MSF COVID-19 health promotion training and information sessions with a group of volunteer community healthcare workers in the village of Kiziba, in North Kivu province, DRC. © Sabrina Rubli/MSF
PARTAGEZ

RDC : Promotion de la santé dans le contexte de la pandémie de COVID-19

Sabrina Rubli, une expatriée canadienne qui travaille avec MSF, parle de son expérience en tant que responsable des activités de promotion de la santé dans le contexte unique de la République démocratique du Congo (RDC). Alors que s’annonce le début de la période post-épidémie d’Ebola, la RDC commence à voir des signes de la pandémie mondiale de COVID-19.

rong>

 

 

« Le nouveau coronavirus est juste une autre façon pour le gouvernement de nous tuer, car Ebola n’a pas fonctionné. »

« Tous les blancs sont infectés par le coronavirus. »

« C’est juste une autre façon pour les ONG et le gouvernement de gagner de l’argent. »

« Nous ne pouvons pas nous laver les mains. Nous n’avons pas d’eau. Nous n’avons pas de savon. Comment pouvons-nous nous protéger? »

« Puis-je attraper le coronavirus en conduisant une moto? »

« Le virus n’affecte pas les Africains, seulement les Européens. »

J’écris toutes les questions et réflexions entendues dans mon cahier, et j’essaie de répondre au mieux aux préoccupations et aux questions des gens. Lorsque je n’ai pas la réponse, je promets de m’informer et de leur revenir sans tarder avec une réponse.

Je travaille à Goma comme responsable des activités de promotion de la santé, et mon équipe et moi avons organisé une séance d’information pour un groupe de travailleurs de la santé communautaire bénévoles. Nous sommes assis dans une salle de classe vide qui n’a pas de plancher, perchés sur des bancs en bois, en nous éloignant le plus possible les uns des autres. Nous sommes à la mi-mars, et la COVID-19 vient de débarquer en RDC. Les gens ont plein de questions et de préoccupations, et en tant qu’équipe de promotion de la santé, c’est notre travail d’engager un dialogue avec la communauté, de fournir des informations exactes et, surtout, d’écouter, d’entendre les préoccupations de chacun.

 

La COVID-19 à travers une lentille locale

 

La COVID-19 est arrivée en RDC au moment où l’épidémie d’Ebola, qui a tué 2200 personnes depuis 2018, était sur le point d’être déclarée terminée. C’était avant que de nouveaux cas n’apparaissent dans le pays le 10 avril. Pour de nombreux Congolais, en particulier ceux qui vivent dans des régions touchées par Ebola, le moment est suspect – la COVID-19 est-elle une autre maladie créée pour les tuer? Est-ce une tactique politique? Est-ce une autre façon pour les ONG et le gouvernement de gagner de l’argent?

On peut comprendre pourquoi les gens sont méfiants ou sensibles aux rumeurs. Le terme « entreprise Ebola » est aujourd’hui largement répandu; les gens ici ont vu d’énormes quantités d’argent et de ressources affluer dans leur région uniquement pour lutter contre Ebola. Pourtant, Ebola n’était qu’une des nombreuses crises ici, le pays étant également confronté à la pire épidémie de rougeole au monde, au paludisme, à un conflit qui perdure et aux déplacements. Dans ce contexte, beaucoup de gens ont eu l’impression qu’Ebola était une entreprise pour gagner de l’argent alors que les besoins urgents et réels de la population étaient ignorés.

Gérer les rumeurs et les soupçons est devenu une partie importante de mon travail. La diffusion de fausses informations sous forme de rumeurs est dangereuse pour les Congolais et les ONG. S’ils minimisent la gravité et la réalité de la COVID-19 en la voyant comme une tactique politique créée de toutes pièces, les gens ne vont pas respecter les mesures de prévention mises en place par les autorités, ce qui se traduira par une mortalité plus élevée, ainsi qu’à des réactions négatives et des violences potentielles.

 

Sabrina Rubli | |

TWEET THIS:

 

Grâce à ces séances communautaires, nous avons appris que les principales préoccupations des membres de la communauté ont moins à voir avec l’infection par le virus qu’avec la menace d’un confinement imposé par le gouvernement et l’incapacité du système de santé actuel à prendre soin d’eux.

« Tant de gens meurent en Italie, où ils ont de bons hôpitaux. Comment allons-nous aborder la situation ici s’il n’y a pas d’hôpitaux? »

« Nous ne pouvons pas rester dans nos maisons, nous allons mourir de faim. »

Leurs craintes sont valables – la réalité à laquelle les Congolais sont confrontés est grave et peut avoir des conséquences mortelles qui vont au-delà du virus.

 

Comprendre les préoccupations et partager les connaissances

 

Nos discussions avec les membres de la communauté nous ont également fait prendre conscience d’une peur croissante des centres de santé – les gens les évitent de peur d’y contracter la COVID-19, et le personnel médical a peur de traiter les patients qui arrivent.

« Puis-je quand même aller à l’hôpital si je suis atteint de paludisme? »

« Vais-je contacter la COVID-19 si je vais dans un hôpital où il y a un cas confirmé? »

« Est-il sécuritaire de toucher le corps d’une personne décédée de la COVID-19? »

 

Formation de promotion de la santé et séances d’information MSF en contexte de COVID-19 auprès d’un groupe de travailleurs de la santé communautaires bénévoles dans une école vide à Goma, en RDC.Sabrina Rubli/MSF

 

Lorsque nous comprenons les craintes de la population et les rumeurs qu’elle croit, nous pouvons développer une stratégie de sensibilisation qui tient compte des nuances et des réalités de chaque région où MSF travaille. C’est pourquoi les discussions et les séances d’information sont si importantes, tout particulièrement à l’ère de la COVID-19.

 

Sabrina Rubli | |

TWEET THIS:

 

La RDC est un pays où les rumeurs se propagent facilement, où le conflit armé couve et où la population se déplace constamment pour échapper aux plus récentes vagues de violence des groupes armés.

« Comment pouvons-nous nous protéger lorsque de nouveaux déplacés arrivent? Comment pouvons-nous savoir d’où ils viennent? »

« Je ne peux plus me permettre d’acheter suffisamment de nourriture pour ma famille depuis que les prix ont augmenté. »

Les habitants de Goma ont peur. Partout, les gens ont peur. Personne ne sait ce que les prochains mois nous réservent. Voilà pourquoi il est si important de faire la promotion proactive de la santé pendant cette période – les gens ont besoin d’obtenir des réponses à leurs questions, d’une source en laquelle ils ont confiance. Les gens ont besoin que leurs peurs soient entendues et apaisées. Les gens doivent avoir accès à des informations exactes. Quand les temps sont incertains comme maintenant, la promotion de la santé devient une activité essentielle. C’est ainsi que nous entrons en relation avec les gens, que nous nous engageons auprès d’eux, que nous apprenons leurs peurs, leurs croyances et leurs besoins. L’engagement communautaire vient déterminer le type de réponse qui est nécessaire dans la communauté et aide MSF à développer des interventions efficaces et appropriées pour soutenir la population.

Nos équipes de promotion de la santé continueront donc de se rendre au sein des communautés, aussi longtemps que la situation le permettra, pour écouter, permettre à la population de poser des questions et lui donner une voix. C’est ainsi que nous mettons la population au cœur de nos interventions.