Une aide-soignante de MSF, Barnaba, vérifie la température d'un patient dans une clinique mobile sur le site de transit de Riverside à Renk, dans l'État du Haut-Nil, au Sud-Soudan. Sud-Soudan, 2023. © MSF
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Soudan du Sud : Une crise dans la crise – les personnes fuyant le conflit au Soudan luttent pour leur survie

Des milliers de personnes qui ont fui le conflit au Soudan en traversant le Soudan du Sud luttent maintenant pour leur survie dans les centres de transit des États du Nil Supérieur et du Bahr El Ghazal du Nord, a déclaré Médecins Sans Frontières (MSF). La plupart d’entre elles sont ressortissantes du Soudan du Sud – dont beaucoup sont des femmes et des enfants – et vivaient au Soudan lorsque le conflit a éclaté en avril. Les gens rapatriés qui s’abritent dans et autour des camps de transit le long de la frontière disposent de peu d’abris, de nourriture et d’eau potable, et les installations sanitaires sont inadéquates. MSF appelle la communauté médicale et humanitaire à lancer des actions coordonnées pour répondre aux besoins croissants de ces personnes.

« Les États du Nil Supérieur et du Bahr El Ghazal du Nord, en particulier, sont confrontés à un afflux massif de personnes rapatriées et l’aide humanitaire actuelle est débordée », déclare Jocelyn Yapi, chef de mission MSF au Soudan du Sud.

« Les personnes déplacées, déjà traumatisées, ont un accès très limité à la nourriture, aux abris, à des équipements sanitaires et à d’autres biens essentiels. Il s’avère urgent que les autorités et les diverses organisations accélèrent le processus de transfert vers d’autres parties du pays, et ce, dans le respect. Il importe tout autant qu’elles garantissent la fourniture de services de base à cette population pour sa survie et son installation au Soudan du Sud ».

Les mauvaises conditions de vie dans les camps de transit ont déjà un impact négatif sur la santé des individus et, avec l’arrivée de la saison des pluies, la situation pourrait devenir catastrophique, prévient MSF.

« Nos équipes soignent déjà des personnes atteintes de maladies qui pourraient être évitées si les conditions de vie étaient meilleures », explique Jocelyn Yapi. « Avec l’arrivée de la saison des pluies, si ces besoins ne sont pas satisfaits rapidement, nous craignons des épidémies et une catastrophe sanitaire qui pourraient mettre en danger la vie de milliers de gens. »

Les combats ont déplacé des dizaines de milliers de gens au Soudan depuis la mi-avril. Plus de 127 000 personnes ont cherché refuge au Soudan du Sud, principalement à Renk, dans l’État du Nil Supérieur. Aujourd’hui, de 800 à 1 000 individus passent chaque jour à Renk sur des charrettes tirées par des ânes, souvent après avoir effectué des trajets longs et dangereux pour atteindre la frontière.

Awel Shoul, accompagné de son frère malade, est l’une des nombreux individus qui retournent dans leur pays en quête de sécurité. Son frère suivait un traitement médical au Soudan et devait subir une intervention chirurgicale, mais il a dû interrompre son traitement lorsque Khartoum est devenue une zone de combat.

Awel décrit leur voyage de 15 jours : « Nous avons fui Khartoum pour sauver nos vies. En chemin, nous avons rencontré des hommes armés qui nous ont pris notre argent et nos biens. On nous a aussi volé nos téléphones cellulaires. »

En traversant le Soudan du Sud, la plupart des individus rapatriés ne se rendent pas compte qu’une autre crise les attend. À Renk, le principal centre de transit accueille actuellement plus de 12 000 personnes, soit bien plus que sa capacité d’accueil et l’aide disponible. Des centaines de familles se sont installées à l’extérieur du centre de transit, se protégeant du soleil avec les matériaux qu’elles peuvent trouver.

Il y a environ un mois, le centre de transit a été le théâtre d’affrontements intercommunautaires. Depuis, certains membres de ces communautés ont quitté le centre afin de pouvoir vivre en paix. Alors qu’une certaine aide est disponible pour les personnes installées dans le centre de transit, il n’y a pas de réponse fonctionnelle pour celles qui se trouvent à l’extérieur.

« Nous n’avons pas de nourriture », déclare Anyr Mathok Deng, qui dort dans un entrepôt près de la rivière dans la ville de Renk, après être revenu dans le pays à la suite de 40 ans au Soudan. « Il n’y a presque pas d’articles de secours nécessaires à la survie. Des serpents et des scorpions viennent de la rivière. On n’a pas assez d’eau potable », explique-t-il. « Les gens ne veulent pas rester ici. Ils sont tellement désespérés qu’ils sont prêts, pour partir, à vendre leurs vêtements et même à marcher nus s’il le faut afin d’obtenir l’argent pour le transport ».

Les camionneurs locaux demandent environ 25 000 livres sud-soudanaises (soit 33 dollars canadiens) par personne pour transporter les gens de Renk à Palouch. De cette ville, située à 150 km, la plupart espèrent prendre un vol pour la région de Bahr El Ghazal. Les gens qui n’ont pas les moyens de voyager attendent l’arrivée de l’aide. Bien qu’originaires du Soudan du Sud, ce n’est pas un retour aux sources : ces personnes rapatriées ont vécu au Soudan toute leur vie ou pendant des années. Elles ont donc besoin d’aide pour se déplacer et pour survivre avec des produits de première nécessité tels que des soins de santé, de la nourriture, un abri, etc. Les autorités locales de Renk ont annoncé un plan de transfert des gens rapatriés vers un second centre de transit dans la ville de Malakal, qui abrite déjà un camp pour personnes déplacées. Cependant, tous les trajets entre Renk et Malakal ont été temporairement suspendus, après que des violences intercommunautaires ont éclaté dans le camp de Malakal au début du mois de juin, faisant au moins 17 morts.

À Aweil, dans l’État du Nord du Bahr el Ghazal, la situation est similaire. Alors que les ressortissantes et ressortissants soudanais sont hébergés dans un centre de transit pour personnes réfugiées, de nombreuses rapatriées et rapatriés sud-soudanais vivent encore sous les arbres, sans nourriture, sans eau potable et sans installations sanitaires adéquates. Les besoins humanitaires étaient déjà importants dans l’État du Nord du Bahr el Ghazal avant la crise actuelle et les coupes budgétaires ont érodé les services de santé.

« L’arrivée des personnes rapatriées ou réfugiées va avoir un impact considérable sur la situation humanitaire dans l’État du Nord du Bahr El Ghazal », déclare Margot Grelet, coordonnatrice de projet MSF à Aweil. « Nous constatons déjà une augmentation des cas de malnutrition. En raison de la réduction du financement humanitaire ces dernières années, en particulier pour les structures de santé, le système actuel est déjà insuffisant pour les communautés locales et ne peut pas répondre à des besoins supplémentaires. »

MSF a implanté des interventions d’urgence dans les États du Nil Supérieur et du Bahr El Ghazal septentrional, avec trois cliniques mobiles à Renk et une à Aweil. À Renk, les équipes de MSF chargées de l’eau et des installations sanitaires traitent l’eau de la rivière pour fournir de l’eau potable aux personnes déplacées. Quant aux équipes médicales, elles dépistent la malnutrition chez les enfants et ont mis en place un service d’isolement pour la rougeole. Les équipes de MSF orientent également ceux et celles qui ont besoin de soins médicaux spécialisés, d’un soutien en santé mentale et d’une éducation à la santé.

Dawai Apayi, infirmière d’urgence MSF à Renk, explique : « Nous traitons les gens pour des diarrhées aqueuses aiguës, le paludisme, des infections des voies respiratoires et des infections oculaires. La défécation à l’air libre est endémique dans la région. De plus, les entrepôts et les abris temporaires risquent d’être inondés; avec l’arrivée des pluies. La population est également sujette à des épidémies telles que le choléra. Pour éviter cela, il est essentiel de répondre aux besoins fondamentaux des gens en leur fournissant des abris, de l’eau potable et des installations sanitaires. »

Le conflit au Soudan n’étant pas près de s’achever, on s’attend à ce que de plus en plus de personnes traversent la frontière pour entrer au Soudan du Sud. Si le processus de transit ne s’accélère pas, MSF prévient que les besoins non satisfaits des populations d’Aweil et de Renk risquent d’augmenter, avec des conséquences sur la santé potentiellement catastrophiques.