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Lettre ouverte de MSF aux ministres de la Santé et du Développement international du Canada au sujet du noma

Depuis 2014, Médecins Sans Frontières (MSF) soutient l’Hôpital Noma de Sokoto. Il s’agit là du seul hôpital du Nigéria, et un des rares au monde, qui soit doté d’un programme pour les personnes touchées par le noma, y compris les survivants et les survivantes du noma et leurs familles.

Le noma est une maladie négligée qui touche les personnes, et en particulier les enfants, qui vivent dans des pays à faible revenu. Maladie bactérienne infectieuse, mais non contagieuse, le noma se manifeste d’abord par une inflammation des gencives, semblable à un petit ulcère buccal. L’infection s’attaque très rapidement aux os et aux tissus. En quelques jours seulement, le noma laisse de graves défigurations sur le visage des personnes qui en sont atteintes et qui éprouvent dès lors des difficultés à manger, à parler, à voir ou à respirer. Les survivants et les survivantes doivent par ailleurs faire face à la stigmatisation sociale résultant des dommages importants causés au visage.

Le texte qui suit a été adressé par courriel aux ministres de la Santé et du Développement international du Canada. Il demande à ce que le Canada appuie l’ajout du noma à la liste des maladies tropicales négligées (MTN) de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).

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Le 31 août 2022

Hon. Jean-Yves Duclos,

Ministre de la Santé,

Hon. Harjit Sajjan,

Ministre du Développement international

Lettre ouverte demandant le soutien du Canada pour inscrire noma sur la liste des maladies tropicales négligées de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS)

Honorables ministres,

Nous vous écrivons pour demander le soutien du Canada afin d’ajouter noma, maladie bactérienne qui touche principalement des personnes, voire quasi exclusivement des enfants, vivant dans des pays à faible revenu, sur la liste des maladies tropicales négligées (MTN) de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).

Noma est une pathologie grave mais traitable et évitable qui touche les personnes vivant dans la pauvreté, causant la mort et la défiguration. Il s’agit d’une maladie bactérienne infectieuse mais non contagieuse qui commence par une inflammation des gencives, semblable à un petit ulcère buccal. L’infection ravage très rapidement les os et les tissues, gagnant la mâchoire, les lèvres, les joues, le nez ou les yeux, selon le point de départ de l’infection. Jusqu’à 90 % des personnes infectées décèdent dans les deux premières semaines si elles ne reçoivent pas à temps un traitement aux antibiotiques, et les plus grandes victimes de ce fléau sont les enfants. Le dépistage précoce est faible et une fois que noma attaque, de nombreuses familles n’ont pas les moyens de se payer des antibiotiques pour le traiter. La majorité des personnes atteintes du noma vivent dans des régions pauvres et isolées où la malnutrition est rampante et l’accès aux soins de santé et dentaires quasi inexistant. Selon les estimations, la maladie affectent 140 000 enfants chaque année, tandis qu’un grand nombre de survivants et survivantes gardent des séquelles physiques et mentales et doivent affronter la stigmatisation et la discrimination surtout en raison de leur défiguration faciale, situation qui les isole de leur communauté.

En tant qu’organisation médicale à vocation humanitaire, Médecins Sans Frontières (MSF) est confrontée à  noma, et à ses conséquences dans des endroits où des problèmes tels que la pauvreté et la malnutrition sont monnaie courante. Bien qu’évitable et traitable, la maladie ne bénéficie ni de l’attention ni des ressources qu’elle mérite. Son inscription sur la liste des MTN de l’OMS aiderait à attirer l’attention et à susciter l’action pour améliorer l’accès au traitement et à la prévention. La proposition visant à ajouter noma à la liste des MTN de l’OMS a été récemment mise en avant par le Nigéria. Depuis, d’autres pays ont exprimé leur soutien à sa proposition, dont la Suisse, un pays qui, comme le Canada, n’est pas touchée de près par cette infection, mais qui a néanmoins fait preuve de leadership en appuyant son inclusion dans la liste de l’OMS.

D’un point de vue technique, le noma répond aux quatre critères exigés pour être répertorié en tant que maladie tropicale négligée, selon les recommandations du groupe consultatif stratégique et technique de l’OMS qui, en 2016, a défini les MTD comme un état pathologique : 

  1. ayant un impact disproportionné sur les populations qui vivent dans la pauvreté et causant une importante morbidité et mortalité, notamment la stigmatisation et la discrimination, chez ces populations, justifiant une réponse mondiale;
  2. touchant principalement les populations qui vivent dans des pays tropicaux ou subtropicaux;
  3. pouvant faire immédiatement l’objet d’un large contrôle, d’une élimination ou d’une éradication en mettant en œuvre une ou plusieurs des cinq stratégies de santé publique que le Département pour le contrôle des maladies tropicales négligées a adoptées, et/ou;
  4. étant relativement négligé par la recherche – c’est-à-dire, que l’allocation des ressources n’est pas à la mesure de l’ampleur du problème. 

Noma mérite clairement de figurer sur la liste de l’OMS, d’être reconnu officiellement comme maladie tropicale négligée. D’autres maladies ont attiré l’attention grâce à leur inclusion dans la liste, notamment les morsures de serpents venimeux récemment ajoutées. La même mesure peut être prise pour noma, et le Canada peut faire preuve de leadership en aidant à atteindre ce but par un appui officiel de son inscription sur la liste des MTN de l’OMS. Une riposte complète à noma menée à l’échelle mondiale, qui commence par son inscription sur la liste de l’OMS, appuie également les objectifs plus larges de la Politique d’aide internationale féministe du Canada. Par ailleurs, plus tôt cet été, le Canada a signé la Déclaration de Kigali sur les maladies tropicales négligées. Un soutien actif apporté à l’inscription des MTN sur la liste est une étape simple mais importante que le Canada peut prendre pour que ces engagements se traduisent par des mesures concrètes.  

C’est pour ces raisons que nous appelons par écrit le Canada à soutenir énergiquement l’inclusion de noma dans la liste des maladies tropicales négligées de l’OMS. Nous vous prions de bien vouloir répondre à cette lettre. Comme toujours, nous sommes prêts à discuter avec vous de ce sujet et de toute autre priorité de santé publique dans le monde.

Je vous prie d’accepter, Messieurs les Ministres, l’expression de mes sentiments distingués.

Joseph Belliveau,

Directeur général,

Médecins Sans Frontières (MSF)