Crise climatique : Impact sur la santé humaine
Les urgences liées au climat sont également des urgences sanitaires
L’impact des changements climatiques sur la santé humaine
Médecins Sans Frontières (MSF) s’intéresse de près à l’impact futur des changements climatiques sur nos activités médicales et humanitaires d’urgence. Nous répondons déjà à beaucoup des crises les plus graves de la planète — conflits, catastrophes, maladies, déplacements de population — et nous voyons les conséquences qu’un changement environnemental rapide peut avoir sur des populations déjà fragilisées.
Les urgences liées au climat sont également des urgences sanitaires. La crise climatique ne fait pas uniquement référence aux cyclones et aux typhons catastrophiques qui font la une des journaux. Elle se manifeste aussi par la propagation des maladies mortelles qui s’ensuivent, le risque croissant de sécheresse et de famine, le déplacement massif de populations, et plus encore. Les effets des changements climatiques peuvent produire des urgences humanitaires majeures.
Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), les changements climatiques peuvent affecter les aspects environnementaux de la santé, notamment la pureté de l’air, la suffisance alimentaire, ainsi que la disponibilité de l’eau potable et d’un abri sûr.
Dans quelle mesure la crise climatique est-elle grave, et pourquoi est-ce important pour MSF?
Les personnes déjà confrontées à des risques sanitaires disproportionnés, y compris à la COVID-19, sont plus vulnérables aux impacts de la crise climatique sur l’environnement. Certaines des régions où MSF travaille sont plus vulnérables que d’autres aux changements climatiques, en particulier l’Asie du Sud et la région Pacifique, le Moyen-Orient, la ceinture sahélienne, l’Afrique australe et l’Amérique centrale.
MSF, déjà présente dans ces régions pour dispenser des soins médicaux urgents, surveille l’impact des facteurs environnementaux sur la santé de nos patients. Une meilleure compréhension de la relation entre les changements climatiques et les urgences médicales humanitaires est essentielle pour que MSF puisse agir devant des scénarios en évolution et se préparer à de nouvelles crises.
MSF s’engage à en faire plus de toute urgence pour affronter les conséquences humanitaires croissantes de la dégradation de l’environnement et des changements climatiques sur les populations vulnérables. Nous avons la responsabilité de faire mieux pour nos patients, notre personnel et le monde.
Conséquences des changements climatiques sur la santé humaine
Épidémies de maladies
Lorsqu’un événement météorologique extrême survient, une épidémie peut rapidement s’ensuivre.
En mars 2019, le cyclone Idai – l’une des pires tempêtes tropicales à avoir frappé l’hémisphère sud – a ravagé le Mozambique, ainsi que certaines parties du Malawi et du Zimbabwe.
En plus des immédiates et dévastatrices pertes de vies et de moyens de subsistance, une crise secondaire s’est installée alors que de vastes régions du Mozambique n’avaient plus accès à l’eau potable et à l’assainissement. Peu de temps après, des cas de choléra ont commencé à apparaître.
MSF a lancé une vaste réponse d’urgence. Nous avons rapidement mis en place des centres de traitement dans les zones les plus touchées, nos équipes logistiques ont travaillé 24 heures sur 24 pour restaurer l’approvisionnement en eau potable, et nous avons soutenu une campagne de vaccination de masse afin de protéger plus de 800 000 personnes de la maladie.
Seulement quelques semaines après le passage du cyclone Idai, une deuxième tempête tropicale, le cyclone Kenneth, a frappé le Mozambique. Jamais auparavant deux cyclones n’avaient frappé le pays en une seule saison.
Virus transmis par les moustiques
Dans les points chauds climatiques du monde, des températures plus chaudes et des pluies inhabituelles créent un terrain fertile pour les moustiques, ce qui explique la forte augmentation des cas de paludisme (en anglais) et de dengue.
Le paludisme tue déjà plus de 400 000 personnes chaque année, principalement des enfants de moins de cinq ans en Afrique subsaharienne. MSF œuvre dans la région depuis 2012. Ses équipes y ont identifié plusieurs pics significatifs de paludisme par rapport aux moyennes annuelles.
Certes, des obstacles politiques et financiers complexes viennent entraver la lutte contre la maladie, mais les données portent à croire que les taux de paludisme continueront d’augmenter en Afrique, et au-delà, en raison des changements climatiques.
Parallèlement, les taux de dengue sévère, l’une des principales causes d’hospitalisation et de décès en Amérique latine et en Asie, ont augmenté de 3 000 pour cent au cours des 50 dernières années en raison du réchauffement climatique et de la propagation des moustiques porteurs de la dengue. MSF répond aux épidémies de dengue, notamment au Honduras, où les saisons des pluies favorisent la propagation du virus.
Malnutrition
La malnutrition est une conséquence médicale directe du manque d’eau, de la sécheresse et de l’insécurité alimentaire .
De telles conditions sont clairement réunies dans la région africaine du lac Tchad, à la lisière sud du désert saharien.
Cette source d’eau vitale pour des millions de personnes vivant au Tchad, au Cameroun, au Nigéria et au Niger fut jadis l’un des plus grands lacs d’Afrique. Cependant, la surutilisation et la sécheresse ont causé le quasi-assèchement du lac à divers moments de son histoire récente. En 2019, cela faisait 15 ans que MSF traitait la malnutrition au Niger.
La malnutrition a eu un impact catastrophique sur les besoins de base des communautés, car moins d’eau signifie que les agriculteurs produisent de moins en moins de nourriture.
Les enfants vivant dans la région sont désormais exposés à un risque élevé de malnutrition, qui retarde leur développement, affaiblit leur système immunitaire et les rend beaucoup plus vulnérables aux maladies comme le paludisme.
En 2020, on estimait que 422 millions de personnes dans 30 pays étaient sous-alimentées en raison de l’impact des changements climatiques sur la production alimentaire.
Réfugiés et personnes déplacées
Selon l’OMS, à la mi-2020, il y avait plus de 80 millions de réfugiés et de personnes déplacées dans le monde, soit plus qu’à tout autre moment de l’histoire moderne.
Alors que l’impact des changements climatiques ne fait que s’aggraver, ce niveau record devrait poursuivre sa trajectoire ascendante, car de plus en plus de personnes vulnérables sont forcées de fuir leur foyer.
Les estimations varient largement, mais les études les plus reconnues prédisent que d’ici 2050, au moins 200 millions de personnes seront déracinées en conséquence directe des changements climatiques.
Cette tendance s’observe déjà dans la santé au travail. Les migrants environnementaux qui se déplacent vers les grandes villes à mesure que leurs moyens de subsistance ruraux échouent se retrouvent coincés dans des environnements pollués et dangereux.
« MSF intensifie ses efforts d’atténuation tout en intégrant une approche de santé planétaire. Cela signifie de réduire les dommages environnementaux résultant de nos opérations et de nos pratiques grâce auxquelles nous sauvons des vies, atténuons les souffrances et réduisons les vulnérabilités, tout en reconnaissant les avantages collatéraux pour la santé et les économies de coûts potentielles de la transition vers les énergies renouvelables, ainsi que de la prévention et de la réduction des déchets et des émissions de carbone liées aux transports
Lancet countdown
Dans un nouvel exposé de politique publié dans The Lancet Countdown: Tracking Progress on Health and Climate Change 2020 (en anglais), les équipes médico-humanitaires de MSF travaillant aux quatre coins du monde et dans diverses disciplines s’intéressent aux conséquences sanitaires et humanitaires dans un monde de plus en plus affecté par les changements climatiques.
L’exposé de politique, une contribution au rapport The Lancet Countdown 2020 (en anglais), met en garde qu’aucun pays, qu’il soit riche ou pauvre, n’est à l’abri des effets des changements climatiques sur la santé.
S’appuyant sur une série d’études de cas et de résumés géographiques, les auteurs de MSF préviennent que les perturbations environnementales d’origine humaine amplifieront les besoins médicaux et humanitaires existants, en particulier dans les points chauds des changements climatiques.
Les auteurs partagent leurs points de vue éclairés sur la réponse humanitaire aux migrations attribuables aux changements climatiques au Bangladesh, aux maladies et décès liés aux canicules et à la chaleur au Pakistan, ainsi qu’au paludisme et aux inondations au Niger.
D’autres rapports mettent en lumière les avantages d’intégrer la météorologie et l’anticipation du climat dans la réponse humanitaire, et la façon dont les équipes médicales ont adapté une stratégie de vaccination contre le choléra au Malawi pour protéger une communauté de pêcheurs vivant au bord d’un lac, dans une région où les changements environnementaux ont rendu la population particulièrement vulnérable aux épidémies de choléra.
Le rapport s’appuie également sur diverses expériences pour montrer comment la double crise de la COVID-19 et du climat dépasse la capacité humanitaire, tout en soulignant la possibilité que les tendances inquiétantes dans la réponse politique mondiale à la COVID-19 se reflètent dans la réponse aux changements climatiques.
Et finalement, l’exposé explique comment MSF apprend à adapter ses interventions sanitaires et humanitaires en tenant compte des changements climatiques, ainsi qu’à réduire l’empreinte environnementale de l’organisation.
L’engagement de MSF dans la lutte contre la crise climatique
Nous avons adopté plusieurs initiatives dans l’ensemble de l’organisation –
- Réduction des voyages aériens et du fret aérien non essentiels
- Mesure et atténuation de nos émissions de carbone
- Recours à des systèmes solaires et à des pratiques plus écoénergétiques
- Prévention et réduction des déchets
- Numérisation des processus
- Utilisation de systèmes et d’appareils à énergie solaire dans les opérations humanitaires
Nous avons utilisé l’énergie solaire dans des projets médicaux au Tchad et en Éthiopie en 1986 et 1976, à Dagah, dans la province de Bamiyan, en Afghanistan en 2003, et continuons d’utiliser l’énergie solaire en Haïti et au Pakistan et des pompes à eau solaires au Bangladesh, au Soudan et en RDC.
MSF a consciemment et rapidement commencé à travailler sur la réduction de son empreinte environnementale, mais il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Nous maintenons et respectons notre éthique médicale de « ne pas nuire », et nous devons nous assurer d’être réactifs, responsables et prêts pour l’avenir face à la crise climatique.