Syrie, 2020. © MSF
PARTAGEZ

Pas de soins de santé pour un enfant

Le Dr Reza Eshaghian raconte son expérience en tant que chef d'équipe médicale à Al Hol

Dr Reza Eshaghian
MSF

Ameena est une fillette de neuf ans qui a perdu ses deux parents. Elle vit dans l’Annexe à l’intérieur du camp d’Al Hol, en Syrie, et c’est un autre résident du camp qui prend soin d’elle.

J’ai rencontré Ameena pour la première fois à la clinique de Médecins Sans Frontières (MSF) en novembre. Elle avait contracté une maladie rénale en août et avait été orientée vers un hôpital à Hassakeh.

En raison d’un système d’orientation inadéquat où les restrictions imposées par les autorités locales entravent la circulation de l’information, les enfants sont envoyés à l’hôpital seuls, sans adultes pour les accompagner, ce qui entraîne d’importantes lacunes dans notre compréhension de leur état. Nous ne savions pas quels examens elle avait subis ni quels traitements elle avait reçus. Nous ne savions pas de quel type de maladie rénale elle souffrait. La seule chose que nous savions, c’était qu’elle recevait des traitements de dialyse à l’hôpital. La dialyse est un traitement vital spécialisé qui doit se poursuivre plusieurs fois par semaine afin de maintenir en vie une personne dont les reins ne fonctionnent plus.

Chaque fois qu’elle venait à notre clinique, elle était portée dans un grand drap par deux femmes. Quand Ameena arrivait à la clinique, elle était généralement en retard pour la dialyse. Les orientations vers d’autres établissements étaient souvent refusées, et nous devions resoumettre une demande jour après jour jusqu’à ce qu’elle soit acceptée. Les autorités locales ne permettaient pas à un adulte de l’accompagner, et elle ne parlait pas arabe.

La dialyse nécessite de rester relié à une machine pendant des heures, avec une grande intraveineuse dans le cou. Imaginez-vous subir une telle intervention médicale à l’âge de neuf ans, sans personne pour vous tenir la main ou même vous expliquer ce qui se passe dans votre propre langue. Quand elle a compris qu’elle allait être envoyée ailleurs pour être traitée, elle a pleuré. Elle redoutait de retourner à l’hôpital. C’était clairement une expérience traumatisante pour elle.

Aucun détail n’avait été fourni par l’hôpital qui l’avait initialement soignée, donc nous ne savions pas quelles étaient les prochaines étapes de ses soins. On la sortait souvent de l’hôpital de Hassakeh et elle réintégrait sa tente dans l’Annexe. Elle se présentait à notre clinique environ une semaine plus tard, et nous n’avions aucune information sur ce qui s’était passé avec elle. Nous ne savions même pas qu’elle avait obtenu son congé.

Nous savions bien que les conditions dans le camp et le système d’orientation inadéquat n’allaient pas lui rendre service à long terme. Cela était également évident pour son gardien, qui s’est fait beaucoup de souci pour Ameena et qui nous a demandé de l’aider à la sortir de l’Annexe et à lui trouver une autre famille pour s’occuper d’elle. Nous avons collaboré avec une autre organisation humanitaire internationale et avons plaidé auprès des autorités locales pour trouver une solution pour cette fillette.

Malgré tous les efforts, malheureusement, elle est morte dans sa tente dans l’Annexe.

Le traitement capable de la maintenir en vie n’était qu’à une heure de là. Les restrictions sévères qui lui étaient imposées combinées au manque d’accès aux soins de santé ont entraîné des mois de grandes souffrances, pour finalement aboutir à sa mort.

Son histoire a d’ailleurs été mentionnée dans un discours au Conseil de sécurité (en anglais).