Équité vaccinale mondiale : Il faut plus d’efficacité dans la coordination des dons de vaccins contre la COVID-19
Par : Adam Houston, chargé du plaidoyer et des politiques médicales, Médecins Sans Frontières (MSF) Canada
À la fin du mois de février, le Dr John Nkengasong, directeur des Centres africains de contrôle et de prévention des maladies (CDC Afrique), a été cité dans les médias avec des propos certainement inattendus : il a appelé à interrompre les dons de vaccins contre la COVID-19 au continent. Face aux réactions de surprise suscitées par sa déclaration, le Dr Nkengasong a clarifié publiquement la position des CDC Afrique quelques jours plus tard : « Nous n’avons pas demandé au monde de cesser les dons, mais plutôt de les faire en coordination avec nous pour que les vaccins puissent réellement être utilisés dans les pays », a-t-il précisé. « C’est très différent. »
…l’approvisionnement mondial en vaccins contre la COVID-19 n’est plus le seul facteur responsable de l’iniquité vaccinale.
Cette déclaration arrive à un moment où l’approvisionnement mondial en vaccins contre la COVID-19 n’est plus le seul facteur responsable de l’iniquité vaccinale. La même semaine, on a rapporté que, pour la première fois, l’offre de vaccins dépassait la demande au COVAX. Pourtant, moins de 18 pour cent des Africains avaient reçu une dose ou plus de vaccin contre la COVID-19. En comparaison plus de 84 pour cent des Canadien·ne·s avaient reçu au moins une dose d’un vaccin contre la COVID-19, et près de la moitié des Canadien·ne·s avaient reçu leur troisième dose. Le pourcentage de personnes recevant une troisième dose sur le continent africain est si faible qu’il est pratiquement impossible à mesurer. Pour bien comprendre cette disparité, nous devons nous pencher sur la méthode de distribution des doses, plutôt que de chercher à clarifier si les promesses de dons ont été respectées.
La capacité d’un pays à recevoir et à administrer des vaccins ne doit pas être confondue avec son désir de vacciner sa population.
Bien que chaque pays africain soit confronté à ses propres circonstances et que les taux de vaccination varient considérablement à travers le continent, beaucoup de pays ont en commun le fossé entre les vaccins disponibles et les vaccinations effectuées. Il existe encore de nombreux obstacles qui entrent en jeu entre le moment où les doses arrivent à l’aéroport, et le moment où elles peuvent être administrées à ceux et celles qui en ont besoin. L’accès à un stock fiable de fournitures pour administrer les vaccins, comme des seringues représente une de ces entraves. Une autre est la disponibilité d’installations d’entreposage adéquates pour conserver suffisamment de vaccins dans les bonnes conditions. Il est important de noter que les conditions dans une capitale peuvent être très différentes de celles d’une zone rurale. Il faut aussi assurer une chaîne du froid continue depuis le point d’arrivée des doses jusqu’à l’endroit où elles sont administrées. Pour arriver à compléter ce casse-tête, il faut que toutes les pièces soient en place pour que les vaccins parcourent la dernière portion du trajet jusque jusqu’au bras du ou de la destinataire – le soi-disant « dernier kilomètre ». Le Canada a récemment souligné l’importance de résoudre les problèmes liés à delivery and distribution; toutefois, il est important que cet intérêt se concrétise par des mesures tangibles.
La capacité d’un pays à recevoir et à administrer des vaccins ne doit pas être confondue avec son désir de vacciner sa population. Autrement dit, obtenir des vaccins contre la COVID-19 est un peu comme si vous alliez au laitier pour acheter du lait. Vous voulez des livraisons prévisibles et fiables; il est difficile de planifier le déjeuner si vous ne savez pas quand il y aura du lait dans le réfrigérateur. En même temps, vous ne voulez pas plus de lait que ce que vous boirez de façon réaliste avant qu’il expire (les dates de péremption sont aussi importantes pour les vaccins que pour le lait, sinon plus). Vous voulez également vous assurer qu’il y a suffisamment de place dans le réfrigérateur pour le garder au frais et veiller à ce qu’il ne caille pas. Si le laitier propose de vous livrer l’équivalent d’un an de litres de lait, vous allez probablement dire non; vous n’avez probablement pas assez de place pour l’entreposer, ni la capacité de tout boire avant la date de péremption. Vous risquez beaucoup plus d’en gaspiller une bonne partie. À l’inverse, obtenir exactement la quantité dont vous avez besoin, en sachant que le laitier reviendra pour renflouer vos stocks de façon stable et fiable, est une approche beaucoup plus efficace à long terme.
Il n’est donc pas surprenant que les CDC d’Afrique souhaitent que les dons soient mieux coordonnés et en ligne avec les besoins et les capacités des pays bénéficiaires, afin d’éviter le gaspillage de doses. Comme le dit le Dr Nkengasong : « Cela ne veut pas dire que les dons ne sont pas importants. On ne veut juste pas tous les recevoir en même temps ».