Le responsable de la promotion de la santé et le responsable des activités de soins infirmiers de MSF traversent un champ pour rendre visite à une personne sortie de l’hôpital de Mayen Abun. Soudan du Sud, 2024. © Paula Casado Aguirregabiria/MSF Both staff are walking through the field to reach the house of the patient.
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Soudan du Sud : des vies menacées par l’escalade de la violence et l’effondrement du système de santé

Un nouveau rapport de MSF met en lumière l’aggravation de la crise humanitaire, alors que le soutien international diminue.

Les communautés du Soudan du Sud sont confrontées à une détérioration de la situation humanitaire, tandis que l’intérêt et le soutien internationaux continuent de décliner. C’est ce que révèle un nouveau rapport de Médecins Sans Frontières (MSF) intitulé Left behind in crisis : Escalating violence and healthcare collapse in South Sudan (disponible en anglais seulement).

Ce rapport rend compte de l’impact humain d’un système de santé défaillant et d’une réponse humanitaire insuffisante. Il s’appuie sur des données médicales ainsi que sur des témoignages de patientes et patients, de personnes soignantes, de membres de la communauté et de personnel de santé résidant dans les zones où MSF intervient.

« J’ai fait le trajet depuis Keurdeng, cela m’a pris une heure. Là-bas, il y a un petit centre de santé, mais il ne dispose pas de tous les médicaments nécessaires. Parfois, les réserves s’épuisent très vite. J’ai emmené l’enfant au centre de santé, mais il n’y avait pas de médicaments. »

– Une personne soignante à Toch

« Le système de santé du Soudan du Sud est poussé à bout », explique Sigrid Lamberg, responsable des opérations de MSF au Soudan du Sud. « Partout où MSF intervient, nos équipes constatent d’énormes lacunes dans les services de santé. Les structures sanitaires sont soit hors service, soit gravement sous-équipées. Les pénuries chroniques de médicaments et de personnel font que des personnes meurent de maladies évitables et traitables. Les structures de santé ont besoin d’un soutien concret, pas seulement théorique. »

Des gens participent aux efforts pour éteindre l’incendie qui a ravagé l’hôpital soutenu par MSF à Old Fangak, après le bombardement délibéré du 3 mai. Soudan du Sud, 2025. © MSF

Escalade de la violence et attaques directes contre les structures de santé

Cette année, les violences entre les forces gouvernementales et celles de l’opposition, ainsi que les groupes armés non étatiques, ont fortement augmenté. Il s’agit de la pire escalade depuis la signature de l’accord de paix de 2018. L’escalade de la violence, les attaques contre les structures de santé par toutes les parties au conflit et les restrictions d’accès entravent encore davantage la fourniture de soins et d’assistance.

Selon l’ONU, de nouvelles vagues de violence ont déplacé plus de 320 000 personnes et en ont tué 2 000 depuis janvier. À Malakal, entre avril et novembre 2025, les équipes de MSF ont soigné 141 personnes blessées, dont des femmes et des enfants, souvent atteints de blessures par balle.

L’année 2025 a également été marquée par une forte augmentation des attaques contre les structures de santé par toutes les parties belligérantes, ce qui constitue une violation flagrante du droit humanitaire. À elle seule, MSF a été visée à huit reprises dans l’Équatoria-Central, le Jonglei et le Nil Supérieur. Ces attaques ont conduit à la fermeture des hôpitaux d’Ulang et d’Old Fangak. Le 3 décembre, notre installation de Pieri, dans l’État de Jonglei, a été touchée lors d’une frappe aérienne. Le même jour, les équipes de MSF ont été témoins d’attaques similaires à Lankien, où nous gérons également des établissements de santé.

Un homme est assis contre le mur du nouveau service dédié au paludisme à l’hôpital public d’Aweil, soutenu par MSF. Soudan du Sud, 2024. © Isaac Buay

Des services de santé submergés par les épidémies, les déplacements et les réductions du financement

Les communautés sont confrontées à de multiples crises qui se chevauchent : conflits, déplacements massifs, inondations, malnutrition et épidémies. Le pays a d’ailleurs connu la plus grande épidémie de choléra de son histoire. Cependant, le soutien international a continué de diminuer en 2025, malgré la détérioration des conditions de vie et de l’accès aux services essentiels.

Le projet de transformation du secteur de la santé, une initiative financée par plusieurs bailleurs et lancée en juillet 2024, reste le principal vecteur de prestation de soins de santé au Soudan du Sud. Dirigé par le gouvernement en collaboration avec l’Organisation mondiale de la Santé, l’UNICEF et d’autres partenaires, ce projet devait initialement offrir un soutien à 1 158 structures de santé dans 10 États et trois zones administratives. Faute de financement, seules 816 installations sont actuellement soutenues, et elles demeurent confrontées à des pénuries persistantes de médicaments et de personnel.

Les membres d’une équipe mobile de MSF se rendent par bateau dans un village éloigné pour offrir des soins de santé primaires. Soudan du Sud, 2024. © Nasir Ghafoor/MSF

Left behind in crisis: Escalating violence and healthcare collapse in South Sudan (en anglais seulement)

« J’ai fait le trajet depuis Keurdeng, cela m’a pris une heure », a raconté une personne soignante aux équipes de MSF à Toch. « Là-bas, il y a un petit centre de santé, mais il ne dispose pas de tous les médicaments nécessaires. Parfois, les réserves s’épuisent très vite. J’ai emmené l’enfant au centre de santé, mais il n’y avait pas de médicaments. »  

Le paludisme reste un défi majeur et demeure la principale cause de morbidité et de mortalité au Soudan du Sud, en particulier chez les femmes et les enfants. Pourtant, pour la deuxième année consécutive, 2025 a été marquée par des ruptures nationales de médicaments antipaludiques pendant le pic saisonnier. Sans traitement rapide, le paludisme peut rapidement devenir mortel. Entre janvier et septembre 2025, les équipes de MSF ont traité 6 680 personnes qui ont dû être hospitalisées pour un paludisme grave. 

Une équipe de promotion de la santé de MSF organise une séance d’information avec les leaders communautaires dans un camp de personnes déplacées à Malakal, afin de leur donner les moyens de protéger leurs communautés contre l’épidémie. Soudan du Sud, 2024. © Paula Casado Aguirregabiria 

Des besoins croissants exigent une réponse urgente

Depuis des années, les communautés du Soudan du Sud sont confrontées à des besoins médicaux et humanitaires parmi les plus importants au monde. En 2025, la situation dans le pays s’est considérablement détériorée. Face à l’augmentation des besoins, une réponse urgente s’impose : les bailleurs internationaux doivent respecter leurs engagements en matière de soutien aux efforts humanitaires et en santé. En outre, les lacunes des programmes existants doivent être comblées de toute urgence.

Il est impératif, au minimum, de garantir la livraison rapide des médicaments essentiels et des fournitures, ainsi que d’assurer le paiement des salaires du personnel de la santé. Dans un contexte d’escalade de la violence, l’accès humanitaire, la protection des personnes civiles et le respect des établissements de santé doivent être garantis.

MSF appelle également le gouvernement du Soudan du Sud à augmenter le budget national de la santé. Conformément à son engagement pris dans la Déclaration d’Abuja, 15 % de son budget devait être alloué à la santé. Actuellement, seulement 1,3 % du budget national y est consacré.

« La situation dans le pays est catastrophique », affirme Sigrid Lamberg. « Les besoins urgents des communautés du Soudan du Sud exigent une action coordonnée, un engagement renouvelé et une véritable solidarité internationale. Le monde ne peut pas détourner le regard, surtout pas maintenant. »