Trouver le rôle le plus utile – la réponse de MSF en Ukraine et dans les environs
« La gravité, l’ampleur et la rapidité de la guerre en Ukraine ont créé des besoins et des souffrances tout simplement énormes », affirme Dre Joanne Liu, pédiatre canadienne d’expérience et membre de l’équipe d’intervention d’urgence de Médecins Sans Frontières (MSF), de retour d’Ukraine.
« Il est clair que le système médical ukrainien est solide et que sa capacité à relever le défi est impressionnante », explique Dre Liu, qui a visité des hôpitaux ukrainiens pour évaluer leurs besoins et discuter de la façon dont MSF peut intervenir. « La meilleure chose que nous puissions faire est d’écouter attentivement et de comprendre les domaines spécifiques où notre soutien peut apporter une valeur ajoutée. Nous avons ciblé plusieurs domaines clés où notre soutien humanitaire et médical pourrait avoir un impact réel et pratique, et parfois même sauver directement des vies. »
Fournitures médicales d’urgence
Dès le début du conflit, il a fallu acheminer le plus rapidement possible les fournitures médicales essentielles aux hôpitaux clés. Nous avons commencé à recevoir des appels urgents du personnel hospitalier à proximité des lignes de front et des bombardements, qui avait surtout besoin de médicaments et de fournitures pour la chirurgie et pour le traitement des blessures traumatologiques et des plaies. Dernièrement, leurs demandes se sont élargies pour inclure des médicaments pour des maladies comme l’asthme, l’hypertension, le VIH, l’hypothyroïdie et la tuberculose.
MSF a ouvert un grand entrepôt de distribution dans la ville occidentale de Lviv avant d’en ouvrir d’autres ailleurs en Ukraine. À ce jour, MSF a expédié en Ukraine plus de 225 tonnes métriques de fournitures médicales et d’articles de secours, dont une grande partie a déjà été envoyée aux hôpitaux et aux centres de santé, ou au ministère de la Santé pour être acheminés là où ils sont les plus nécessaires. Ce n’est pas facile de déplacer des fournitures dans un pays en guerre, mais pour nos équipes, le système ferroviaire ukrainien a été d’une précieuse utilité.
Nous avons également acheminé cinq conteneurs d’expédition remplis de couvertures thermiques polaires, de sacs de couchage, de vêtements chauds et d’articles d’hygiène (du dentifrice, des brosses à dents, du savon et des serviettes, etc.) et les avons donnés aux organisations locales à Lviv pour qu’elles les distribuent aux personnes qui arrivent des autres régions de l’Ukraine ou qui se dirigent vers les frontières du pays. Nous avons également effectué des distributions de produits de première nécessité à Kyiv, à Kharkiv et dans d’autres endroits.
Transferts par train médicalisé
Le 1er avril, MSF a effectué son premier transfert par train médicalisé. Ce transfert a permis de transporter neuf patients et patientes blessé·e·s à Marioupol ou dans ses environs, depuis des hôpitaux de Zaporijjia vers des hôpitaux de Lviv. Il a été réalisé dans un train dont deux wagons ont été aménagés en service hospitalier de base, avec à son bord une équipe de neuf médecins.
Ce même train a réalisé trois autres transferts depuis des hôpitaux situés à proximité des lignes de front, dans les régions de Donetsk et de Lougansk. Jusqu’à maintenant, 114 patients et patientes et membres de leur famille ont fait l’objet d’une évacuation médicale. D’autres transferts médicaux par train sont prévus, car les demandes urgentes des hôpitaux de l’est continuent de croître, tandis qu’un train plus grand et mieux équipé est en cours de préparation pour de prochains transferts.
Formation à la gestion des afflux de blessé·e·s et aux soins traumatologiques
« Lorsqu’un hôpital reçoit en même temps plusieurs patients et patientes, nous parlons d’une situation d’afflux de blessé·e·s – lorsque vous n’avez pas assez de ressources et que les personnes ont trop de besoins », explique Barbara Maccagno, coordonnatrice médicale d’urgence en Ukraine. « L’un des moyens les plus efficaces de sauver le plus de vies possible est de disposer de systèmes vous permettant de trier rapidement les patients et patientes dont l’état est le plus grave et qui doivent être traité·e·s immédiatement, et ceux et celles dont l’état est moins grave et qui peuvent attendre un peu plus longtemps. Cette façon de faire s’apprend assez facilement, mais il faut la pratiquer, car elle diffère du fonctionnement habituel des admissions à l’hôpital. »
Nous avons offert ces formations sur les urgences dans les hôpitaux de Berehove, Bila Tserkva, Dnipro, Kharkiv, Kyiv, Lviv, Mukachevo, Odessa, Orikhiv, Vinnytsia, Zaporijjia, et dans les hôpitaux de Zhytomyr et de ses environs. Certaines des équipes de formation de MSF comprenaient des chirurgiens et chirurgiennes expérimenté·e·s en traumatismes de guerre qui ont offert des formations pratiques supplémentaires sur les techniques chirurgicales d’extraction des balles et d’éclats d’obus et de nettoyage des plaies.
Des besoins moins visibles
Avant le début de la guerre, nous traitions des personnes atteintes de tuberculose à Zhytomyr. Bien que cela soit difficile lorsque les gens se déplacent, nous continuerons à chercher des moyens de les soutenir dans leur traitement. À Kyiv, MSF a mis en place une ligne téléphonique pour les personnes atteintes de maladies non transmissibles. Les personnes âgées ou en situation de vulnérabilité peuvent utiliser ce service pour se faire livrer leurs médicaments à domicile. À Kharkiv, nous organisons des cliniques mobiles pour les personnes réfugiées dans les stations de métro et parmi lesquelles plusieurs souffrent de stress et de traumatismes psychologiques en raison de la guerre.
À Tchernihiv, nous avons fait un don important de fournitures médicales à l’un des hôpitaux de la ville. Nous avons également mis en place des cliniques mobiles dans les villages voisins et dans la ville pour répondre aux besoins de santé.
De plus, nos équipes commencent à apporter un soutien en santé mentale aux personnes qui ont fui les zones de combats plus actives et qui se sont rassemblées à Kyiv, à Vinnytsia et à Berehove ou qui transitent par Zaporijjia. Dans et autour de Dnipro, nous fournissons des articles de première nécessité aux personnes qui ont réussi à s’échapper de Marioupol et de la région de Donetsk.
Zones de guerre active
Les plus grands besoins se situent sans aucun doute dans les endroits où la guerre est active et que nos équipes ne peuvent atteindre. Les personnes piégées dans les villes assiégées ont besoin d’un passage sûr vers les endroits de leur choix et les fournitures humanitaires doivent pouvoir atteindre les zones où les gens sont dans le besoin. Les personnes doivent être protégées en vertu des règles de la guerre et du droit international humanitaire, en tout lieu et à tout moment.
Autour des frontières de l’Ukraine
Selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), plus de quatre millions de réfugié·e·s ont fui l’Ukraine vers les pays voisins. La plupart de ces pays font preuve d’une grande solidarité pour accueillir et fournir une assistance aux Ukrainiens et aux Ukrainiennes. Notre intention n’est pas de dédoubler ces efforts. Dans les pays limitrophes de l’Ukraine, nos équipes gèrent plutôt des cliniques fournissant des soins médicaux et psychologiques aux postes-frontière et parfois des deux côtés de la frontière. Nous avons fait des dons de fournitures médicales et soutenons des groupes de soutien, par exemple en les formant aux premiers secours psychologiques.
Bien qu’il soit réconfortant de voir toute la solidarité dont font preuve les individus envers les réfugié·e·s ukrainien·ne·s, nous constatons avec tristesse que les gouvernements des États membres de l’Union européenne (UE) continuent d’opter pour une approche fortement répressive à l’égard des réfugié·e·s d’autres nationalités qui arrivent en Europe. Nous appelons à étendre le passage sûr et l’accueil digne à toutes les personnes arrivant en Europe en tant que migrants, migrantes, demandeurs et demandeuses d’asile ou réfugié·e·s, et ce, d’où qu’ils et elles viennent et quels que soient leur destination et les moyens utilisés pour s’y rendre.