The MSF hospital in Agok is the only facility providing secondary care in the entire Abyei region of South Sudan. This structure deals with emergencies, surgeries, treatments of HIV, tuberculosis, chronic diseases as well as neglected diseases, such as snake bites, a real scourge in the region. In 2019, in order to improve the quality of care, a radiology room was set up and the pharmacy was extended. A lack of specialized structures in the surrounding states forces some patients to travel very long distances to get to Agok hospital, some have to walk for up to 10 hours. This phenomenon illustrates the need for a comprehensive hospital in a country where health care is almost non-existent © MSF/Laurence Hoenig
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Les morsures de serpent : réflexion sur une maladie négligée

 

Par Julien Potet, conseiller principal sur les maladies tropicales et les maladies négligées pour la Campagne d’accès de MSF

Il y a des maladies négligées plus négligées que d’autres. C’est le cas des morsures de serpent, qui sont responsables de plus de 100 000 décès par année à travers le monde. Une nouvelle publication de MSF dans Toxicon X met l’accent sur les ressources nécessaires pour améliorer la prise en charge des envenimations par morsures de serpent dans les contextes à ressources limitées. Chaque année, près de 7 000 cas sont pris en charge dans les hôpitaux soutenus par MSF, en particulier au Yémen, en République centrafricaine (RCA), au Soudan du Sud et en Éthiopie. Les défis sur le terrain sont nombreux.

Il faut d’abord offrir le meilleur antivenin possible pour le contexte. La gratuité du traitement est essentielle si on veut s’assurer que les victimes se rendent rapidement à l’hôpital, sans passer précédemment par les guérisseurs traditionnels, lesquels offrent des soins abordables, mais le plus souvent inefficaces, voire délétères.

Il n’est cependant pas toujours facile pour les pharmaciens de MSF de s’approvisionner en antivenins adaptés aux espèces de serpent endémiques de chaque région. MSF n’est pas toujours parvenue à éviter les ruptures d’approvisionnement, en particulier dans les mois qui ont suivi l’arrêt du Fav-Afrique, l’antivenin africain produit par Sanofi jusqu’en 2016. Les ressources financières pour l’achat d’antivenin sont considérables : MSF dépense chaque année plus d’un million d’euros (1,4 million CAD) en antivenins.

En Afrique subsaharienne, MSF utilise actuellement deux antivenins différents en fonction des signes cliniques observés chez la personne qui a été mordue. Un protocole spécifique est mis à la disposition des équipes et des efforts de formation ont été entrepris pour assurer sa bonne mise en pratique. D’autres services sont offerts par MSF aux victimes de morsures de serpent hospitalisées, en particulier la chirurgie en cas de nécrose, les transfusions sanguines en cas de saignements prolongés, et (là où c’est possible) la ventilation mécanique lorsqu’une envenimation neurotoxique provoque l’arrêt des muscles respiratoires.

Au final, avec une mortalité intrahospitalière évaluée à moins de 1 %, nous estimons que la prise en charge que nous offrons est plutôt de bonne qualité. Certaines enquêtes rétrospectives de mortalité que nous avons menées, notamment à Paoua en RCA et Agok au Soudan du Sud, ont toutefois mis en évidence une mortalité beaucoup plus élevée au sein des communautés, démontrant ainsi que de nombreux cas sévères d’envenimations n’accèdent pas à temps à nos hôpitaux. Nous devons donc faire encore mieux.

Le roulement important de nos équipes sur les sites d’affectation exige de réitérer régulièrement nos actions de formation. À cet effet, MSF a commencé à inclure les morsures de serpent dans ses curriculums de formation en ligne.

Nous devons par ailleurs améliorer nos actions extra-hospitalières. La bonne prise en charge commence dans la communauté, à l’endroit même où les personnes sont mordues. Des actions de sensibilisation à la prévention des morsures de serpents et aux premiers secours peuvent faire la différence. De même, il est essentiel que MSF améliore le suivi post-hospitalier pour les victimes de morsures de serpent souffrant de séquelles physiques ou psychologiques.

Surtout, nous devons continuer à militer pour une réponse politique contre cette maladie négligée. Le modèle de soins développé par MSF démontre qu’il est possible de sauver de nombreuses personnes si des ressources humaines et financières sont mobilisées. Mais à ce jour, malgré la publication d’un plan d’action ambitieux par l’Organisation mondiale de la Santé en 2019, les financements ne sont pas au rendez-vous. Parmi les principales agences de développement et les organisations philanthropiques, seul le Wellcome Trust s’est engagé contre les morsures de serpent, essentiellement en faveur de la recherche. Où sont les autres agences de développement? Alors que la pandémie a rebattu les cartes des priorités en santé, il importe de rappeler que le combat contre les maladies négligées, et notamment les plus négligées des maladies négligées comme les morsures de serpent, doit rester au cœur des priorités en matière de santé mondiale.