Two MSF staff walking through Rhoe camp. MSF staff, some of whom have been displaced by the recent attacks too, keep ensuring essential medical care, including mental health services, as well as water, hygiene and sanitation activities in the site. DRC, 2023. © © MSF/Philomène Franssen
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RDC : la lutte sans fin contre l’une des maladies les plus contagieuses au monde

 

Tous les deux ou trois ans, des épidémies de rougeole touchent des dizaines, voire des centaines de milliers d’enfants en République démocratique du Congo (RDC). Avec plus de 148 600 cas et 1 800 décès signalés, la dernière année n’a pas fait exception. Comment expliquer cette urgence récurrente? Et surtout, comment pouvons-nous y mettre fin? 

Quand on parle d’urgence en RDC, c’est rarement la rougeole qui vient à l’esprit. Pourtant, cette maladie est souvent dévastatrice, notamment chez les jeunes enfants qui en sont majoritairement les victimes. Et à ce titre, elle constitue depuis des années le principal motif d’intervention de Médecins Sans Frontières (MSF) en RDC. 

« Nous avons cinq équipes d’urgence mobilisées presque 24 heures sur 24 pour répondre aux diverses épidémies de rougeole d’un bout à l’autre du pays. Mais dès que nous éteignons un incendie ici, il y en a un autre qui se déclenche de l’autre côté », explique le Dr Louis Massing, référent médical de MSF en RDC. « En 2022, nous avons lancé 45 interventions d’urgence liées à la rougeole, soit plus des trois quarts de nos interventions d’urgence en RDC. »

 

Le personnel de MSF en réunion dans le camp de Rhoe.
Le personnel de MSF en réunion dans le camp de Rhoe. Les membres du personnel de MSF, qui comptent aussi des personnes déplacées par les récentes attaques, continuent de fournir des soins médicaux essentiels, y compris des services en santé mentale, ainsi que des activités d’approvisionnement en eau, d’hygiène et d’assainissement sur le site. RDC, 2023.© MSF/Philomène Franssen

La plus grande épidémie de rougeole jamais documentée en RDC s’est produite entre 2018 et 2020. Durant cette période, près de 460 000 enfants ont contracté la maladie et 8 000 d’entre eux en sont morts. Des campagnes de vaccination à grande échelle ont été organisées par les autorités sanitaires, soutenues par des partenaires internationaux comme MSF, ce qui a permis de réduire considérablement le nombre de cas en 2021. 

« Toutefois, l’année dernière, près de la moitié des zones de santé du pays étaient à nouveau en situation épidémique », déplore le Dr Massing. Et ce n’est pas fini. Rien qu’en janvier 2023, près de 20 000 cas suspects de rougeole ont été signalés en RDC, et nos équipes ont déjà répondu à des épidémies de rougeole dans les provinces de Tshopo, du Maniema, du Sud-Kivu, du Nord-Kivu, de Lomami et de Lualaba. »

« Il ne peut y avoir de maillons faibles »

La rougeole est l’une des maladies les plus contagieuses au monde. Heureusement, un vaccin existe et il offre une protection presque complète aux personnes qui ont reçu deux doses. Étant donné qu’une personne porteuse du virus peut infecter jusqu’à 90 % des personnes non vaccinées qui l’entourent, il est essentiel d’assurer une couverture vaccinale maximale. Cela nécessite des investissements massifs dans la vaccination de routine, la surveillance et les campagnes de rattrapage. 

 

« La lutte contre la rougeole est comme une chaîne autour du virus : si un maillon est brisé, le virus peut s’échapper »

Dr louis Massing | Médecin De MSF

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Le pays doit d’abord veiller à ce que des quantités suffisantes de vaccins soient disponibles pour éviter les ruptures de stock dans les établissements de santé. Ensuite, il faut s’assurer que les vaccins sont livrés aux établissements de santé et que ceux-ci disposent d’une chaîne du froid efficace pour conserver les vaccins stockés dans de bonnes conditions. Il est également nécessaire d’avoir du personnel sur place pour vacciner les enfants lors des consultations, et pour que les familles aient les moyens financiers et physiques de rejoindre les cliniques. Enfin, des campagnes de rattrapage régulières doivent être organisées pour protéger les enfants qui passent au travers des mailles du filet… Compte tenu de la virulence de la rougeole, il ne peut y avoir de maillons faibles.

Malheureusement, de nombreux éléments de cette chaîne sont faibles en RDC, et cette situation est aggravée par les contraintes de sécurité et les défis géographiques qui compliquent l’atteinte de nombreuses zones. Le taux de natalité élevé du pays représente aussi un défi, puisque les deux millions de bébés qui y naissent chaque année doivent être protégés contre la maladie. 

En conséquence, malgré les campagnes d’urgence menées à chaque épidémie, la couverture vaccinale reste insuffisante. Bien que les estimations de la couverture varient considérablement d’une source à l’autre, les dernières évaluations de l’UNICEF et de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) indiquent qu’en 2021, seulement 55 % des enfants avaient reçu une dose de vaccin contre la rougeole. Une couverture minimale de 95 % avec deux doses est recommandée pour prévenir la propagation de la maladie. 

« Certaines zones ne peuvent être atteintes qu’en pirogue, ou même à pied à travers la forêt », explique Alexis Mpesha, responsable logistique de l’une des équipes d’urgence de MSF en RDC. « Il n’est pas rare que nos équipes soient les seules à atteindre certains villages parce que les autorités sanitaires locales n’ont pas l’équipement, le carburant ou les ressources humaines nécessaires pour s’y rendre. »

Pour les parents qui souhaitent faire vacciner leurs enfants, la distance jusqu’à un centre de santé fonctionnel, les frais de transport et parfois les frais de consultation peuvent être décourageants. « Les soins sont chers et nos ressources sont limitées », explique Anne Epalu, originaire du village de Bangabola où MSF a répondu à une épidémie de rougeole en 2022. « Certains enfants meurent simplement parce que leurs parents n’ont pas d’argent pour payer le traitement. »

Il est urgent de renforcer la vaccination

 

Des membres de l’équipe déchargent une cargaison de MSF dans le camp de Rhoe, où environ 70 000 personnes vivent dans des conditions désastreuses. RDC, 2023.
Des membres de l’équipe déchargent une cargaison de MSF dans le camp de Rhoe, où environ 70 000 personnes vivent dans des conditions désastreuses. RDC, 2023.© MSF/Philomène Franssen

 

En 2022, les équipes d’urgence de MSF en RDC ont vacciné plus de deux millions d’enfants dans 14 provinces et traité plus de 37 000 personnes atteintes de rougeole. Les équipes de MSF interviennent en soutien au ministère de la Santé pour organiser des campagnes de vaccination et mettre en place des unités de traitement lorsqu’une augmentation rapide des cas de rougeole est signalée dans une zone où la capacité de réponse locale est limitée ou que l’accès est difficile. En plus des interventions d’urgence pendant les épidémies, MSF fournit un soutien logistique pour les activités de vaccination de routine dans les établissements de santé de plusieurs provinces où ses équipes sont présentes tout au long de l’année.

Des efforts et des investissements beaucoup plus importants sont toutefois nécessaires de la part des autorités sanitaires et de leurs partenaires pour augmenter la couverture vaccinale en RDC et arrêter le cycle sans fin des épidémies.

« L’intégration de la deuxième dose contre la rougeole dans les activités de vaccination de routine doit être accélérée », explique le Dr Louis Massing. « Cette approche a été récemment adoptée par les autorités et peut avoir un impact significatif. »

« Offrir systématiquement des activités de vaccination de rattrapage lors des consultations pédiatriques dans les établissements de santé pourrait aider à augmenter de façon considérable la couverture vaccinale en RDC. »

Dans l’intervalle, compte tenu de la persistance des épidémies qui mettent chaque jour plus d’enfants en danger, il est essentiel d’organiser sans délai les campagnes massives de vaccination de rattrapage qui sont prévues depuis la fin de 2022.

« Nos équipes s’engagent à continuer à répondre aux flambées de rougeole en RDC pour soutenir au mieux les autorités sanitaires. Mais pour ce faire, il est essentiel que suffisamment de vaccins d’urgence soient disponibles dans le pays », explique le Dr Louis Massing.