Svitlana fled her village of Okhotnyche, in Zaporizhzhia Region, south-east of Ukraine after severe shelling by Russian forces began in April. She now stays in a shelter in Zaporizhzhia with her mother and 87-year-old grandmother, where she receives psychological support from an MSF psychologist. © Faris Al-Jawad/MSF
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Ukraine : 100 jours de guerre qui ont de graves répercussions sur la santé mentale

En Ukraine, les personnes qui fuient les bombardements, qui vivent avec des blessures de guerre ou qui s’inquiètent pour leurs proches laissés dans les zones de conflit ne se soucient guère de leur propre santé mentale, constatent les psychologues de Médecins Sans Frontières (MSF). En conséquence, les blessures psychologiques engendrées par le conflit actuel sont voilées, mais cela ne signifie pas qu’elles sont inexistantes.

 

Après 100 jours de guerre en Ukraine, nos équipes en santé mentale sonnent l’alarme devant les symptômes psychologiques inquiétants qu’elles constatent d’un bout à l’autre du pays.

« De nombreux enfants que nous avons vus souffrent d’insomnie, d’incontinence nocturne et de cauchemars », déclare Oksana Vykhivska, superviseure en santé mentale pour MSF à Kyiv. « Les personnes âgées, qui se retrouvent souvent seules après avoir été séparées de leurs proches, sont constamment anxieuses et il n’est pas rare qu’elles fondent en larmes. »

Nos équipes fournissent du soutien en santé mentale dans des abris pour personnes déplacées. Elles interviennent aussi dans des villages éloignés, à travers des cliniques mobiles, et dans des stations de métro, en ville.

 

 

Entre la mi-avril et la mi-mai, plus de 1 000 consultations en santé mentale individuelles et de groupe ont été prodiguées en Ukraine. Nous avons observé que les gens souffrent de peur intense, de stress constant, d’inquiétude persistante, de désespoir et d’attaques de panique.

 

Réactions normales à une situation anormale

 

Nos équipes ont tenu des consultations avec des personnes déplacées à Berehove, Kharkiv, Tchernihiv, Vinnytsia, Ivano-Frankivsk, Uzhhorod, Kropyvnytskyi, Dnipro et Zaporijjia.

Bon nombre des personnes parmi les plus fragilisées, comme les personnes âgées, sont isolées depuis qu’elles ont perdu le réseau de soutien que formaient leur voisinage et leurs proches. Pendant ce temps, les enfants réagissent souvent au stress qu’éprouvent les adultes autour d’eux. 

« L’un des problèmes que nous traitons est le stress lié aux traumatismes. Par exemple, chez les gens qui ont dû se cacher au sous-sol pendant les bombardements intenses, les souvenirs peuvent être ravivés par des mots, des sons, des odeurs ou des scènes qui leur rappellent le traumatisme original », dit Oksana Vykhivska.

 

Des membres de l’équipe en santé mentale à Zaporijjia, où des dizaines de milliers de personnes sont arrivées après avoir fui les bombardements intenses.
Des membres de l’équipe en santé mentale à Zaporijjia, où des dizaines de milliers de personnes sont arrivées après avoir fui les bombardements intenses. Nos équipes en santé mentale ont constaté une variété de symptômes, y compris la peur, le stress, l’inquiétude, le désespoir et les attaques de panique.Faris Al-Jawad/MSF

 

« Nous voyons également des gens avec plusieurs symptômes liés à l’anxiété, tels que l’insomnie et l’inquiétude constante pour l’avenir. Les personnes qui ne sont normalement pas affectées sont maintenant stressées. »

 

Lutter avec la peur de la mort

 

Lorsque leur village a été attaqué, Kateryna et sa mère ont dû fuir leur maison, à Irpin. Elles ont été évacuées et elles vivent maintenant dans un abri à Mukachevo, dans l’extrême ouest de l’Ukraine. Depuis qu’elle a fui son village, Kateryna souffre d’attaques de panique, mais ici, elle peut voir un psychologue de MSF. 

« L’une des choses avec lesquelles je lutte est la peur de la mort. J’ai peur de ne pas pouvoir réagir ou de faire des erreurs. J’y pense constamment, et cela m’empêche de faire quoi que ce soit », dit-elle.

« Ces réactions ne sont pas inhabituelles lorsque vous vivez une guerre », explique Lina Villa, responsable des activités de santé mentale de MSF à Dnipro et Zaporijjia. Nos équipes visitent des abris où des centaines de milliers de personnes ont échappé aux combats intenses dans l’est et le sud de l’Ukraine.

 

Kateryna en compagnie d’Yana Kulish, psychologue de MSF, lors d’une consultation au Centre Mukachevo pour les personnes déplacées.
Kateryna en compagnie d’Yana Kulish, psychologue de MSF, lors d’une consultation au Centre Mukachevo pour les personnes déplacées.Nadia Voloboieva/MSF

 

Ici, les psychologues tentent de stabiliser les gens en identifiant les problèmes auxquels ils sont confrontés, puis ils les aident à trouver des mécanismes d’adaptation.

« Nous essayons d’aider les patients et les patientes à retrouver un certain niveau de contrôle dans une situation très incontrôlable et incertaine. Nous les aidons à comprendre leurs sentiments et à les exprimer. Nous essayons de les rassurer en leur expliquant que le stress, la peur, l’anxiété, l’insomnie sont des réactions normales à cette situation anormale », explique Lina Villa.

« Il est essentiel que les gens puissent exprimer leurs sentiments et évacuer leurs émotions après avoir fait face à des situations traumatisantes. Sinon, ces émotions peuvent faire boule de neige et devenir plus graves. »

 

Activités pour aider à calmer les enfants

 

À Berehove, les psychologues de MSF travaillent avec les enfants qui ont été évacués des zones de conflit. Entre le 4 avril et 20 mai 2022, 375 enfants ont participé à des consultations individuelles et de groupe. Les enfants présentent des symptômes découlant des traumatismes qu’ils ont vécus avant et pendant leur évacuation, y compris l’anxiété, la faible estime de soi, les attaques de panique et le chagrin.

« Plusieurs ont du mal à dormir, certains ont commencé à bégayer, d’autres mouillent leur lit », explique Kucheriaviy Valerii, psychologue de MSF à Berehove.

Les psychologues emploient différentes méthodes pour aider les enfants à surmonter les difficultés. L’un d’entre eux leur fait fabriquer des oiseaux en papier. Les enfants les découpent et plient leurs ailes tout en mettant leurs émotions et pensées positives dans ce processus.

 

Lors des séances, nous voyons que les enfants présentent des symptômes découlant des traumatismes qu’ils ont vécus avant et pendant leur évacuation, y compris l’anxiété, la faible estime de soi, les attaques de panique et le chagrin.
Lors des séances, nous voyons que les enfants présentent des symptômes découlant des traumatismes qu’ils ont vécus avant et pendant leur évacuation, y compris l’anxiété, la faible estime de soi, les attaques de panique et le chagrin.Nadia Voloboieva/MSF

 

« Je leur suggère de dormir avec cet oiseau; cela peut aider à les calmer », dit Kucheriaviy Valerii.

 

Soutien additionnel requis en santé mentale

 

Bien que MSF fournisse du soutien en santé mentale et de la formation supplémentaire au personnel en soins psychologiques dans les établissements médicaux à travers l’Ukraine, il reste beaucoup à faire.

« Nous avons urgemment besoin d’accroître les services de santé mentale dans tout le pays », explique Oksana Vykhivska. « Le système national de santé et d’autres organisations doivent veiller à ce que la réponse aux besoins en santé mentale et les ressources associées atteignent les personnes les plus vulnérabilisées, en particulier dans les zones rurales où les gens sont souvent coupés du monde et n’ont pas accès aux ressources. »

Il est crucial que ce soutien soit fourni aux personnes là où elles se trouvent. Cela doit impliquer une collaboration étroite avec les communautés pour que ceux et celles qui ont besoin d’aide puissent en recevoir.