Séance de sensibilisation aux violences sexuelles et à la planification familiale avec des adolescents et jeunes adultes vivant dans la rue dans un parc de Bangui. République centrafricaine, 2023. © Juan Carlos Tomasi/MSF
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République centrafricaine : « Ce n’est que la partie émergée de l’iceberg »

Entre 2018 et 2022, Médecins Sans Frontières (MSF) a pris en charge plus de 19 500 survivantes et survivants de violences sexuelles en République centrafricaine (RCA), selon un rapport que l’organisation internationale médicale humanitaire publie aujourd’hui.

République centrafricaine : des blessures invisibles

« La violence sexuelle en RCA est une urgence de santé publique taboue et ne peut être traitée uniquement comme un problème lié au conflit armé », déclare Khaled Fekih, directeur de projet de MSF en RCA. « Malgré certains développements positifs au cours des cinq dernières années, de nombreuses survivantes de violences sexuelles – 95 % sont des femmes – ne signalent pas leur cas et ne cherchent pas à se faire soigner. Nous savons que le nombre de personnes prises en charge n’est encore que la partie émergée de l’iceberg. Le gouvernement centrafricain et d’autres organisations humanitaires nationales et internationales doivent prendre des mesures plus concrètes pour remédier à cette situation. »

Dans le rapport « Des blessures invisibles  », MSF analyse les données quantitatives d’une douzaine de projets et d’interventions d’urgence qu’elle mène en RCA. Davantage de survivantes et survivants de violences sexuelles ont eu accès à une assistance au cours des cinq dernières années. Cependant, de nombreuses lacunes subsistent partout : de la fourniture de soins de base aux soins médicaux complets, du soutien psychosocial primaire aux soins psychiatriques les plus sophistiqués pour les cas compliqués. Les survivantes n’ont pas non plus accès à la protection ni au soutien socio-économique et juridique.

« Les patientes et patients sont confrontés à de nombreux obstacles pour obtenir des soins en temps voulu. Ce sont notamment la peur, le manque de moyens de transport ou de ressources, l’inefficacité des parcours de soins… », explique Liliana Palacios, conseillère en santé de MSF. Dans certains endroits, MSF a reçu des personnes ayant parcouru 130 kilomètres, ce qui peut représenter de très longues heures, voire de jours, de voyage vu le mauvais état du réseau routier en RCA. Parfois, les patientes et les patients n’ont cherché à se faire soigner que plusieurs années après avoir subi les agressions. »

La violence sexuelle en RCA va bien au-delà du conflit. Au cours de la période analysée, il a été constaté qu’une minorité d’agresseurs étaient armés (environ 20 %). La grande majorité des agresseurs faisaient partie de l’entourage proche de la victime (environ 70 %). Malheureusement, les auteurs restent très peu condamnés en raison d’une impunité flagrante. Mais les survivantes et survivants sont confrontés à une stigmatisation aiguë et à des obstacles considérables pour poursuivre une vie normale au sein de la communauté. Afin de leur permettre de réintégrer la société et ne pas être pénalisés alors qu’ils ont besoin d’aide, les survivantes et survivants doivent avoir accès à un soutien juridique et à une assistance socio-économique.

Zone d’attente vue à travers une fenêtre. République centrafricaine, 2023. © Juan Carlos Tomasi/MSF

Entre 2018 et 2022, MSF a multiplié par trois le nombre de personnes accueillies, tandis que d’autres organisations l’ont multiplié par deux. Plus de 34 400 personnes ayant subi des violences sexuelles ont été prises en charge en RCA au cours de ces cinq années, et plus de la moitié d’entre elles (57 %) ont été reçues par MSF.

« Une approche collective et holistique beaucoup plus forte est nécessaire pour faire plus, plus vite et mieux. L’approche doit être centrée sur les survivantes et survivants et leurs besoins, basée sur la confidentialité, l’empathie, et le respect », déclare Khaled Fekih.