MSF staff are not able to access the FRC, after a principled suspension of activities following unacceptable restrictions placed upon our work in May 2022. The photo was taken during this subsequent period, by an individual held within the centre. MSF teams have been conducting virtual outreach and mapping, as well as providing remote mental health support to the people detained in Kybartai. © MSF
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Des pratiques discriminatoires et cruelles accentuent les souffrances des personnes en Lituanie

 

La santé mentale des personnes migrantes et demandeuses d’asile vulnérabilisées par une détention prolongée en Lituanie se détériore de manière alarmante. Les pratiques migratoires et les procédures judiciaires déficientes des autorités lituaniennes discriminent certaines nationalités plus que d’autres, et contribuent au maintien en détention de ces personnes, a déclaré aujourd’hui l’organisation internationale d’aide médicale humanitaire Médecins Sans Frontières (MSF).

MSF dénonce la détention prolongée et la discrimination systémique en Lituanie et réclame la mise en place immédiate de moyens plus humains pour répondre équitablement aux besoins des personnes vulnérabilisées et traumatisées. 

« Un grand nombre de personnes détenues ont survécu à des expériences profondément traumatisantes », explique Georgina Brown, responsable nationale de MSF en Lituanie. « Mais, au lieu de répondre à leurs besoins, les autorités lituaniennes aggravent leur souffrance psychologique en les détenant et en les maintenant dans le flou. Ces hommes, femmes et enfants vivent beaucoup d’incertitudes quant à leur avenir, terrifié·e·s à l’idée d’être renvoyé·e·s de force vers le danger qu’ils et elles ont fui, et emprisonné·e·s sans liberté, sans autonomie ni protection adéquate. La résilience de ces personnes diminuera et leur souffrance ne fera qu’augmenter de façon exponentielle. Il est consternant de savoir que certaines nationalités sont plus susceptibles que d’autres de voir cette détention prolongée, créant ainsi une hiérarchie de la souffrance dont les autorités lituaniennes devraient avoir honte. »

Environ 700 personnes sont détenues aux centres d’enregistrement des étrangers à Kybartai, Pabrade et Rukla ainsi qu’à Naujininkai, en Lituanie, depuis qu’elles ont franchi la frontière depuis la Biélorussie, en 2021. 

Entre janvier et mai 2022, MSF a prodigué des soins de santé primaires ainsi qu’un soutien en santé mentale aux personnes détenues en Lituanie. Toutefois, MSF reste malheureusement bien consciente que ce travail ne s’attaque pas à la source de leur souffrance, à savoir la détention. Parmi les patients et les patientes à qui MSF a prodigué des soins en santé mentale entre janvier et mars 2022, plus de 70 % ont signalé que la détention était la principale cause de leur besoin en matière de soutien.

« Je suis tellement désespéré, j’ai essayé de me faire du mal, car je veux sortir de cette prison », confie à MSF un homme détenu dans un centre en Lituanie. « Plusieurs fois, j’ai vraiment décidé de me suicider. Vous souffrez, vous avez honte, vous êtes maltraité. Et donc, c’est la prison. J’étais désespéré. J’étais tellement déprimé. Mais je ne peux pas, car il faut plus de courage. Je ne suis pas à ce point brisé. »

MSF a remarqué que certaines nationalités sont beaucoup plus susceptibles de voir leur détention prolongée, d’être maintenues en détention après l’expiration de leur ordre de détention ou de se voir retirer la liberté de mouvement limitée qui leur avait peut-être été accordée. Par exemple, sur 184 personnes détenues au centre de Kybartain, en août 2022, la plupart étaient issues de deux nationalités présentes pratiquement en nombre identique, et représentant respectivement 18 % et 16 % de la population totale. Les Nigérians et Nigérianes constituent 16 % de cette population, mais près de 28 % de ces personnes se voient imposer des prolongations de détention. Le plus grand groupe de nationalité constitue 18 % de la population, mais représente 2 % des prolongations.

Les personnes originaires de l’Inde ne constituent que 6 % de cette population, mais représentent plus de 15 % des prolongations actuelles. Par ailleurs, les demandeurs et demandeuses d’asile russes et biélorusses récemment arrivé·e·s dans les centres n’ont pas été placé·e·s en détention, et 100 % de ces personnes ont bénéficié d’une liberté de mouvement limitée.

MSF constate que cette tendance se répète dans d’autres centres en Lituanie, notamment dans des endroits où il est quasi impossible de recueillir des données précises. Nous recevons de nombreux rapports émanant de quelques centres et indiquant que certaines nationalités, y compris les personnes originaires du Niger et du Congo, sont plus susceptibles que d’autres de faire l’objet de pratiques migratoires discriminatoires. Au nombre de celles-ci, le maintien en détention après l’expiration de l’ordre de détention sans avoir obtenu de prolongation judiciaire prévue par la loi, et la révocation de leur liberté de mouvement limitée (situation qui les renvoie en détention).

MSF a observé que les politiques et pratiques migratoires hostiles qui ont cours à travers le monde, comme les détentions arbitraires et prolongées, ne servent à rien d’autre qu’à priver de leurs droits et à aggraver la détresse de ceux et celles qui y sont soumis et soumises. Quand les autorités traitent les gens si cruellement, en les privant de liberté, de leur espoir et de leur autonomie, cela comporte de graves conséquences. Cela peut détruire des vies.

Le fait que la cruauté de la détention soit aggravée en Lituanie par des pratiques discriminatoires et des procédures juridiques déficientes, ayant pour conséquences de maltraiter davantage certaines nationalités, met en lumière le caractère inhumain de l’approche du pays en matière de migration. C’est l’antithèse du traitement digne et humain et des droits fondamentaux de la personne auxquels ont droit ces personnes lorsqu’elles sont en quête de protection internationale.

Compte tenu de la souffrance des personnes toujours détenues en Lituanie, et de la contribution scandaleuse des autorités du pays à la dégradation collective mondiale des droits de la personne des réfugié·e·s, des migrants, des migrantes et des personnes demandeuses d’asile, MSF réclame l’arrêt immédiat de la détention prolongée et la mise en place d’un système d’asile équitable qui respecte la dignité, la santé et les droits fondamentaux des hommes, des femmes et des enfants aspirant à la sécurité en Lituanie.

« Nous, les Africains et les Africaines, sommes toujours là », dit à MSF un homme détenu dans un centre lituanien d’enregistrement des étrangers. « Les autres nationalités étaient majoritaires. Et maintenant elles sont toutes parties, et nous, les Africains et Africaines, nous restons. Il y a tellement choses qui n’ont pas été traitées de manière équitable. Ils nous traitent différemment. Je ne m’en fais pas pour cela, parce que ça ne m’étonne pas vraiment. Vous devez simplement accepter la vie comme elle est. Il vous suffit de continuer à respirer. Si vous avez continué à respirer pendant 12 mois, alors vous pouvez continuer à respirer. »