Vue du site de Bugeri pour personnes déplacées dans la zone de santé de Minova, province du Sud-Kivu, dans l'est de la RDC. A 8 km de la ville de Minova, le site de Bugeri accueille des personnes déplacées fuyant les conflits armés. Situé sur une ancienne plantation mise à disposition par la population locale, le site accueille plus de 11 000 personnes. RDC, 2024. © Hugh Cunningham
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« Nous sommes profondément déçus » : Déclaration de MSF sur la réponse du Canada à notre pétition visant à intensifier l’assistance humanitaire dans l’est de la RDC

Le gouvernement du Canada a récemment publié une réponse officielle à une pétition appuyée par l’organisation médicale internationale Médecins Sans Frontières (MSF) demandant au Canada d’accroître son soutien humanitaire à la République démocratique du Congo (RDC), où des millions de personnes ont désespérément besoin d’assistance en raison d’un violent conflit armé et de l’incapacité du système humanitaire international à y répondre adéquatement.  

MSF est profondément déçue de la réponse du Canada, qui n’augmentera pas son soutien à des millions de femmes, de filles et de personnes déplacées qui sont actuellement exposées à des niveaux de souffrance inimaginables dans l’est de la RDC. Dans sa réponse à la pétition, le Canada n’annonce aucun nouveau financement ni fonds supplémentaires pour contrer cette crise. Compte tenu de l’impact démesuré de cette urgence sur les femmes et les filles – notamment des niveaux choquants de violence sexuelle et sexospécifique (VSS) – il est d’autant plus décevant qu’une telle réponse vienne d’un gouvernement doté d’une Politique d’aide internationale féministe et d’un engagement affirmé à répondre aux besoins des plus vulnérables dans les conflits. 

Depuis plus d’un an, MSF sonne l’alarme au sujet de la grave crise humanitaire qui secoue les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’Ituri, dans l’est de la RDC, où les combats entre les groupes armés étatiques et non étatiques ont chassé des millions de personnes de chez elles. Ces personnes ont urgemment besoin de protection, d’abris, de nourriture, d’eau et d’autres formes d’assistance.   

En tant qu’organisation qui dépend presque entièrement d’un financement indépendant*, MSF a été en mesure d’intensifier ses propres activités médico-humanitaires déjà en cours dans la région et, depuis 2022, nous avons considérablement accru notre assistance aux personnes touchées par cette crise, notamment en augmentant notre capacité à fournir des soins complets aux victimes de violences sexuelles.  

Mais nous ne pouvons pas faire tout le travail seuls. Sans financement supplémentaire de l’aide humanitaire pour d’autres organisations, les personnes déplacées par la violence dans l’est de la RDC continueront à faire face à des situations atroces qui mettent leur vie en danger. 

C’est pourquoi MSF appelle le gouvernement du Canada depuis l’année dernière à octroyer des fonds d’urgence et des fonds supplémentaires pour soutenir l’intervention humanitaire dans l’est de la RDC, afin que d’autres organisations puissent également intensifier leurs interventions. Comme cela ne s’est pas concrétisé, nous avons soutenu le lancement d’une pétition parlementaire en janvier 2024 qui appelait le Canada à : 1) s’engager à accroître son budget d’assistance humanitaire pour la RDC en 2024 par rapport au montant dépensé en 2023, afin que des fonds supplémentaires puissent être affectés à cette crise sans tourner le dos aux autres besoins aigus en RDC, et 2) utiliser tous les outils diplomatiques et politiques à sa disposition pour aider à soulager les souffrances des personnes touchées par cette crise. 

Le Canada a maintenant publié sa réponse à ces appels. Bien qu’il souligne l’ampleur son soutien antérieur à la RDC, y compris de nombreux engagements en matière de développement, il ne répond pas à l’appel spécifique de la pétition qui était d’accroître l’assistance humanitaire nécessaire immédiatement pour sauver des vies. C’est un point important, car l’assistance humanitaire est fondamentalement différente de l’aide au développement, en ce sens qu’elle vise à répondre aux besoins immédiats de survie – nourriture, eau, abri, sécurité, soins médicaux – des personnes vivant dans des situations de crise aiguë, comme celle qui met actuellement des vies en danger dans l’est de la RDC.  

Certes, la réponse du gouvernement fait référence à l’engagement accru du Canada envers l’assistance humanitaire mondiale dans son ensemble, qui a été annoncé en avril dans le cadre du budget fédéral de 2024 (une annonce que MSF a publiquement saluée), mais rien n’indique que cet engagement se traduira par un soutien supplémentaire spécifique à la RDC. Du financement pour la RDC annoncé par le ministre du Développement international Ahmed Hussen en avril, qui est mentionné dans la réponse du gouvernement, seule une petite partie est destinée à répondre aux besoins d’assistance humanitaire, et cette partie semble être inférieure au total des dépenses d’assistance humanitaire internationale du Canada en RDC en 2023. 

Au-delà du financement, la réponse du Canada met également en évidence certains des autres outils diplomatiques et politiques que le Canada a utilisés pour aider à faire face à la situation d’urgence dans le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et l’Ituri, ainsi que dans l’ensemble de la RDC. En tant qu’intervenant humanitaire de première ligne, MSF est témoin des conséquences effroyables de cette crise sur la population de l’est de la RDC et apprécie les efforts déployés par le Canada pour atténuer certaines des immenses souffrances humaines qui continuent d’affecter tant de personnes. Cependant, nous encourageons le Canada à se concentrer moins sur ses engagements passés et à jouer un rôle actif dans la recherche de nouvelles solutions pour mieux répondre aux urgents besoins humanitaires de cette population.  

*  MSF reçoit du financement du gouvernement du Canada pour certaines de ses activités en RDC, mais pas dans le Nord-Kivu ou le Sud-Kivu, où nous n’accepterons aucun financement institutionnel afin de maintenir notre neutralité et notre impartialité.