MSF nurse Oleksandr Oleksandr Vovkogon observes Vitalii Gorbachov, 56, take his DR-TB pills at this home in Chudniv village, Zhytomyr region, Ukraine. In order to enhance patient autonomy, MSF’s programme offers a combination of directly-observed (DOT), video-observed (VOT) and self-administered (SAT) therapies, depending on the needs and capacity of the patients. In directly-observed and video-observed therapies, a trained health worker observes patients swallow prescribed drugs, either in person or through video-enabled smartphones. © Oksana Parafeniuk/MSF
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Journée mondiale de la lutte contre la tuberculose : le Canada doit investir dans des outils capables de sauver des vies

Par : Adam Houston, chargé du plaidoyer et des politiques médicales, Médecins Sans Frontières (MSF) Canada

En 2019, la maladie infectieuse la plus meurtrière au monde était la tuberculose. En 2020, c’est évidemment la COVID-19 qui a remporté ce titre, et malheureusement la perturbation qu’elle a causée dans les services de santé a mené à une augmentation du nombre de décès attribuables à la tuberculose. C’était la première fois depuis des années qu’une telle hausse se produisait, un nouveau recul par rapport à l’engagement à mettre fin à l’épidémie mondiale de tuberculose d’ici 2030. Et malgré tout cela, la tuberculose continue de ne recevoir qu’une fraction de l’attention accordée à la COVID-19.

Plus grand fournisseur non gouvernemental de soins antituberculeux au monde, MSF traite des patients atteints de tuberculose aux quatre coins de la planète. En Ukraine, MSF a récemment été contrainte de suspendre son projet de traitement de la tuberculose pharmacorésistante dans la région (en anglais) de Zhytomyr.  L’organisation est extrêmement préoccupée par le fait que les combats incessants limiteront de façon considérable la capacité des gens à obtenir des soins médicaux. Les équipes de MSF ont fourni à tous leurs patients atteints de tuberculose au moins un mois de traitement. Il existe un risque réel que l’interruption de traitement et d’accès aux soins exacerbe ce qui était déjà un grave problème de santé publique. Pendant ce temps, en République centrafricaine, l’accès aux principaux médicaments antituberculeux est souvent interrompu (en alglais) par la violence dans ce pays en proie à un conflit où l’accès aux soins de santé est déjà limité (en anglais). La tuberculose est souvent liée au VIH dans tous les projets MSF à travers le monde; la co-infection VIH et tuberculose est fréquente, en particulier chez les personnes séropositives qui n’ont pas accès à un traitement et à des soins efficaces contre le VIH. De plus, la tuberculose est fréquemment liée à la pauvreté, au manque d’accès à des aliments nutritifs et à de nombreux autres problèmes systémiques graves rencontrés par MSF dans les contextes humanitaires.

Un infirmier de MSF vérifie la fréquence cardiaque d
Un infirmier de MSF vérifie la fréquence cardiaque d’un patient atteint de TB-R au dispensaire régional pour le traitement de la tuberculose à Zhytomyr, en Ukraine. Mars 2021.Oksana Parafeniuk/MSF

Les efforts de riposte à la tuberculose se heurtent à un enjeu crucial : il manque d’outils efficaces. Au cours du dernier demi-siècle, seuls trois nouveaux médicaments (la bédaquiline, le delamanide, le prétomanide) ont été mis au point. Un récent rapport du Treatment Action Group et du partenariat Halte à la tuberculose fait état du sous-financement persistant de la recherche sur la tuberculose.

Plus grand fournisseur non gouvernemental de soins antituberculeux au monde, MSF traite des patients atteints de tuberculose aux quatre coins de la planète.

Par ailleurs, soulignons le fait qu’une dizaine de vaccins contre la COVID-19 ont été développés et approuvés dans le monde en moins de trois ans – la preuve indéniable de tout ce que l’on peut accomplir en matière de R et D avec un soutien adéquat. Le seul vaccin disponible contre la tuberculose, le vaccin BCG, fêtera son 101e anniversaire cette année. Certains chercheurs, canadiens notamment, à l’Université McMaster, travaillent à la mise au point d’un vaccin plus efficace. Cependant, le Canada fait partie des nombreux pays dont la contribution à la recherche sur la tuberculose n’atteint pas les objectifs mondiaux.

Il est urgent que la recherche sur la tuberculose, au pays et ailleurs, reçoive une plus grande attention. L’industrie pharmaceutique s’intéresse peu à une maladie qui touche pourtant des millions de personnes chaque année. Si elle n’est pas prête à soutenir l’innovation nécessaire pour que de meilleurs médicaments et vaccins se rendent du laboratoire jusqu’au chevet du patient, les gouvernements doivent envisager de nouveaux modèles d’innovation qui mettent la vie avant le profit pour offrir ces précieux outils médicaux rapidement et à un prix abordable.

À ce problème en est associé un autre : la non-disponibilité des médicaments existants dans certains des endroits où ils sont nécessaires. Ce problème ne se limite pas aux pays à faible revenu ou aux crises humanitaires. Aucun des trois nouveaux médicaments antituberculeux mentionnés précédemment n’est homologué pour utilisation au Canada.  Il en va de même pour d’autres médicaments vieux de plusieurs décennies comme la rifapentine; ce médicament est si important pour la santé publique que le Canada l’importe en vrac de sources étrangères non approuvées pour ce que Santé Canada qualifie explicitement de « crise de la tuberculose ».  Pourtant, aucune entreprise pharmaceutique ne semble intéressée à vendre ce produit sur le marché canadien.

Le fait que la tuberculose demeure un problème dans un pays bien doté en ressources comme le Canada nous rappelle la gravité du problème…

Cette situation est un rappel cinglant que les obstacles au traitement efficace de la tuberculose doivent être abordés partout. Bien que la tuberculose ne soit plus la principale cause de décès au Canada, comme elle l’était au moment de la Confédération en 1867, la maladie demeure néanmoins un réel problème de santé publique. Par exemple, en 2021, la Saskatchewan a connu plus de 100 cas et deux décès. La tuberculose touche aussi de façon très disproportionnée les communautés autochtones, particulièrement dans le Grand Nord, ainsi que les personnes nées à l’extérieur du Canada. Le fait que la tuberculose demeure un problème dans un pays bien doté en ressources comme le Canada nous rappelle la gravité du problème et l’importance de consacrer suffisamment de ressources à son traitement, ici au pays et à l’étranger. En cette Journée mondiale de la lutte contre la tuberculose, le Canada doit investir dans l’accès aux outils existants et dans la mise au point de nouveaux outils qui pourront servir à bâtir un monde où la tuberculose sera chose du passé.

Remarque : Cet article est également présenté dans l’infolettre Stop TB Canada. Compte Twitter : @StopTBCanada.