Un physiothérapeute de MSF traite un patient blessé de guerre dans le cadre d'un programme de rééducation à Vinnytsia. Ukraine, 2024. © MSF
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Ukraine : comment Médecins Sans Frontières aide les personnes amputées à retrouver la joie de vivre

Dans un hôpital de Vinnytsia, en Ukraine, Médecins Sans Frontières (MSF) mène un projet de rééducation des personnes blessées par la guerre. La plupart d’entre elles ont été amputées et sont incapables de se déplacer sans aide. Beaucoup restent à l’hôpital pendant des mois, le temps de se rétablir et d’entreprendre une rééducation. Lorsqu’elles sont finalement en mesure de retourner dans leur famille, l’adaptation à leur ancienne vie peut être difficile, car bien des choses ont changé pour elles, sur le plan physique et mental.

La psychologue de MSF, Larysa Hryhorenko, et l’assistante sociale, Avelina Pavlovska, les aident à faciliter leur transition entre la vie à l’hôpital et une vie plus régulière. Pour cela, elles organisent des activités récréatives à l’hôpital et des sorties sociales à l’extérieur. Les excursions et les ateliers créatifs ont lieu chaque semaine, et jusqu’à 15 personnes y participent à chaque fois.

« Il est important d’aider ces gens à quitter l’hôpital, car cela améliore considérablement leur moral et facilite leur reconnexion avec la société. Ces activités leur permettent de s’amuser, d’essayer quelque chose de nouveau et de comprendre que leurs blessures et leurs traumatismes ne sont pas un obstacle à une vie sociale épanouie. Ils apprennent également des stratégies d’adaptation saines pour gérer le stress », souligne Larysa Hryhorenko.

MSF a commencé à mettre en œuvre ces activités en mars 2023. Depuis, des dizaines de personnes se sont rendues au zoo et au planétarium, sont allées au cinéma ou à la pêche, ont pu monter à cheval et jouer avec des chiens, et ont participé à plusieurs barbecues. En plus des sorties récréatives, des visites sont régulièrement organisées dans une entreprise de prothèses et d’orthopédie, où les médecins leur expliquent quels types de prothèses existent et comment les choisir correctement.

Des chevaux sont conduits à l’hôpital de Vinnytsia, où MSF mène un programme de rééducation pour les personnes blessées de guerre. Ukraine, 2024. © MSF

Comme ces personnes sont nombreuses à se déplacer en fauteuil roulant, un transport spécialisé doit être planifié pour les événements ayant lieu en dehors de l’hôpital. « Les gens en fauteuil roulant ne peuvent pas monter dans une voiture ordinaire. Nos partenaires de l’ONG Harmony nous transportent gratuitement, grâce à leur véhicule spécial équipé d’un monte-charge », mentionne Avelina Pavlovska, assistante sociale de MSF.

Pour la même raison, il est important de prendre en compte l’accessibilité du lieu. Ainsi, il faut s’assurer que l’entrée du bâtiment est commode et vérifier la disponibilité de rampes et d’ascenseurs là où se déroulent les activités.

« Ces voyages permettent à ces personnes de comprendre qu’en dépit de leurs blessures, elles peuvent continuer à faire des choses amusantes et intéressantes. Elles sont agréablement surprises de constater qu’elles peuvent accomplir les mêmes choses qu’auparavant », explique Larysa Hryhorenko. « J’apporte également un soutien psychologique. Si quelqu’un souhaite partager ou discuter de quelque chose pendant un voyage, je suis à sa disposition. Nous nous soucions de ce que ces gens traversent ».

Les patients et les patientes réagissent positivement au changement d’environnement et disent que cela les aide à se rétablir. « C’est bien de sortir de l’atmosphère de l’hôpital. Une visite au zoo m’a même permis de retrouver mes souvenirs d’enfance. J’y ai vu des animaux que je n’avais vus que lorsque j’étais petit », raconte Oleksiy.

MSF invite également des spécialistes en art ou en artisanat à donner des cours.. Ainsi, 26 ateliers ont eu lieu entre mars et novembre.  Les groupes ont pu s’essayer à la peinture acrylique et à l’aquarelle, au modelage de l’argile et à la céramique, au travail du bois et à la peinture sur t-shirt. Plusieurs ont fabriqué des souvenirs qu’ils ont envoyés en cadeau à leur famille.

« Malheureusement, à cause de leurs blessures, plusieurs personnes ont perdu la vue et développé des acouphènes. Elles sont physiquement incapables de lire, d’assembler des casse-tête ou de faire quoi que ce soit de ce genre. C’est pourquoi l’art est devenu le meilleur choix pour nous », explique Larysa Hryhorenko. « Il ne s’agit pas d’une thérapie par l’art au sens classique du terme : nous n’interprétons pas les œuvres, nous ne plongeons pas au cœur du traumatisme. C’est plutôt une thérapie par l’art qui aide à se stabiliser, à s’immerger dans le processus artistique et à augmenter l’estime de soi. »

Les avantages de l’art-thérapie sont manifestes. Les gens se détendent, passent à la vitesse supérieure et, lorsque tout se déroule bien, retrouvent la foi en leurs capacités et l’envie de continuer à créer. L’expérience et la confiance qu’ils acquièrent dans les cours d’art se répercutent dans la vie de tous les jours : beaucoup se mettent à effectuer des choses qu’ils n’avaient jamais osé faire auparavant.

« Mes douleurs fantômes ont considérablement diminué. Je n’y prête plus attention, surtout lorsque je peins. Je m’habitue aussi peu à peu à ce que je suis devenu et je commence à me faire à l’idée que je n’ai plus de bras ni de jambe. Cela me permet d’aller plus loin, de me préparer au fait qu’il y aura une prothèse à la place, que je devrai utiliser », explique Oleksiy.

Après avoir implanté le programme de rééducation dans les hôpitaux de Kiev et de Vinnytsia il y a 18 mois, MSF a confié ces activités à une autre ONG médicale en décembre 2023. MSF se concentre désormais sur un programme similaire pour les personnes blessées de guerre à Tcherkassy, en Ukraine également.