Administration of the COVID-19 vaccine. © Albert Masias/MSF
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Alors que Moderna enregistre un chiffre de vente astronomique pour le troisième trimestre de 2021, MSF soutient qu’il est temps de partager la technologie avec le centre de transfert de technologie pour les vaccins à ARNm de l’OMS en Afrique du Sud.

Après la publication des chiffres de vente astronomiques du troisième trimestre 2021 de la société pharmaceutique américaine Moderna pour son unique produit, le vaccin contre la COVID-19, Médecins Sans Frontières (MSF) a exhorté l’entreprise à partager immédiatement sa technologie et son savoir-faire en matière de vaccins à ARNm par l’intermédiaire du centre de transfert de technologie pour les vaccins à ARNm de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) en Afrique du Sud. Comme Moderna a reçu un important financement public pour ce vaccin, l’entreprise a l’obligation de contribuer aux efforts mondiaux de vaccination visant à protéger toutes les personnes contre la COVID-19, à empêcher l’apparition et la transmission de « variants préoccupants » et à mettre fin à cette pandémie.

 

Moderna a annoncé aujourd’hui des ventes mondiales de 5 milliards de dollars américains au troisième trimestre de 2021. À ce jour, le chiffre de ventes de la société atteignait, pour 2021, 11,3 milliards de dollars, avec jusqu’à 18 milliards de dollars prévus pour l’année entière, et ce, uniquement pour le vaccin à ARNm contre la COVID-19.

Le gouvernement américain a octroyé à Moderna près de 10 milliards de dollars en fonds publics pour la recherche et le développement – y compris la quasi-totalité du coût du développement clinique – et pour l’achat de 500 millions de doses de son vaccin à ARNm contre la COVID-19. De plus, Moderna a utilisé des brevets et des droits non exclusifs que le gouvernement américain a mis à sa disposition pour fabriquer ce vaccin.

Compte tenu de l’énorme somme en fonds publics que le gouvernement américain a octroyée à Moderna, MSF appelle l’Administration Biden à utiliser le levier juridique offert par le Defense Production Act pour forcer l’entreprise à partager immédiatement sa technologie et son savoir-faire avec le centre de transfert de technologie pour les vaccins à ARNm de l’OMS.

« Les contribuables américains ont rendu possible la mise au point du vaccin de Moderna contre la COVID-19 », a déclaré la Dre Carrie Teicher, directrice des programmes de MSF aux États-Unis. « L’entreprise doit absolument rendre des comptes sur l’effort public pour vacciner le monde, et les États-Unis doivent utiliser leurs vastes pouvoirs juridiques pour forcer Moderna à partager la technologie et à aider à stimuler la production mondiale du vaccin. Le temps presse pour que les États-Unis fassent honneur à leur prétention d’être un leader mondial dans la lutte contre la COVID-19. »

Au 9 octobre 2021, Moderna n’avait fourni qu’un million de doses aux pays à faible revenu où moins de six pour cent de la population – comprenant de nombreux endroits où MSF travaille – ont reçu leur première dose de vaccin contre la COVID-19. Jusqu’à présent, Moderna n’a livré aucune des doses qu’elle s’était engagée à fournir au COVAX, le mécanisme d’approvisionnement mondial qui était censé garantir l’équité du vaccin contre la COVID-19.

Moderna a plutôt obtenu plusieurs brevets avec des revendications très larges couvrant son vaccin contre la COVID-19 et d’autres technologies à ARNm en Afrique du Sud, sans toutefois enregistrer le produit dans le pays. Cela signifie que, bien que la société ne soit pas disposée à rendre le vaccin durablement disponible en quantités significatives en Afrique du Sud, elle se prépare à mettre les brevets en place afin de les faire respecter une fois que la pandémie sera terminée. Vu les efforts minimes de Moderna pour contribuer à l’équité mondiale en matière de vaccins, son récent protocole d’entente avec l’Union africaine visant à fournir jusqu’à 110 millions de doses de vaccin contre la COVID-19 d’ici 2022 ainsi que les plans d’augmentation de la production sur le continent africain ne sauraient être considérés comme suffisants.

En fait, le projet de Moderna de construire sa propre usine de vaccins à ARNm sur le continent africain vient directement contrecarrer les efforts actuels de santé publique mondiale visant à favoriser le transfert de technologie et à renforcer les capacités de fabrication indépendantes en Afrique. Depuis son annonce en avril 2021, le centre de transfert de technologie pour les vaccins à ARNm de l’OMS en Afrique du Sud n’a pas réussi à obtenir la technologie ARNm d’aucune entreprise, et le centre de transfert de technologie compte maintenant essayer de mettre au point ses propres candidats-vaccins à partir de zéro. Bien qu’il s’agisse d’une démarche louable, elle est totalement inutile et elle constitue une perte de temps et d’efforts injustifiables, alors qu’il existe déjà des vaccins à ARNm plus avancés et approuvés contre la COVID-19.

« En choisissant de faire fi des initiatives mondiales de santé publique et de suivre sa propre voie, Moderna a clairement indiqué qu’elle était beaucoup plus soucieuse d’engranger des profits indécents que de contribuer à l’effort mondial de vaccination pour sauver des vies », a déclaré Candice Sehoma, chargée du plaidoyer pour la campagne d’accès de MSF en Afrique du Sud. « Si Moderna partageait sa technologie avec le centre de transfert de technologie pour les vaccins à ARNm de l’OMS, elle pourrait aider à accroître maintenant la production mondiale de vaccins contre la COVID-19. Au lieu de cela, elle laisse le centre de transfert se débrouiller tout seul pour essayer de reproduire ce qui a déjà été fait et elle sabote ainsi une occasion de favoriser la fabrication autonome de vaccins en Afrique. »

Le partage des technologies ARNm augmentera la production et l’offre mondiales de vaccins contre la COVID-19, ce qui sauvera des vies dans cette pandémie et dans le futur, et aidera les pays à faible et moyen revenu à devenir plus autosuffisants dans leur réponse aux pandémies potentielles actuelles et futures. Selon les recherches de MSF, au moins sept fabricants de produits pharmaceutiques injectables basés dans des pays africains sont actuellement prêts à produire des vaccins à ARNm contre la COVID-19.