Bangladesh : Hausse sans précédent des cas de gale dans les camps de réfugiés de Cox’ s Bazar
Le nombre de personnes qui utilisent les services de Médecins Sans Frontières (MSF) à Cox’s Bazar parce qu’elles ont contracté la gale n’a jamais été aussi élevé en trois ans.
En 2021, les cas de maladies de peau ont plus que doublé par rapport à l’année précédente, avec 73 000 personnes traitées, et les infections continuent d’augmenter en 2022.
Au cours des dernières semaines, près de 90 % de toutes les consultations pour des affections cutanées dans les établissements de MSF à Balukhali, Goyalmara, Jamtoli et Kutapalong au Bangladesh concernaient la gale, et environ 80 % des patients traités étaient des enfants et des adolescents de moins de 15 ans.
Hausse sans précédent
La hausse des cas est si importante que certaines de nos installations ont manqué de médicaments au cours des dernières semaines ou ont dû rationner les stocks et traiter uniquement les personnes qui présentaient les symptômes les plus graves. Cette incapacité à traiter toutes les personnes atteintes de gale a également contribué à la propagation de l’infection dans la communauté.
La gale est une maladie de peau causée par un acarien microscopique qui s’enfonce dans la couche supérieure de la peau où il vit et pond ses œufs – ce qui provoque des démangeaisons intenses et incessantes, ainsi qu’une éruption cutanée, souvent sous forme de boutons. La gale affecte généralement les enfants, mais si elle n’est pas traitée, elle peut rapidement infecter les autres membres de la famille. Dans un abri du camp d’Hakimpara, un groupe de femmes est rassemblé. Elles sont toutes atteintes de la gale, chacune essayant de ne pas se gratter la tête, le cou ou les jambes; l’une d’entre elles explique : « Ma peau me démange toute la journée, je n’arrive pas à dormir et je peux à peine manger … quand la peau se fend, je saigne. » La maladie provoque non seulement un extrême inconfort, mais les stries de grattage sont des petites plaies qui peuvent facilement s’infecter. Les surinfections non traitées, comme la septicémie, peuvent être mortelles et nécessitent un suivi spécialisé.
La forte augmentation des cas de gale est directement liée aux conditions de vie dans le camp, où les gens partagent de petits espaces exigus et n’ont pas un accès suffisant à l’eau pour se laver ou laver leurs vêtements et leur literie. Une fois qu’une personne contracte cette infection hautement contagieuse, celle-ci peut rapidement se propager, et la réinfection est également très probable.
Propagation facilitée par la densité de population
L’éradication de la gale dans les camps de réfugiés rohingyas densément peuplés représente un défi. Cette affection a un impact considérable sur la qualité de vie de ces personnes qui vivent déjà dans des conditions difficiles. « Le bébé se réveillait entre huit et dix fois chaque la nuit et pleurait tout le temps. Avant qu’il soit traité, nous devions protéger sa peau avec un morceau de tissu pour le prendre », raconte Mohammed Salim, père d’un garçon de 13 mois.
Les réfugiés reçoivent une quantité limitée de savon qu’ils utilisent pour se laver et laver les vêtements, la literie et les ustensiles de cuisine. Comme la gale se propage par contact prolongé de peau à peau ou si on partage de la literie pouvant contenir des cellules de peau, le lavage devrait être plus fréquent. Mais comme l’a expliqué une femme rohingya, « [la source d’eau] est loin, et il y a des horaires fixes à respecter. J’aimerais me laver tous les jours, mais je ne le fais que tous les deux ou trois jours, parce que les douches sont à l’extérieur et cela me rend mal à l’aise. » Les douches se trouvent dans les aires communes et beaucoup de femmes ne s’y sentent pas en sécurité, surtout après la tombée de la nuit, en raison de l’insécurité dans les camps.
MSF travaille sur une approche à deux volets pour lutter contre l’infection, en combinant une augmentation de la disponibilité des traitements dans ses installations et un travail communautaire. L’équipe de promotion de la santé de MSF dispense une éducation sanitaire aux familles touchées sur la façon de désinfecter les espaces de vie et de mettre en œuvre des pratiques qui limiteront le risque de contracter à nouveau l’infection.
Cela fait près de cinq ans que 800 000 Rohingyas ont franchi la frontière du Bangladesh depuis le Myanmar pour rejoindre ceux qui avaient déjà fui les cycles récurrents de violence perpétrés contre eux par l’armée du Myanmar. Aujourd’hui, on estime à 920 000 le nombre de personnes vivant dans les camps, mais peu de choses ont changé en termes d’infrastructures, en particulier en ce qui concerne l’eau et l’assainissement.
La réponse actuelle est basée sur une intervention d’urgence datant de 2017 qui est désormais dépassée et qui ne répond plus aux besoins à long terme de la population. Le nombre élevé de cas de gale que nous observons actuellement n’est qu’un exemple de l’impact des conditions de vie sur la santé et le bien-être de la population.
« Nous travaillons dans des centres de santé surpeuplés et avons donné la priorité aux conditions médicales les plus graves; par conséquent, nous n’avons pas constaté l’ampleur de la prévalence de la gale jusqu’à ce qu’elle ait un impact négatif significatif sur la population rohingya dans les camps. Nous nous efforçons maintenant de donner un traitement efficace au plus grand nombre de patients et à leurs contacts dans les plus brefs délais. Parallèlement, nous soulignons le besoin d’améliorer les conditions de vie des gens. La gale est généralement assez facile à traiter et à gérer, mais lorsque les gens vivent dans des conditions comme celles que l’on retrouve dans les camps de Cox’s Bazar, les défis sont multiples », explique Mieke Steenssens, coordonnatrice médicale de MSF.
MSF au Bangladesh
Cela fait près de cinquante ans que MSF fournit de l’assistance médicale et humanitaire au Bangladesh, où elle gère une gamme d’activités pour répondre aux besoins en évolution. MSF a travaillé pour la première fois au Bangladesh en 1972, après l’indépendance du pays, en y envoyant des médecins pour soutenir des projets médicaux menés par diverses organisations caritatives, y compris des hôpitaux à Khulna et dans le nord-ouest du Bangladesh, ainsi qu’une banque de sang à Dhaka.