Dr. Justin Embani Drudra, treats Nyakuru Atsidri, nine years old, who suffers from measles in the measles unit run by MSF at Biringi Hospital, Ituri Province, northeastern Democratic Republic of Congo, on 07 November 2019. PHOTO: ALEXIS HUGUET/MSF © Alexis Huguet
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« Les gens mouraient » : Les conséquences meurtrières de la rougeole dans les endroits à faible couverture vaccinale

En ce moment même, Médecins Sans Frontières (MSF) est l’une des rares organisations sur le terrain à répondre à la plus grande épidémie active de rougeole dans le monde, qui a déjà coûté la vie à plus de 6000 personnes en République démocratique du Congo (RDC), et qui continue de faire des ravages dans différentes régions du pays.

Près de 75 pour cent des personnes décédées à ce jour dans cette épidémie sont des enfants. La rougeole est une maladie hautement contagieuse qui reste une cause importante de décès chez les enfants de moins de cinq ans dans le monde, même si un vaccin sûr et très efficace existe depuis longtemps.

Au Canada, des décennies de vaccinations de routine ont contribué à un niveau élevé d’immunisation du public, rendant les cas de rougeole relativement rares et réduisant son potentiel de transmission. Mais dans certaines parties du monde où l’accès aux médicaments essentiels est limité — depuis la RDC jusqu’aux camps de réfugiés rohingyas au Bangladesh —, la rougeole reste un danger mortel. Comme il n’y a pas de traitement spécifique pour la rougeole, les efforts de vaccination sont d’une importance capitale pour sauver des vies.

 

« C’était complètement différent de ce que nous voyons au Canada »

« La couverture vaccinale doit se situer entre 90 % et 95 % pour protéger adéquatement la population; en deçà de ce nombre, le défi est énorme », explique Samia Badar, une épidémiologiste d’Ottawa qui est récemment revenue d’une mission avec MSF dans le cadre d’une intervention contre une autre épidémie de rougeole, celle-ci dans le pays centrafricain du Tchad.

 

Au Canada, Samia Badar a travaillé pour l’Agence de la santé publique du Canada, afin d’aider le pays à se préparer à d’éventuelles urgences de santé publique. Au Tchad, elle a été le témoin direct d’une telle urgence.

« MSF a effectué des évaluations initiales dans des endroits où des cas avaient été signalés, pour voir les chiffres », se souvient-elle. « Il existe des seuils spécifiques qui indiquent quand il y a une alerte; ce sont des déclencheurs pour lancer une intervention d’urgence. Et bien, le nombre de cas que nous avons vus dépassait largement ce seuil. »

« J’ai été très surprise », raconte Samia. « C’était complètement différent de ce que nous voyons au Canada. Ici, la rougeole n’est pas éradiquée, mais notre couverture vaccinale est élevée. Or dans de nombreux pays, le système de santé ne dispose pas des ressources nécessaires pour affronter une telle situation. »

Samia et ses collègues MSF ont contribué à maîtriser l’épidémie au Tchad, en assurant la prise en charge des cas et en lançant des campagnes de vaccination. Toutefois, dans les pays à faible revenu, comme le Tchad et la RDC, qui ont du mal à vacciner leur population – en particulier dans les zones reculées et difficiles d’accès –, la rougeole demeure une grande menace.

 

Achta Brahim, quatre ans, reçoit son tout premier vaccin dans le cadre de l’intervention de MSF contre une épidémie de rougeole au Tchad.Juan Haro

« Le système de santé ne disposait pas des ressources nécessaires »

 

« La rougeole est très contagieuse; elle peut toucher un grand nombre de personnes et se propager très facilement », explique Samia. « Nous devons intervenir lorsque l’épidémie atteint son pic, car si nous ne le faisons pas, la maladie se propagera, en particulier chez les enfants ou les personnes dont le système immunitaire est affaibli. Quand la malnutrition est également présente, la vulnérabilité augmente. »

Samia s’est dite grandement préoccupée en voyant la vitesse à laquelle la rougeole pouvait se propager dans une région à faible couverture vaccinale et aux ressources limitées. « J’étais très inquiète », a-t-elle dit en première réaction à ce qu’elle a vu au Tchad. « Les gens tombaient très malades et beaucoup mouraient. Le système de santé ne disposait pas des ressources nécessaires pour affronter une telle situation. »

Selon Samia, c’est ce qui rend la présence de MSF si critique lorsque des épidémies surviennent dans des endroits comme le Tchad. « J’étais heureuse que nous puissions être là. MSF a la capacité et l’équipement pour répondre à de telles situations d’urgence. »

Des patients à l’unité de traitement de la rougeole dirigée par MSF à l’hôpital de Biringi, dans la province d’Ituri, au nord-est de la République démocratique du Congo.Alexis Huguet

Une plus grande intervention est nécessaire pour sauver des vies

 

En RDC, MSF a été active dans les soins aux patients, les campagnes de vaccination et les activités de surveillance pour identifier de nouvelles zones touchées par l’épidémie et ainsi commencer l’intervention le plus tôt possible. Nous avons également mis en place des installations de traitement dédiées et un laboratoire à Lumbubashi, dans le sud-est du pays, pour que les analyses puissent être réalisées plus rapidement et efficacement.

Comme le Tchad, la RDC est un grand pays qui compte de nombreuses régions difficiles d’accès et où la couverture vaccinale reste dangereusement faible. Il est aussi affligé par un conflit actif, la pauvreté et d’autres crises humanitaires, notamment la plus grande épidémie d’Ebola du pays, qui est toujours en cours. Les efforts pour endiguer l’épidémie de rougeole nécessiteront plus que la seule présence de MSF.

« Si nous voulons contenir l’épidémie, il est impératif de renforcer la riposte et de le faire sans tarder », a récemment déclaré Karel Janssens, chef de mission de MSF en RDC.

« Alors qu’une réponse rapide et adaptée est essentielle pour limiter l’impact de la rougeole dans les communautés, sur le terrain, nous constatons l’absence d’acteurs et le manque flagrant d’une assistance grandement nécessaire. »

 

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