Mr Leung, aged 72, was in a dilemma when he came for a consultation at the MSF mobile vaccination clinic. He was concerned about the rising number of unvaccinated individuals dying. He would like to be vaccinated but is worried about the adverse effects of the vaccines and whether his heart condition allows it. Dr Joyce Ching, MSF medical doctor, spent more than half an hour listening closely to his worries and analysing his medical condition. It’s an approach that the MSF mobile team has used to ensure that the care we provide is people-centred, attentive, dignified and addressing the root cause of hesitancy about vaccines. © MSF
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6 façons dont les actions et inactions du Canada freinent l’équité mondiale en matière de vaccins

Médecins Sans Frontières (MSF) commente les questions soulevées au sujet de l’équité en matière de vaccins lors des audiences du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes.

Par Adam Houston, chargé de la politique médicale et du plaidoyer de MSF au Canada.

Cette semaine, MSF comparaîtra devant le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes pour parler d’équité en matière de vaccins et de propriété intellectuelle, des sujets qui ont fait l’objet de plusieurs réunions du Comité depuis mars. La séance sera disponible ici, mais auparavant, MSF souhaite ajouter certaines observations sur les questions qui ont été soulevées jusqu’à présent au cours de ces réunions.

Les enjeux discutés devant le Comité sont pertinents non seulement dans le contexte de la pandémie actuelle de COVID-19, mais aussi pour l’avenir. Il ne faut pas oublier que les discussions sur l’équité en matière de vaccins se déroulent dans le contexte du nouveau Traité sur la pandémie négocié sous les auspices de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). L’ombre de l’équité (ou plutôt de l’iniquité) en matière de vaccins plane sur ces négociations; les mesures prises par le Canada et son inaction face aux vaccins peuvent influencer la façon dont il est perçu par les autres pays à la table de négociation du Traité sur la pandémie.

Nº 1. Entente (ou mésentente) concernant les ADPIC

L’échec de la communauté internationale à parvenir à une entente sur la question limitée de l’assouplissement des règles de propriété intellectuelle pendant la pandémie – illustré par la la dérogation concernant les ADPIC qui a été proposée pour la première fois à l’automne 2020 – n’est pas un signe prometteur pour la négociation d’un traité beaucoup plus ambitieux. Lors des réunions du Comité permanent tenues jusqu’à présent, certains ont laissé entendre de manière assez cynique que des propositions telles que la dérogation concernant les ADPIC ne sont plus pertinentes maintenant que l’approvisionnement mondial en vaccins n’est plus le principal goulot d’étranglement limitant les vaccinations. C’est comme si on se disputait pour appeler une ambulance, puis qu’on arrivait à la conclusion que, puisque le patient ou la patiente est décédé·e avant qu’on parvienne à s’entendre sur la pertinence de l’appel, l’inaction était la bonne ligne de conduite. Outre le paradoxe, cette attitude n’aide en rien à se préparer à la prochaine fois où quelqu’un tombera malade et aura besoin d’une ambulance.

Le refus obstiné du Canada d’adopter une position publique sur la question n’a rien de prometteur non plus. Bien qu’il ait réitéré ses platitudes à propos d’une solution consensuelle à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le Canada ne semble pas avoir de convictions profondes à cet égard, et encore moins le courage de les affirmer. Cela est d’autant plus évident qu’une grande majorité des pays membres de l’OMC – plus de 100 – ont exprimé leur soutien à la dérogation concernant les ADPIC. Entre-temps, au cours des réunions du Comité permanent, l’ambassadeur du Canada auprès de l’OMC a refusé de commenter les idées qui sous-tendent les ébauches de propositions largement diffusées, comme une récente proposition alternative issue de discussions quadrilatérales entre les États-Unis, l’Union européenne (UE), l’Inde et l’Afrique du Sud, qui va l’encontre du genre de leadership dont le Canada pourrait et devrait faire preuve.

De son point de vue, MSF ne pense pas que le texte de cette proposition alternative soit suffisant ou approprié. Au contraire, nous craignons que cette proposition ne crée un précédent néfaste qui rendrait plus difficile à l’avenir le recours aux flexibilités existantes des ADPIC. Les membres de l’OMC devraient plutôt profiter de l’occasion pour prendre des mesures afin d’améliorer l’accès aux médicaments et aux vaccins non seulement face à la COVID-19, mais aussi en prévision de la prochaine pandémie. Et ils ne devraient certainement pas aggraver la situation. Cliquez ici (en anglais) pour lire notre analyse détaillée sur la question.

Nº 2. Régime canadien d’accès aux médicaments (RCAM)

La réapparition de la référence au Régime canadien d’accès aux médicaments (RCAM) a été un élément pour le moins étrange des audiences tenues ce mois-ci par le Comité des affaires étrangères de la Chambre des communes sur l’équité en matière de vaccins et la propriété intellectuelle.

En gros, le RCAM est le mécanisme juridique du Canada utilisé pour rendre opérationnel l’article 31bis de l’Accord sur les ADPIC de l’OMC. Cet accord permet l’octroi de licences obligatoires pour l’exportation de produits pharmaceutiques brevetés. Autrement dit, il permet aux entreprises canadiennes autres que les détenteurs de brevets de fabriquer des médicaments destinés à l’exportation vers des pays dépourvus de leurs propres capacités de fabrication. En décembre 2020, le Canada a initialement présenté le RCAM et l’article 31bis à l’OMC comme une illustration de l’inutilité de la dérogation concernant les ADPIC. Depuis, le Canada a paradoxalement toujours refusé de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en pratique ses propres recommandations. Malgré les appels d’ONG (y compris MSF), d’universitaires, de sociétés pharmaceutiques canadiennes et de gouvernements étrangers, le Canada n’a aucunement démontré qu’il s’engageait dans la première étape, qui consiste à amender l’Annexe 1 de la Loi sur les brevets pour inclure les vaccins et les médicaments contre la COVID-19, les rendant ainsi admissibles, en premier lieu, au RCAM.

Pour être clair, c’est là le goulot d’étranglement du RCAM. Pour que ce changement nécessaire se produise, les ministres de la Santé et de l’Innovation doivent recommander cette modification au gouverneur en conseil (en vertu de l’alinéa 21.03(1)a) de la Loi sur les brevets). Jusqu’à ce qu’ils le fassent – ce qui, encore une fois, ne semble pas en voie de se concrétiser – le point est inutile. Le Canada fait ainsi obstacle à la mise en œuvre de sa propre ligne de conduite qu’il préconise d’ailleurs.

La position de MSF a toujours été que le RCAM, et plus largement l’article 31bis, sont des outils inefficaces dans le meilleur des cas et complètement inappropriés en contexte de pandémie. Cependant, si le Canada veut favoriser le RCAM comme outil, alors c’est au Canada d’aller au bout des choses. Vous pouvez lire ici (en anglais) la note d’information de MSF sur le RCAM et la dérogation concernant les ADPIC.

Nº 3. Dons de vaccins en nature

Un autre enjeu, dont certains cyniques semblent douter de la pertinence, est la performance du Canada en matière de don de vaccins à d’autres pays. Ici aussi, cependant, il y a des leçons très importantes à tirer de ce que le Canada aurait pu et aurait dû faire.

À la fin de 2020, le Canada était largement reconnu dans le monde comme le pays ayant obtenu le plus de doses de vaccin contre la COVID-19 par habitant (plus de dix doses par personne). Malgré cela, le Canada ne s’est même pas formellement engagé à donner une seule de ces doses acquises bilatéralement avant juillet 2021 – le même mois où il a reçu suffisamment de doses pour vacciner deux fois tous les Canadiens et les Canadiennes admissibles. Qui plus est, il n’a pas livré une seule dose au COVAX, le mécanisme international de partage des vaccins contre la COVID-19, avant septembre 2021. Jusqu’à maintenant, le Canada a livré moins de 15 millions de doses à d’autres pays, soit bilatéralement ou par l’entremise du COVAX. À titre comparatif, il a administré plus de 18 millions de troisièmes doses au pays. En parallèle, certains médias ont récemment rapporté (en anglais) qu’au moins 1,2 million de vaccins sont devenus périmés au Canada en 2022 et que des millions d’autres atteindront leur date de péremption dans les mois à venir.

Il est vrai qu’à l’heure actuelle le partage des doses n’est plus la plus grande priorité. En fait, le Canada a du mal à partager des doses parce que le nombre de doses disponibles va au-delà de ce que les pays peuvent utiliser à court terme, en particulier dans les endroits qui manquent de matériel et d’infrastructures pour administrer les vaccins. Le Canada et les autres pays à revenu élevé avaient pourtant été avertis de cette éventualité longtemps auparavant : en choisissant de s’accrocher à des doses inutilisées pendant des mois plutôt que de les partager immédiatement, les pays à revenu élevé risquaient précisément d’engendrer une telle surabondance d’approvisionnement et d’excéder la capacité des pays bénéficiaires à les utiliser avant leur péremption. MSF a écrit à ce sujet ici.

Il y a des leçons à tirer pour l’avenir. Le Canada s’est vanté de sa rapidité d’administration des premières doses au pays, mais au lieu d’étendre cette approche à l’étranger, il a choisi de stocker, pendant des mois, des millions de doses dans des congélateurs, choisissant de ce fait de n’aider personne. À elle seule, la réserve centrale de vaccins du Canada a conservé plus de 9 millions de doses tout au long de l’automne – et cela ne tient pas compte des millions de doses distribuées aux provinces –, contrairement à sa déclaration en août qu’il maintiendrait un stock de 4 millions de doses avant de partager ses excédents. Si ces doses avaient fait l’objet d’un approvisionnement régulier depuis l’été dernier, elles n’auraient pas été gaspillées. Plus important encore, elles auraient sauvé des vies.

Nº 4. Péremption des doses de vaccin

Le risque que les vaccins canadiens deviennent périmés est un secret de polichinelle. Mais ce risque a été difficile à quantifier, car le Canada et les provinces se sont montrés particulièrement opaques quant à la publication de données sur le nombre de doses périmées et les dates de péremption. Et pendant que des pays comme le Canada cachent ces chiffres, certains médias accusent les pays à faible revenu, particulièrement en Afrique, d’avoir laissé des doses devenir périmées. Ce problème est aggravé par le fait que les doses données arrivent bien souvent peu de temps avant leur péremption. Ce type de partage fait donc peser une charge de plus sur les pays les moins équipés pour y faire face.

Le Canada doit être transparent au sujet des dates de péremption des vaccins, notamment celles des stocks existants, et du nombre de doses déjà périmées. Si le Canada peut fournir des mises à jour quasi quotidiennes sur le nombre de doses de vaccins administrées, il n’y a aucune raison logique qu’il ne puisse pas en faire autant pour les doses qui finissent à la poubelle.

Nº 5. Dons « équivalents »

Les dons « équivalents » du Canada constituent une autre action inacceptable qui revient sans cesse dans ces audiences du Comité permanent. Contrairement à de nombreux pays, le Canada a défini ses dons de vaccins comme une combinaison de doses en nature et de doses « équivalentes ». Force est de constater que sa performance en termes de livraison de doses en nature est décevante. Pourtant, il aime à affirmer que l’équivalent de « 87 millions de doses » a été livré au COVAX. MSF a déjà remis en question cette affirmation et fait valoir la nécessité de fournir des preuves pour appuyer ces dires.

Beaucoup de questions clés demeurent sans réponse. Premièrement, combien représentent « environ » 87 millions de doses? L’envoi le plus récent du Canada par l’entremise du COVAX n’était que de 21 600 doses (à destination de Madagascar). Cela représente moins du quart d’un dixième d’un pour cent de 87 millions; il serait donc utile que le Canada fournisse des chiffres plus précis sur ce qu’il fait réellement, plutôt que de simplement arrondir au million supérieur (ou inférieur). Une autre question importante est de savoir quels vaccins ont été achetés et à quel prix. Le prix des vaccins diffère, ce qui signifie que le même don en argent permet d’acheter un nombre différent de doses. Et plus important encore, quel est l’état réel de ces vaccins?

Il ne fait aucun doute que le Canada a donné de l’argent au COVAX, mais il y a aussi de grandes questions sur l’état de livraison des vaccins achetés avec cet argent. Après tout, l’une des raisons pour lesquelles le COVAX est devenu si dépendant des dons de doses physiques est qu’il avait été relégué à l’arrière de la file d’attente pour s’en procurer. Si le Canada ne peut pas répondre à ces questions, il devrait au moins être en mesure de dire de façon crédible combien d’argent il a donné au COVAX, mais sans s’attribuer le mérite pour la livraison de ces vaccins.

Pensez-y de cette façon : si le Canada achetait ses cadeaux de Noël en ligne, les cadeaux seraient-ils considérés comme reçus dès que le Canada a cliqué sur le bouton « Passer la commande »? Ou est-ce qu’ils compteraient vraiment qu’une fois avoir été effectivement livrés aux destinataires?

Nº 6. Action canadienne pour partager la technologie canadienne

Le Canada jouit d’une occasion unique de poser un geste positif alors que sa technologie s’est avérée cruciale dans la riposte à la pandémie. La technologie des nanoparticules lipidiques qui est à la base des vaccins à ARNm de Pfizer et de Moderna a été inventée au Canada par des entreprises qui ont été fondées à la suite des travaux de recherche de l’Université de la Colombie-Britannique. Le Canada devrait être fier de cette réalisation. Mieux encore, il devrait veiller à ce que cette technologie canadienne capable de sauver des vies puisse parvenir à tous ceux et celles qui en ont besoin. Au lieu de cela, il a été inexplicablement silencieux sur le transfert de la technologie des nanoparticules lipidiques. Pour amener les entreprises canadiennes à partager cette technologie, le Canada pourrait utiliser des bâtons, des carottes, ou une combinaison des deux, mais pour le moment, il a choisi le silence radio.

Cela alimente des discussions plus larges sur la recherche et la fabrication au Canada. La « règle du pouce » devrait être que les investissements publics en santé publique servent avant tout les intérêts du public, plutôt que de subventionner des entreprises incroyablement rentables qui prennent toutes les décisions touchant l’abordabilité et l’accès. Le Canada devrait appuyer la R et D et la production nationale, mais en les assortissant de conditions pour que les médicaments et les vaccins atteignent les gens qui en ont besoin, ce qui est manifestement la raison première pour laquelle ils ont été créés.