Internally displaced people (IDPs) in Katasomwa, in the Kalehe Territory of the Congolese province of South Kivu, are living in makeshift camps, lacking basic facilities such as shelter, food, water, latrines and medical care. The living conditions in which they dwell are conducive to the proliferation of diseases and vulnerabilities of all kinds. © Paul Duke/MSF
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Sud-Kivu, RDC : Un combat sans fin

 

Au cours des deux dernières années, l’instabilité qui a fait rage dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) a contraint plusieurs milliers de personnes à fuir. Beaucoup d’entre elles ont trouvé refuge de l’autre côté de la frontière qui sépare le Nord et le Sud-Kivu, où elles doivent partager des ressources et des terres limitées avec des populations tout aussi vulnérables.

« Nous avons entendu dire qu’il y avait la paix à Katasomwa, alors nous avons décidé de venir ici », a raconté Justin. « De nombreuses personnes se sont fait tuer en chemin. Depuis que nous sommes arrivés ici, en juillet, nous avons du mal à trouver de la nourriture. Nous sommes constamment menacés par la pluie, et les abris dans lesquels nous vivons peuvent brûler à tout moment. Notre vie est misérable. »

Pendant que Justin parle, une hutte de paille brûle à quelques mètres de lui. Plus personne ne bouge. Il n’y a rien d’autre à faire que de la laisser brûler, ainsi que tout ce qu’elle contient. En quelques secondes, les quelques biens de l’un des 957 ménages déplacés de ce site de Katasomwa sont partis en fumée.

« Ils nous menaçaient la nuit. Ils ont incendié nos maisons. Ils ont nous frappaient continuellement et ont même attaqué certains d’entre nous avec leurs machettes. »

Originaire de Masisi dans la province du Nord-Kivu, Justin n’avait d’autre choix que de s’enfuir. Avec sa famille et des milliers d’autres personnes, il a traversé la frontière provinciale et s’est rendu jusqu’au village de Katasomwa au Sud-Kivu. Il y avait déjà des déplacés sur place. Au cours des deux dernières années, les affrontements incessants entre l’armée nationale et les groupes armés parlant le kinyarwanda ont poussé plus de dix mille personnes à fuir dans cette seule petite région, qui est isolée et dépourvue d’infrastructures de base.

 

Des taux de mortalité vertigineux

 

La grande majorité des personnes déplacées dans les zones de santé de Mushunguti, Ramba et Bushaku, affligées par la pauvreté, sont des femmes et des enfants. Après les difficultés associées à leur fuite et avec les conditions de vie difficiles dans un camp de déplacés comme Katasomwa, ces personnes tombent rapidement malades. La diarrhée, les infections respiratoires aiguës et la parasitose intestinale ne sont que quelques-unes des nombreuses infections proliférant dans de telles conditions. Après un premier dépistage nutritionnel, de nombreux enfants ont été identifiés comme étant gravement malnutris.

L’arrivée de populations déplacées a été un défi pour ce système de santé en voie de développement. Le poste de santé de Katasomwa est géré par un personnel motivé, mais dépourvu de moyens adéquats. « Les femmes déplacées évitaient de se rendre au poste de santé parce qu’elles n’ont pas d’argent pour payer les soins », a raconté l’infirmière en chef Esther Isabayo Benimana. « Beaucoup accouchaient dans le camp, et certaines ont perdu la vie de cette façon. »

Médecins Sans Frontières (MSF) a décidé d’intervenir face à cette situation sanitaire désastreuse en fournissant une aide médicale d’urgence aux populations vulnérables dans les hauts plateaux. Selon David Namegabe, médecin urgentologue de MSF, la priorité était de répondre aux besoins médicaux. « Nous nous sommes d’abord concentrés sur les populations ayant les taux de mortalité les plus élevés, principalement les enfants de moins de 15 ans et les femmes enceintes. La mortalité maternelle dans la région est très élevée. Nous avons également ciblé toutes les urgences chirurgicales, qui sont l’autre cause de décès dans cette communauté telle qu’enregistrée par le poste de santé. » Les paroles de David sont interrompues par un fort bruit de marteaux. Les équipes logistiques de MSF travaillent à réhabiliter le poste de santé de Katasomwa, ainsi que les autres établissements des zones de santé de Mushunguti, Ramba et Bushaku.

Les populations de la région n’ont bénéficié d’aucune vaccination depuis plus de trois ans. MSF a décidé d’organiser une campagne de vaccination multi-antigènes, en collaboration avec les autorités sanitaires. Dans les trois régions, quelque 7 000 enfants ont ainsi été protégés contre des maladies courantes mais évitables telles que la rougeole.

 

« Nous aussi, nous mettons neuf mois à naître »

 

Les besoins restent élevés et ont pour effet supplémentaire d’exacerber les inégalités qui affectaient la région bien avant l’arrivée des populations déplacées. Les communautés pygmées ont été contraintes de quitter la forêt de Kahuzi Biega, où elles vivaient depuis des générations jusqu’à ce que le parc devienne un site du patrimoine mondial de l’UNESCO, et font désormais l’objet de discrimination.

« N’importe quel enfant peut voler, mais c’est toujours toute la communauté pygmée qui est blâmée », a déclaré Roza Nyirakongomani, une représentante de cette communauté nomade. « Les gens disent que ce sont les Pygmées qui volent. Même si ce n’était pas l’un des nôtres. Pourquoi ? Parce que nous n’avons pas d’activités régulières. Nos filles se font violer. Elles partent le matin pour demander une compensation, mais reviennent sans rien. Elles sont prises de force. Parfois, nous connaissons même les responsables de ces crimes, mais on ne peut pas les traduire en justice parce qu’on n’a pas d’argent pour payer le procès. » Ces populations souvent ignorées accueillent chaleureusement toute aide qui leur est offerte. « Nous aussi, nous mettons neuf mois à naître », dit-elle. « Nous ne comprenons pas pourquoi nous sommes toujours oubliés. Cela nous fait mal au cœur. »

Afin de répondre aux besoins des communautés les plus isolées, MSF a identifié un membre par village comme agent de santé bénévole, capable de traiter rapidement les cas les plus bénins et d’orienter les cas plus graves au centre hospitalier le plus proche, à Chigoma. Cela aura pour effet de décongestionner les établissements de santé.

« C’est Katasomwa ici!» crie Innocent, qui est en charge de la formation des agents de santé communautaires. Après l’apprentissage théorique, chaque candidat reçoit un cahier, des stylos, des bottes en caoutchouc et des médicaments. Cette trousse de base leur permettra d’améliorer l’état de santé global des membres de leur communauté.

La tension, l’éloignement et leur mode de vie différent ont fait naître la méfiance et la stigmatisation envers les minorités, qu’elles soient déplacées ou pygmées. Leurs droits fondamentaux sont constamment bafoués. Au-delà des besoins médicaux auxquels MSF a répondu dans cette situation d’urgence, les personnes vivant dans les zones de Mushunguti, Ramba et Bushaku ont besoin de protection de leurs droits, ainsi que d’un meilleur accès aux soins de santé, à l’éducation, à la justice et aux moyens de subsistance qui leur permettrait non seulement de vivre au quotidien, mais aussi d’assurer un avenir à leurs enfants.