné, en plus d’offrir des soins de santé de base. Les relocalisations des personnes réfugiées vers des camps déjà sous-équipés en infrastructures d’eau et assainissement exercent une pression croissante sur les ressources déjà limitées.


Des besoins croissants dans un contexte d’urgence climatique, de déplacements massifs et de réductions du financement de l’assistance
Le Tchad est exposé à des cycles récurrents de sécheresse et d’inondations, exacerbés par la crise climatique. Les prévisions de fortes précipitations cette année suscitent des inquiétudes, et le gouvernement et ses partenaires envisagent actuellement un plan d’urgence national.
En parallèle, la situation des personnes réfugiées au Tchad s’inscrit dans un contexte de réduction mondiale des financements. Début 2025, les États-Unis ont supprimé presque tout leur financement à l’assistance internationale, suivis par plusieurs pays européens. Des agences des Nations Unies telles que le HCR et UNICEF, qui jouent un rôle clé dans le domaine de l’eau et de l’assainissement, font face à des déficits budgétaires.
Pour les organisations capables de fournir des services d’approvisionnement en eau à grande échelle, les réductions budgétaires limitent leur capacité d’action. C’est pourquoi MSF assure une part toujours plus importante de ces services.
« Nous intervenons parce que l’accès à l’eau potable et l’assainissement sont essentiels, surtout à l’approche de la saison des pluies », conclut Toussaint Kouadio. « Mais chaque centime dépensé ici est un centime de moins pour les soins médicaux. MSF ne peut pas y arriver seule. D’autres organisations doivent se mobiliser avec des moyens adéquats pour répondre à ces besoins toujours plus grands. »