The Syrian governmental forces and their Russian allies have intensified their offensive on Idlib province since the end of 2019. Airstrikes and shelling have caused the displacement of hundreds of thousands of people who flee their home and desperately seek for a safe place. © MSF
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Syrie : La fuite éperdue des habitants de la province d’Idlib, pris dans un étau qui se resserrre

Dans le nord-ouest de la Syrie, les frappes aériennes associées à une offensive terrestre menées par les forces armées syriennes et leurs alliés russes ont déclenché une immense vague de déplacements de populations dans le dernier bastion rebelle du pays. Du fait des attaques ciblant des villes et des camps à l’ouest d’Alep, les routes sont envahies de voitures et de camions avec des personnes qui fuient vers des zones sûres, de plus en plus réduites. “Les gens sont dans une situation désespérée, note Julien Delozanne, chef de mission ​Médecins Sans Frontières (MSF) pour la Syrie.

Les attaques visent maintenant des zones qui étaient avant considérées comme sans danger. Les personnes qui fuient vers le nord sont prises dans un étau qui se resserre,  entre la ligne de front à l’est et la frontière turque à l’ouest qui est fermée. Les conditions de vie dans les camps de personnes déplacées sont déjà terribles. Si l’offensive militaire se poursuit, la situation sera encore plus dure avec le nouvel afflux de personnes dans la région.”

Les forces armées régulières ont repris le contrôle de l’autoroute Damas-Alep et avancent maintenant vers l’ouest, menaçant des régions très densément peuplées situées à l’ouest d’Alep.

Les 14 et 15 février derniers, une attaque a visé des camps situés près de la ville de Sarmadah où étaient arrivées des dizaines de milliers de personnes fuyant les combats dans le sud de la province d’Idlib. Il y a eu plusieurs blessés et des tentes ont été détruites. Depuis le 13 février, la ville de Takad, à une vingtaine de kilomètres à l’est, a aussi été la cible de tirs à plusieurs reprises qui ont provoqué la fuite de la plupart des habitants de la ville. 

 

 

“La plupart des personnes fuient Takad à cause des tirs d’artillerie, des missiles et des raids aériens, indique Moustafa Ajaj, le directeur du centre de santé soutenu par MSF à Takad. Les seules personnes qui sont restées sont celles qui n’ont pas les moyens de se déplacer ou ne savent pas où aller. Nous déménageons le stock médical dans une autre ville et je suis en train de chercher un endroit sûr pour reprendre nos activités là où les besoins médicaux sont urgents. Mais nous avons laissé un minimum de médicaments pour les personnes qui sont encore à Takad.”

L’hôpital de la ville d’Al-Atareb qui avait reçu des kits d’urgence de MSF a dû fermer le 16 février à la suite d’attaques sur la ville et l’hôpital de Darat-Izaa a dû aussi fermer le 17 février de peur d’être bombardé. Résultat, il n’y a plus un hôpital ouvert dans la province d’Alep ouest.

La situation changeant constamment, les habitants du nord de la province d’Idlib et de l’ouest de la province d’Alep – dont beaucoup ont fui à plusieurs reprises – sont complètement perdus. “Personne ne sait ce qui se passera demain, on sait seulement qu’il y a des bombardements et que l’armée avance, dit une médecin MSF travaillant dans le camp de Deir Hassan à 30 km à l’ouest d’Alep. Nous vivons dans la peur et le stress.”

 

 

Plus de 875 000 personnes ont été déplacées dans le nord-ouest de la Syrie depuis le 1er décembre dernier, selon les Nations Unies. Les camps de personnes déplacées sont bondés et il est, semble—t-il impossible de trouver une chamber à louer dans des les villes qui ne sont pas exposées à des bombardements. N’ayant nulle part où aller, les gens installent des tentes sur des collines et le long des routes ou ils dorment dehors. “Il y a la mort sous les bombes et il y a une autre mort dans le camp, pas immédiate mais retardée’, observe un homme récemment arrivé avec sa famille dans un camp où MSF intervient.

“A chaque fois que les bombardements sont plus intenses, on voit des gens arriver”, ajoute la médecin MSF. La plupart des gens ne peuvent pas trouver d’abri dans les villes où ils fuient, donc ils sont obligés de mettre leur tente là où ils peuvent. Ces régions sont couvertes de tentes et plus vous approchez de la frontière turque, plus vous voyez de tentes, dit-elle. Ceux qui n’ont pas les moyens d’acheter une tente s’installent avec d’autres familles sous leur tente. Vous voyez aussi des gens assis au bord des routes et sous des oliviers avec des couvertures. Car certains sont partis avec juste les vêtements qu’ils avaient sur eux.”

Le nord de la province d’Idlib et l’ouest de la province d’Alep sont maintenant parsemés de campements où les déplacés vivent dans des conditions très dures, très peu protégés contre le froid de l’hiver. La semaine dernière, les températures sont descendues en-dessous de zéro et des routes ont été boquées par la neige.  Une famille de quatre personnes est morte étouffée pour avoir utilisé du carburant de mauvaise qualité pour chauffer leur tente. “Notre situation humanitaire est très mauvaise, dit un père de famille qu’a rencontré une de nos équipes durant une distribution dans un camp. Pas de chauffage. Pas de pain. Pas d’eau. Pour nous réchauffer, nous brûlons des feuilles d’olivier. Nous avons besoin d’aide.”

Comme on pouvait s’y attendre, le personnel médical de l’équipe mobile de MSF a traité de nombreux patients pour des infections respiratoires, dues à leurs conditions de vie et aux températures hivernales. Les équipes ont aussi  pris en charge un nombre important de femmes enceintes et d’enfants, ces dernières semaines.

MSF répond également aux  besoins des personnes récemment arrivées en distribuant des biens de première nécessité dans différents endroits dans la province d’Idlib. Depuis le 1er décembre, les équipes MSF ont donné des couvertures, des habits pour l’hiver et des kits d’hygiène à plus de 13 000 personnes dans une vingtaine de camps et campements à Harim, Salqin, Sarmadah, Killi et Marrat Misrine. Elles ont distribué du combustible pour se chauffer. MSF distribue par ailleurs de l’eau potable à des dizaines de milliers de personnes dans des camps. Cependant les besoins sont immenses et même avec toutes ces nouvelles activités, il est de plus en plus difficile pour MSF de fournir aux personnes déplacés l’aide dont elles ont besoin.

 Conséquence de la poursuite de l’offensive terrestre et des frappes aériennes, les gens continuent de se déplacer. Des camps à l’ouest d’Alep ont été évacués le week-end dernier. Ceux qui peuvent payer un moyen de transport prennent la direction du nord, vers Afrin et Azaz, à proximité de la frontière  turque. D’autres parcourent de plus petites distances. Mais où qu’ils aillent, ils n’ont pas la certitude d’y recevoir de l’aide.

“La guerre dure depuis presque neuf ans, observe la médecin MSF, mais cette seule année vaut les neuf années passées si l’on pense à toutes les difficultés que l’on traverse.”