Un enfant reçoit un vaccin contre la rougeole, alors que l’épidémie en cours fait des ravages parmi les jeunes enfants. République démocratique du Congo. 2023. © Michel Lunanga/MSF
PARTAGEZ

République démocratique du Congo : dans un contexte d’affrontements incessants, les équipes de MSF ont répondu à l’épidémie de rougeole à Masisi

Les membres du personnel de la santé ont vacciné plus de 100 000 enfants malgré le conflit en cours.

Début juin, les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) et du ministère de la Santé ont mené une vaste campagne de vaccination pour lutter contre l’épidémie de rougeole dans la zone de santé de Masisi. Malgré un contexte difficile marqué par l’insécurité et des difficultés logistiques dues aux affrontements, plus de 100 000 enfants ont été vaccinés. 

Les épidémies de rougeole constituent un défi persistant en République démocratique du Congo (RDC). Cette situation est principalement due à la trop faible couverture vaccinale dans le pays. Mais le conflit armé dans plusieurs régions aggrave la propagation de cette maladie très contagieuse et potentiellement mortelle, qui touche principalement les jeunes enfants. 

C’est le cas dans la province du Nord-Kivu, qui compte à elle seule plus d’un cinquième des 27 000 cas recensés dans tout le pays au cours des cinq premiers mois de l’année. La zone de santé de Masisi est l’une des nombreuses zones actuellement touchées par l’épidémie. De janvier à la fin mai, plus de 1 000 cas suspects et quatre décès ont été signalés, des chiffres probablement sous-estimés. 

« Cette campagne de vaccination arrive à un moment critique, car de nombreux enfants de notre communauté ont récemment contracté la rougeole. Dans ma famille, une seule personne avait été vaccinée auparavant. » 

– Anuarite Nyirabimana, qui a amené ses enfants dans un centre de vaccination près du village de Kanyati

Au cours de cette période, dans la même zone de santé, le personnel de trois structures soutenues par MSF a traité 1 158 personnes atteintes de rougeole. De celles-ci, 238 ont été hospitalisées à l’hôpital général de référence de Masisi. 

Des milliers de parents ont amené leurs enfants se faire vacciner contre la rougeole lors d’une campagne menée dans la région par le ministère de la Santé avec le soutien de MSF.  

« Cette campagne de vaccination arrive à un moment critique, car de nombreux enfants de notre communauté ont récemment contracté la rougeole », nous explique Anuarite Nyirabimana, qui a amené ses enfants dans un centre de vaccination près du village de Kanyati. « Dans ma famille, une seule personne avait été vaccinée auparavant. ». 

« Nous voyons des cas graves de malnutrition », explique Sadiki Nzazimanye Aimable, infirmier de MSF qui a participé à cette campagne. « Presque tout le monde ici vit de la terre, mais beaucoup de gens ont dû fuir leurs maisons et leurs champs à cause des combats. Le prix des haricots a triplé ces derniers mois et certaines personnes ne peuvent plus se nourrir. » 

« L’insécurité dans l’est de la RDC accroît le risque d’épidémies telles que la rougeole, mais rend également la réponse plus difficile. Pourtant, il est essentiel d’agir pour maîtriser cette épidémie. »

Helena Cardellach, coordonnatrice de MSF à Masisi

Lors de cette campagne qui s’est déroulée du 5 au 10 juin, plus de 100 000 enfants âgés de moins de cinq ans ont été vaccinés. Elle a également permis le traitement de nombreux enfants atteints de rougeole et de malnutrition, une condition qui augmente le risque de complications graves de cette maladie. 

L’insécurité favorise les épidémies

Située à une demi-journée de route de Goma, la capitale du Nord-Kivu, la zone de santé de Masisi se trouve dans l’une des régions les plus instables de la RDC. Ces derniers mois, elle a été le théâtre d’intenses combats entre le groupe rebelle M23/AFC et les forces armées congolaises appuyées par les milices VDP/Wazalendo.  

Les violences armées dans la zone ont directement affecté MSF. Depuis le début de l’année, l’hôpital général de référence de Masisi, soutenu par MSF, a été touché par des balles à plusieurs reprises, et deux membres du personnel de MSF ont été tués.    

« L’insécurité dans l’est de la RDC accroît le risque d’épidémies telles que la rougeole, mais rend également la réponse plus difficile. Pourtant, il est essentiel d’agir pour maîtriser cette épidémie », explique Helena Cardellach, coordonnatrice de MSF à Masisi. 

« Lorsque le M23/AFC a pris le contrôle de Goma en janvier, l’aéroport a été fermé », poursuit-elle. « Par conséquent, la principale voie d’acheminement des vaccins vers l’est du pays a été fermée, et les stocks de vaccins, généralement acheminés par avion depuis Kinshasa, se sont épuisés. » 

Alors que la fermeture de l’aéroport aggrave le problème de la vaccination dans la province, les déplacements de personnes dus au conflit ont permis à la rougeole de se propager rapidement d’une communauté à l’autre. Dans la zone de santé de Masisi, les premiers cas signalés provenaient de Mweso, à plus de quatre heures de route.  

« Nous avons été confrontés à plusieurs défis logistiques. De nombreux centres de santé de la région n’ont pas de réfrigérateurs ou de glacières pour stocker les vaccins. Nous avons donc dû leur en fournir. Un centre de santé s’est même fait voler ses panneaux solaires, ce qui signifie qu’il ne peut plus alimenter ses réfrigérateurs. » 

Sadiki Nzazimanye Aimable, infirmier de MSF qui a participé à cette campagne

« Nos équipes sont parfois arrivées dans des villages où la plupart des personnes avaient fui en raison des combats », explique Helena Cardellach. « Dans le même temps, d’autres zones où nous nous attendions à trouver peu de gens étaient densément peuplées en raison de l’arrivée récente de personnes déplacées. » 

« Les affrontements incessants ont également compliqué l’accès à certaines zones. Il faut absolument que toutes les parties au conflit facilitent l’accès sécurisé des équipes médicales, des vaccins et d’autres fournitures essentielles », affirme Helena Cardellach.  

Au cours de la campagne de vaccination, MSF a également apporté son soutien au ministère de la Santé. Elle a mis en place des systèmes de chaîne du froid pour conserver les vaccins à la température requise, formé des équipes de vaccination et mené des activités de sensibilisation auprès des communautés.    

« Nous avons été confrontés à plusieurs défis logistiques », explique Sadiki Nzazimanye Aimable. « De nombreux centres de santé de la région n’ont pas de réfrigérateurs ou de glacières pour stocker les vaccins. Nous avons donc dû leur en fournir. Un centre de santé s’est même fait voler ses panneaux solaires, ce qui signifie qu’il ne peut plus alimenter ses réfrigérateurs. » 

À Katale, Maman Dorcas a amené son enfant au centre de vaccination après avoir été informée de la campagne par les équipes de la sensibilisation communautaire de MSF. « Il y a deux semaines, l’enfant de ma voisine est tombé malade. C’était la rougeole. Cela m’a incitée à amener mes enfants ici. Et j’ai encouragé d’autres parents à venir afin que leurs enfants soient protégés », explique-t-elle.  

Chaque enfant vacciné est un pas de plus vers l’immunité collective, mais il reste encore beaucoup à faire. Car pour éviter les épidémies de rougeole, l’un des virus les plus contagieux au monde, il est essentiel que 95 % des enfants aient reçu deux doses de vaccin.  

La lutte contre la rougeole reste une priorité pour MSF en RDC. En 2024, nos équipes ont vacciné plus de 1,2 million d’enfants contre la maladie dans le pays. Elles ont également apporté des soins à près de 30 000 personnes.