MSF Emergency Project Coordinator Nuru Katiko Mudievi is on a visit to the community together with his colleagues. Following the yellow fever outbreak’s declaration, MSF teams launched a two-month emergency response by supporting two Primary Healthcare Centers (PHCC) in Case management and vaccination campaign.
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La rougeole est un problème humanitaire, et sa réapparition au Canada nous rappelle son importance

Adam R Houston et Jason Nickerson
MSF

Adam R HoustonL’Université d’Ottawa/University of Ottawa, et Jason NickersonL’Université d’Ottawa/University of Ottawa 

En tant qu’organisation médicale, Médecins Sans Frontières (MSF) n’est pas étrangère à la rougeole, qui est depuis longtemps une préoccupation sérieuse et constante dans de nombreux endroits où MSF opère.

Cependant, de nouveaux défis, tels que la perturbation des systèmes de santé causée par la COVID-19, ont souligné l’importance de la rougeole en tant que problème de santé publique. Une récente augmentation du nombre de cas dans des pays comme le Canada, où elle avait largement disparu, a contribué à attirer de nouveau l’attention sur cette vieille maladie.

En tant qu’experts conseillant MSF et sensibilisant les responsables de la santé publique au Canada aux menaces sanitaires émergentes, nous constatons depuis des années les graves conséquences de la rougeole dans les crises humanitaires et le risque imminent pour la santé publique dans notre pays et dans le monde.

Nous espérons qu’une attention renouvelée aux risques et aux conséquences des épidémies de rougeole au Canada permettra de garantir que les ressources nécessaires à la lutte contre la rougeole sont disponibles partout où le besoin s’en fait sentir.

La rougeole au Canada

La rougeole est l’une des maladies les plus infectieuses connues de la science; en effet, neuf personnes sensibles sur dix seront infectées si elles sont exposées. Heureusement, l’utilisation généralisée d’un vaccin très efficace permet à la plupart des gens d’être protégés.

La vaccination est un outil si efficace qu’au Canada, la rougeole est considérée comme éliminée depuis 1998. Cela signifie que la transmission endémique a pris fin. Tous les cas survenus depuis cette date sont donc le résultat d’importations en provenance d’autres régions du monde.

Cependant, l’année 2024 a fait ressurgir le passé au Canada, avec davantage de cas jusqu’à présent que pendant toute l’année 2023, répartis dans plusieurs provinces. Fait inquiétant, certains de ces cas n’ont pas été liés à des voyages, ce qui indique qu’il pourrait y avoir une transmission communautaire.

En bref, la rougeole redevient un problème de santé publique au Canada. Le risque de rougeole et la nature mondiale de sa résurgence ont été soulignés lorsque la Dre Theresa Tam, administratrice en chef de la santé publique du Canada, a mis en garde les Canadiens et les Canadiens voyageant à l’étranger contre le risque de rougeole. Elle les a aussi avisés de la nécessité de prendre des précautions, notamment en veillant à ce que tout le monde soit correctement vacciné.

La rougeole dans les situations humanitaires

Toute recrudescence de la rougeole est très préoccupante. Dans des contextes humanitaires tels que ceux dans lesquels MSF opère, aggravés par les mauvaises conditions de vie et la malnutrition, cette maladie peut être désastreuse. Si elle peut toucher les adultes, les jeunes enfants sont particulièrement exposés.

La rougeole peut tuer et elle tue, même dans des pays bien pourvus en ressources comme le Canada. Les complications graves à long terme sont les déficiences intellectuelles résultant de l’encéphalite (gonflement du cerveau) et la perte d’audition. On estime qu’avant la généralisation de la vaccination, la rougeole était à l’origine de 10 % des cas de perte auditive grave. Dans les pays à faible revenu, elle reste également l’une des principales causes de cécité chez les enfants.

Une autre caractéristique de l’infection par la rougeole est qu’elle affaiblit le système immunitaire, rendant les personnes infectées vulnérables à d’autres maladies. Pour toutes ces raisons, la vaccination contre la rougeole est l’une des priorités des équipes de MSF dans les situations d’urgence humanitaire. Ceci est particulièrement le cas dans les situations où les gens sont déplacés de force et vivent dans des conditions de promiscuité, comme dans un camp.

En 2024, MSF enregistre des cas records de rougeole dans certaines régions où ses équipes travaillent, comme le nord-est du Nigéria. L’un des principaux facteurs est que les perturbations des systèmes de santé pendant la COVID-19 ont gravement affecté les vaccinations infantiles de routine. Celles-ci ont chuté de façon spectaculaire à travers le monde : près de 40 millions d’enfants ont manqué une dose de vaccin contre la rougeole en 2021 seulement.

D’autres maladies évitables par la vaccination, comme la diphtérie, ont connu des lacunes similaires dans la couverture vaccinale. Ainsi, MSF répond actuellement à la plus grande épidémie de diphtérie jamais enregistrée en Afrique de l’Ouest.

L’impact croissant des maladies évitables par la vaccination

Ces lacunes dans la couverture vaccinale des maladies évitables par la vaccination ont un impact significatif sur la santé publique mondiale. Depuis plusieurs années, MSF met en garde contre l’augmentation des épidémies de maladies évitables par la vaccination dans les régions où travaille l’organisme. Ces épidémies ont des conséquences importantes pour les personnes qui y vivent, mais aussi pour la santé publique mondiale, y compris pour les pays susceptibles de recevoir des cas importés, comme le Canada.

C’est l’une des raisons pour lesquelles MSF plaide pour que davantage de ressources soient consacrées aux vaccinations de rattrapage. Cela permettrait que tous les enfants – jusqu’à l’âge de cinq ans au moins – qui n’ont pas reçu une partie ou la totalité de leurs vaccins infantiles de routine aient la possibilité de les obtenir.

Les gouvernements et les autres bailleurs de fonds de la santé mondiale comprennent généralement pourquoi les vaccinations infantiles sont importantes pour les soins de santé primaires. Cependant, beaucoup ont été plus lents à reconnaître pourquoi il s’agit d’un problème si urgent, ou pourquoi il s’agit d’une priorité dans les situations humanitaires.

L’une des raisons est que de nombreux bailleurs de fonds ont pris l’habitude de considérer la rougeole comme une maladie évitable par les vaccinations infantiles de routine. Ces organismes n’ont donc pas tendance à la voir comme une urgence. Une maladie telle Ebola attirera généralement beaucoup plus leur attention et leurs ressources que la rougeole, y compris lorsque les mêmes communautés sont touchées.

La récente augmentation du nombre de cas de rougeole dans les pays à revenu élevé n’est certes pas une bonne chose. Elle pourrait toutefois raviver la reconnaissance de la rougeole comme le grave problème de santé publique qu’elle est, de même que la nécessité urgente de s’y attaquer et de la prévenir partout.

Adam R Houston, professeur adjoint, Faculté de droit, L’Université d’Ottawa/Université d’Ottawa et Jason Nickerson, professeur adjoint, Faculté de droit, L’Université d’Ottawa/Université d’Ottawa

Cet article est republié de The Conversation sous une licence Creative Commons. Lire l’article original.