Syrie: “L’un des plus grands défis, maintenant, c’est la santé mentale”
Après les puissants tremblements de terre qui ont frappé le sud de la Türkiye et le nord-ouest de la Syrie le 6 février, les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) qui travaillaient dans le nord-ouest de la Syrie se sont mobilisées avec des partenaires locaux pour répondre aux besoins humanitaires croissants.
La situation dans le nord-ouest de la Syrie est particulièrement désastreuse pour les personnes confrontées à plus de 11 ans de guerre et aux effets combinés d’une situation économique précaire, de la pandémie de COVID-19 et, plus récemment, d’une épidémie de choléra.
Sherwan Qasem travaille avec MSF depuis plus de 10 ans en Türkiye, en Syrie, en Somalie et en Lituanie. Originaire de Syrie, il fait maintenant partie de l’équipe d’urgence de MSF à Amsterdam. Il partage son expérience personnelle, écrite quatre jours après les tremblements de terre.
« Quand j’ai entendu parler des tremblements de terre ce lundi matin, j’ai immédiatement essayé de contacter ma famille et mes amis en Syrie. Je n’ai pas pu les rejoindre, car il n’y avait ni électricité ni accès Internet. Je suis resté assis là, à imaginer le pire, c’était très stressant.
J’ai finalement réussi à rejoindre ma mère au téléphone. Elle a dit que tout le monde a cru vivre les derniers moments de sa vie. Heureusement, tous les membres de ma famille sont sains et saufs. Mais beaucoup de gens éprouvent de grandes difficultés. Un grand nombre de maisons et de bâtiments ont été détruits, ce qui a entraîné un nombre effarant de décès et de blessures, et causé des dommages aux infrastructures en Türkiye et en Syrie. Aujourd’hui, des milliers de personnes sont sans abri. »
« La situation est extrêmement grave. Cette région est en guerre depuis plus de 11 ans, et le secteur médical était déjà en difficulté avant les tremblements de terre. »
« Dans le nord-ouest de la Syrie, les hôpitaux soutenus par MSF ont reçu des milliers de personnes blessées, et des centaines d’entre elles sont mortes.
Je suis en contact avec mes collègues dans la zone rurale d’Alep-Ouest, où je travaillais avec MSF. Ils disent que la situation est extrêmement grave. Cette région est en guerre depuis plus de 11 ans, et le secteur médical était déjà en difficulté avant les tremblements de terre.
MSF a deux grandes priorités en ce moment. Tout d’abord, soutenir les hôpitaux et les établissements de santé existants avec des fournitures et de la formation pour répondre à cette urgence. Nous leur fournissons également du carburant afin qu’ils puissent avoir de l’électricité et du chauffage. La Syrie — comme de nombreux pays à travers le monde — est touchée par une crise énergétique découlant de la guerre en Ukraine. Il n’y a pas assez de carburant pour faire fonctionner les génératrices.
La deuxième est de leur permettre d’accéder à des fournitures. L’un des principaux problèmes est lemanque d’accès à ce secteur. Le seul accès passe par un couloir humanitaire. Pendant des années, il a été difficile d’apporter une assistance et des fournitures dans cette région et, malheureusement, cela n’a pas été plus facile ces derniers jours. Aucune aide n’a pu atteindre la région dans les 48 premières heures après le tremblement de terre — le délai crucial pour trouver des survivants et des survivantes. Nous nous appelons Médecins Sans Frontières, mais malheureusement, il y a beaucoup de frontières, et nousessayons de les surmonter et de trouver différentes façons de porter assistance aux personnes en détresse. »
« L’un des plus grands défis, maintenant, c’est la santé mentale. Imaginez que vous vivez dans un camp, dans une tente, dans un abri de fortune, après de nombreuses années de conflit, sans aucun espoir pour l’avenir? »
« Quatre millions de personnes vivent dans cette région, dont 2,8 millions ont déjà été déplacées — certaines plus d’une fois. J’ai rencontré des gens qui avaient été déplacés 20 fois. Plusieurs de ces personnes n’ont pas pu quitter le pays faute de ressources, ou ont choisi de rester pour prendre soin d’un proche malade nécessitant du soutien ou refusant de quitter sa terre natale. Qui plus est, on compte plus de 3,6 millions de Syriennes et Syriens réfugiés en Türkiye, dont la majorité vivait dans les quatre provinces les plus touchées par le tremblement de terre. Lorsque les gens ont fui la Syrie vers la Türkiye en quête de sécurité, la plupart voulaient rester aussi près que possible de la frontière syrienne afin de pouvoir un jour rentrer chez eux.
L’un des plus grands défis, maintenant, c’est la santé mentale. Imaginez que vous vivez dans un camp, dans une tente, dans un abri de fortune, après de nombreuses années de conflit, sans aucun espoir pour l’avenir? Une situation qui pèse lourd sur la santé psychologique.
Hier, ma mère m’a dit : “Mon fils, je ne sais pas ce qui peut arriver demain. Chaque année depuis 12 ans, nous espérons que ce sera la dernière année de notre souffrance.” »