MSF medical mobile teams vaccinating Elderly people and frontline Healthcare workers in a nursing home in Tripoli. © Mohamad Cheblak/MSF
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Le Canada annonce un don de 100 millions de doses de vaccins contre la COVID-19 : Réaction de MSF

OTTAWA, 13 JUIN 2021 L’annonce du don de vaccins contre la COVID-19 que le Canada a faite cette fin de semaine lors du Sommet du G7 est très loin de l’engagement du Canada et du monde pour assurer un accès mondial équitable aux vaccins contre la COVID-19, a déclaré l’organisation internationale d’aide médicale et humanitaire Médecins Sans Frontières (MSF).

Malgré l’annonce d’un don de 100 millions de doses, le Canada ne donnera en réalité que 13 millions de doses. Le reste prendra la forme d’une contribution financière à l’Accélérateur ACT, un dispositif qui finance l’achat de vaccins pour les pays à faible revenu.

Étant donné que le Canada a obtenu plus de 400 millions de doses de vaccin contre la COVID-19 pour ses 38 millions d’habitants et qu’il a déjà vacciné plus de 70 % des personnes admissibles, cette annonce est quelque peu déconcertante. La plus large part de l’offre mondiale actuelle de vaccins contre la COVID-19 est déjà réservée par les pays riches, ce qui laisse très peu des doses restantes disponibles à l’achat. Même avec le soutien financier annoncé aujourd’hui, des milliards de personnes vivant dans la plupart des pays du monde n’auront pas accès aux doses de vaccin dont elles ont urgemment besoin.

Ce sont de vraies doses qui sont requises de toute urgence. Cette décision contribuera très peu à combler l’écart pour les pays qui ne peuvent accéder à leur juste part de l’approvisionnement mondial limité en vaccins, et à protéger la population mondiale, y compris celle du Canada, contre les variants émergents. La moitié des 13 millions de doses données par le Canada sont d’un vaccin toujours en attente d’approbation réglementaire, une bien maigre contribution alors qu’il faut accroître de toute urgence l’accès aux vaccins contre la COVID-19.

Par ailleurs, faute d’engagements spécifiques pour déroger aux règles de propriété intellectuelle et de pressions pour un accès mondial équitable à toutes les technologies de lutte contre la COVID-19, ou du moins d’un plan concret pour faire don du reste de l’immense surplus de doses en sa possession, le geste du Canada ne sera guère plus qu’un palliatif à court terme contre une pandémie qui continue de faire des ravages dans les pays à faible revenu, ceux-ci étant incapables de rivaliser avec les gouvernements plus riches pour accéder aux vaccins, traitements et outils diagnostiques contre la COVID-19.

En réaction à l’annonce, Jason Nickerson, représentant des affaires humanitaires de MSF au Canada, a déclaré :

« L’annonce faite aujourd’hui par le Canada est décevante et ne fera pas grand-chose pour aider les pays qui ont urgemment besoin d’accéder à des vaccins immédiatement.

Au départ, le G7 s’était engagé à donner 1 milliard de doses, mais au bout du compte, l’engagement se chiffre à 870 millions de doses qui seront données sur une période d’un an. Face à une crise sanitaire mondiale à laquelle seule une vaccination mondiale rapide pourra mettre fin, le Canada a utilisé son pouvoir d’achat pour obtenir suffisamment de doses pour vacciner sa population plus de cinq fois, tandis que la plupart des autres pays n’ont pas accès à suffisamment de doses pour protéger ne serait-ce que leurs plus vulnérables, comme les travailleurs de la santé de première ligne et les personnes âgées. Des milliards de personnes dans le monde n’ont pas encore accès aux vaccins contre la COVID-19 et sont vulnérables à l’infection. Permettre au virus de continuer à se propager dans les pays à faible revenu pendant que les pays riches accumulent des doses est non seulement un échec monumental sur le plan de l’éthique, c’est aussi une mauvaise décision de santé publique qui nous met tous en danger, en plus de compromettre l’efficacité des vaccins dans le monde.

Cette disparité est le résultat d’un système profondément inéquitable et déficient pour le développement et la distribution de nouveaux médicaments et vaccins. Nous avons constaté à maintes reprises depuis des décennies que les médicaments essentiels qui sauvent des vies ne sont accessibles qu’à ceux qui sont prêts à en payer le prix le plus élevé, plutôt qu’à ceux qui courent le plus de risques.

Que le Canada rassemble un stock de plus de quatre cents millions de doses dans un tel contexte de rareté, mais qu’il ne s’engage à en partager qu’une infime partie est une grande déception. Ce l’est d’autant plus que plus de la moitié des 13 millions de doses données sont des vaccins qui n’ont pas encore été approuvés. Si les vaccins non approuvés sont comptés comme des dons, il est encore plus difficile à comprendre pourquoi le Canada ne peut pas s’engager à donner une plus grande partie de son stock de vaccins.

MSF se réjouit de l’annonce du partage des doses, mais nous exhortons le Canada à traiter cette pandémie comme la véritable crise sanitaire mondiale qu’elle est, et à faire tout ce qui est en son pouvoir pour aider à y mettre fin partout sur la planète. Pour y parvenir, il faut qu’il fasse des dons de doses de toute urgence; qu’il s’engage à faire don de son approvisionnement excédentaire de vaccins et à fournir un échéancier rapide pour le faire; qu’il abandonne sa résistance à la dérogation proposée à la propriété intellectuelle sur les outils de lutte à la COVID-19 à l’Organisation mondiale du commerce; et qu’il donne la priorité à la vie plutôt qu’aux profits des sociétés pharmaceutiques en insistant pour que les médicaments essentiels payés avec des fonds publics, y compris tous les vaccins contre la COVID-19, soient disponibles, accessibles et abordables pour ceux qui en ont le plus besoin, où qu’ils vivent dans le monde. »