MSF International President, Dr. Christos Christou, visited our COVID-19 emergency projects in Rondônia, Brazil. In Porto Velho, the state’s capital, MSF supports Emergency Care Units (known locally as UPAs). Due to the over-saturated health system as a result of COVID-19, the UPAs, which usually only manage the stabilisation of patients before they are transferred to higher level facilities, are having to take in more complex patients than they were designed to handle. In Ji-Paraná, MSF supports the Municipal Hospital. Due to the pandemic's strain on the town's public health system, the hospital is now a COVID-19 referral center. © Diego Baravelli
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Lettre de notre président de retour d’Ukraine

 

En septembre 2022, le président international de Médecins Sans Frontières (MSF), le Dr Christos Christou, s’est rendu en Ukraine pour constater de ses propres yeux les réalités auxquelles sont confrontés le personnel et les personnes recevant des soins dans la guerre en cours. Il a été témoin du travail des équipes médicales de MSF, et leur a prêté main-forte. Il a également pris part à des réunions de haut niveau pour réaffirmer notre engagement à atteindre les personnes ayant besoin de soins médicaux, peu importe de quel côté de la ligne de front elles se trouvent. De plus, le Dr Christou a l’intention de se rendre en Russie, de rencontrer les équipes de MSF là-bas et de tenir des réunions pour discuter de la possibilité d’accéder aux zones sous contrôle russe dans le but de fournir des soins aux personnes qui y vivent.

À son retour d’Ukraine, le Dr Christou a rédigé une lettre à l’attention du personnel de MSF dans laquelle il partage ses pensées et ses expériences. Nous vous la présentons ici.

 

Chers collègues,

J’ai récemment passé deux semaines en Ukraine, où j’ai visité nos programmes médicaux et rencontré des patients et du personnel de MSF. Je voulais prendre le temps d’écouter les opinions de ceux et celles qui travaillent sur le terrain et leur transmettre un message de soutien de la part de MSF. C’était formidable de pouvoir rencontrer les membres de notre personnel et de mieux comprendre les défis auxquels ils sont confrontés.

Je tenais également à réaffirmer notre engagement à fournir une assistance médicale humanitaire à toutes les personnes touchées par cette guerre, sans égard aux lignes de front mouvantes et partout où les gens ont trouvé refuge. Pour ce faire, nous devons être en mesure de déplacer le personnel et les fournitures depuis l’Ukraine, et aussi la Russie, vers les zones touchées. La situation générale en Ukraine est chaotique et évolutive, marquée de nombreux changements rapides sur le terrain. Cependant, nous pouvons être clairs sur une chose : MSF s’engage à soutenir les personnes en détresse, de part et d’autre de la ligne de front.  

Nous avons commencé à travailler en Ukraine en 1999, où nous offrions des traitements contre le VIH et la tuberculose. Entre 2014 et 2019, nous avons géré des cliniques mobiles pour soutenir les personnes touchées par le conflit qui secouait les oblasts de Louhansk et de Donetsk (régions). Depuis le déclenchement de la guerre en février de cette année, nous avons intensifié nos activités dans le pays et fournissons une gamme de services aux personnes blessées et malades dans les zones les plus touchées par les combats actuels.

Dans l’est de l’Ukraine, nous collaborons avec le ministère de la Santé et les chemins de fer ukrainiens pour assurer les évacuations médicales depuis les zones de première ligne.

Notre personnel traite aussi des personnes atteintes de maladies chroniques et ayant des besoins de santé de base, et nos équipes mobiles fournissent des consultations en santé mentale. De plus, ces dernières semaines, nous avons lancé un programme de réadaptation à long terme pour les personnes souffrant de blessures.

 

« Ce village a été complètement coupé de l’aide médicale. Il y avait une médecin ici, mais elle a dû quitter la région. La plupart des gens ici n’ont pas pu voir de médecins depuis plusieurs mois », explique Maya Trad, coordonnatrice du projet de MSF.MSF

 

J’ai traversé la Pologne et suis arrivé à Lviv. C’est à partir de là que nous dépêchons notre personnel et nos fournitures, et où j’ai pu rencontrer nos équipes. Nous avons discuté des obstacles à l’horizon, entre autres des besoins accrus des personnes déplacées dans le pays pendant les mois d’hiver, et des grands défis auxquels sont confrontées les personnes vivant dans des zones hors de notre portée. Le lendemain matin, j’ai rencontré nos équipes à Ivano-Frankivsk, qui m’ont expliqué comment MSF soutient les hôpitaux et les centres d’accueil pour personnes déplacées et fournit des services essentiels en santé mentale.

Je me suis ensuite rendu à Dnipro à bord de notre train médicalisé. C’est un engin impressionnant – un ancien train de transport de charbon à plusieurs wagons qui a été transformé en unités d’hospitalisation, comprenant une unité de soins intensifs entièrement équipée et même des wagons transportant des générateurs d’oxygène. Il y a de l’espace pour les patients et le personnel soignant, et des wagons transportant des batteries et des génératrices pour assurer un approvisionnement fiable en énergie.

Alors que le train se dirigeait vers Pokrovsk, dans l’oblast de Donetsk, j’ai eu la chance de m’entretenir avec nos collègues, dont Albina. Elle était professeure agrégée dans une école de médecine. Au début de la guerre, elle s’est occupée d’aider ses étudiants étrangers à évacuer. Une fois qu’ils ont été partis, elle en est venue à la conclusion qu’elle devait aussi partir. En atteignant la frontière, une affiche de MSF appelant les gens à se joindre à l’organisation a attiré son attention – et c’est exactement ce qu’elle a fait.  Elle s’est plus tard retrouvée dans l’équipe du train médicalisé.

 

 

« Pendant mon voyage en train, le personnel et les patients ont partagé des histoires difficiles à entendre. Certains, qui pourtant avaient tout perdu, étaient toujours incapables de quitter leur terre natale et de voyager vers l’ouest. »

Dr Christos Christou |

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Le lendemain, nous nous sommes dirigés vers la région de Donetsk, vers Kostiantynivka, une ville à l’est à proximité de la ligne de front. À certains moments du voyage, en passant devant de magnifiques champs de tournesols à perte de vue, il était difficile d’imaginer à quel point la guerre était proche. Puis, la fumée et les incendies sont apparus au loin, et nous avons vu des bombardements et des zones meurtries par les combats.

 

 Alla Skaletska de la région de Donetsk.
« Les bombardements ont commencé la nuit. Le toit et les fenêtres de la maison de ma nièce ont été détruits. Nous sommes y aller en famille, pour remplacer au moins ses fenêtres. Nous ne pensions pas qu’il y aurait un deuxième bombardement… Quatre d’entre nous – mon frère, ma nièce, mon neveu et moi-même – n’avons pas eu le temps de rentrer avant l’explosion. La prochaine chose que j’ai vue, c’est un os qui sortait de ma jambe. Quand l’ambulance est arrivée, j’ai caché ma jambe pour qu’ils ne voient pas l’os. Je leur ai dit de prendre soin des jeunes d’abord », dit Alla Skaletska de la région de Donetsk.Natalia Chekotun/MSF

 

En arrivant à l’hôpital, j’ai rencontré notre médecin urgentiste et notre équipe chirurgicale. Ils travaillent main dans la main avec des collègues ukrainiens du ministère de la Santé pour fournir des soins d’urgence et réaliser des interventions chirurgicales. Encore une fois, les expériences récentes des patients étaient choquantes. Un homme, muni d’un drain thoracique, avait été transféré à la suite d’un bombardement qui avait tué cinq personnes, dont sa femme. Dans le couloir, le père de l’homme était aussi hospitalisé, toujours en état de choc. 

Un chirurgien de MSF très expérimenté m’a expliqué la situation unique du travail en Ukraine comparativement à de nombreux autres contextes où il avait travaillé dans le passé. Les chirurgiens ukrainiens sont hautement qualifiés et n’ont besoin de soutien que sur certains éléments du traitement des blessures de guerre ou pour des besoins chirurgicaux spécifiques. Dans cette crise, MSF ajoute de la valeur en soutenant un système solide et un personnel qualifié, et en identifiant des créneaux de besoins non couverts dans des secteurs où il y a moins de soutien ou moins de personnel.

De là, nous sommes retournés à Dnipro, où les nuits sont brisées par le hurlement des sirènes qui avertissent de l’imminence des frappes aériennes russes et nous ont fait déplacer dans le bunker.

La nature imprévisible de la situation continuait d’être à l’avant-plan dans mon esprit, alors je voulais rencontrer les autorités. Je voulais écouter et comprendre comment nous pourrions en faire plus, et comment nous pourrions trouver des moyens d’aider ces gens qui sont toujours hors de portée. Avant ces réunions, j’ai visité nos activités de réadaptation et de physiothérapie dans un hôpital de Kyiv. J’ai rencontré nos équipes et quelques patients. J’ai visité le nouveau département de l’hôpital, entièrement équipé de nouveaux instruments fournis par MSF.

 

Le train médicalisé de MSF a évacué 210 patients atteints de troubles psychiatriques et neurologiques d’un hôpital surpeuplé de la ville de Kharkiv, dans l’est de l’Ukraine, vers Kyiv.MSF/Hussein Amri

 

Avant de quitter l’Ukraine, je suis retourné à la gare et j’y ai passé la matinée. Notre train venait d’arriver d’un autre long voyage en provenance de l’est, transportant des personnes souffrant de blessures ou d’autres problèmes médicaux. Tankred, coordonnateur médical, a expliqué que ce voyage nous avait permis d’évacuer des personnes âgées des maisons de soins, mais « elles n’ont nulle part où aller. Elles sont invisibles, sans filet social. Ce que nous faisons ici, c’est essayer de répondre à un véritable besoin humanitaire. » Les gens sont débarqués du train puis ont été transportés par ambulance jusqu’aux endroits que nous avions identifiés. Ensuite, le train est reparti. Prochain arrêt : Vinnytsia. Après, Lviv…

L’incertitude domine la situation. Notre approche, toutefois, est claire : nous sommes solidaires avec nos gens en Ukraine et en Russie, ainsi qu’avec toutes les personnes qui peuvent être ciblées ou discriminées parce qu’elles ont rejoint nos rangs. Nous sommes solidaires avec toutes les personnes qui sont forcées de prendre des décisions déchirantes pour prendre soin d’elles-mêmes et de leur famille. Nous sommes solidaires avec toutes les personnes touchées par cette guerre, indépendamment de quel côté de la ligne de front elles se trouvent, tout comme nous essayons toujours de soutenir nos gens, nos patients et leur communauté dans tous les endroits où nous fournissons des soins médicaux et humanitaires. Cela est bien clair. 

Lorsque j’ai quitté l’Ukraine, tout était calme à la frontière. Quelques personnes attendaient de partir, et des tentes vides laissées par des organisations non gouvernementales rappelaient l’exode massif des quelques mois précédents. Ce même endroit a maintenant été remplacé par une ligne de camions des deux côtés de la frontière, s’étendant sur des dizaines de kilomètres de chaque côté, essayant de poursuivre leurs activités commerciales.

Cette guerre a déjà engendré de nombreux changements géopolitiques – des changements qui, autrement, auraient pris des années, voire des décennies à se produire. Et ce ne sera pas fini de sitôt. Nous continuerons à utiliser les ressources de MSF pour aider les personnes qui en ont le plus besoin, les personnes qui sont négligées, les personnes que d’autres ne peuvent aider, les personnes qui sont en détresse.

La guerre en Ukraine n’est malheureusement pas la seule crise critique à sévir en ce moment, et nous continuons de faire des choix pour répondre là où c’est le plus nécessaire et où nous pouvons avoir l’impact le plus profond. Les services de santé afghans ne répondent toujours pas aux besoins de la population; le Pakistan est confronté à des conditions météorologiques extrêmes; la population éthiopienne n’a toujours pas accès à des soins de base ni à des médicaments essentiels; la Somalie et la Corne de l’Afrique sont confrontées à une insécurité alimentaire extrême et à des crises de malnutrition. Les gens sont toujours coincés dans les « méga camps » de Cox’s Bazaar et de Dadaab; des personnes migrantes continuent de se noyer dans la mer Méditerranée, de vivre dans des conditions inhumaines sur les îles grecques, ou d’être enfermées dans des centres de détention en Libye. En Haïti, la situation sociale, économique, humanitaire et politique complexe s’est combinée à une escalade de la violence et provoqué le chaos total, empêchant nos équipes d’accéder aux personnes qui ont besoin d’assistance et forçant de nombreuses personnes à fuir. 

Grâce à la générosité de millions de donateurs et donatrices, aux efforts colossaux de tous nos collègues qui facilitent et mettent en œuvre notre travail, et à tous ceux et celles qui nous font confiance, nous continuerons à nous pousser pour faire encore mieux. Nous continuerons à nous tenir responsables de nos choix, et nous continuerons à chercher comment nous pouvons soutenir davantage toutes les personnes qui sont dans le besoin.