Premier patient admis suite à l'augmentation de l'afflux de réfugiés en provenance du Soudan après l'intensification des combats à El Geneina, Tchad, 2023. © MSF
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Conflit au Soudan : davantage de gens contraints de fuir vers le Tchad, alors que les combats s’intensifient au Darfour

Depuis l’intensification des combats à El-Geneina, au Darfour occidental soudanais, les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) opérant de l’autre côté de la frontière, dans l’est du Tchad, ont constaté une augmentation immédiate et considérable du nombre de gens fuyant les violences pour se réfugier dans la région. Au cours du seul week-end dernier, 36 personnes blessées ont été accueillies par les équipes de MSF. Les gens réfugiés en provenance du Soudan sont principalement des femmes et des enfants. Elles rapportent des violences massives à l’encontre des personnes civiles.

« Au cours des trois premiers jours de novembre, nous avons enregistré davantage de nouvelles arrivées de personnes réfugiées soudanaises que pendant tout le mois précédent. Environ 7 000 individus ont franchi la frontière », explique Stephanie Hoffmann, coordinatrice de MSF à Adré, une ville tchadienne située à la frontière avec le Soudan. « Nous avons vu des mères et des enfants qui ont dû quitter le Soudan sans rien, car leurs maisons ont été détruites. »

Dans un poste de santé localisé juste à la frontière, les équipes de MSF fournissent des services médicaux aux personnes réfugiées nouvellement arrivées. Elles vaccinent les enfants contre la rougeole et dépistent la malnutrition. Elles transfèrent aussi celles et ceux qui ont besoin de soins spécialisés urgents directement à l’hôpital d’Adré, où MSF et le personnel du ministère de la Santé tchadien les soignent.

À quelques centaines de mètres du poste-frontière, des personnes réfugiées attendent celles qui viennent d’arriver du Soudan, dans l’espoir d’obtenir des nouvelles de leur famille. Souvent, elles apprennent la perte de leurs proches restés au Soudan. Au poste-frontière, les équipes de MSF offrent désormais un soutien en santé mentale aux personnes en détresse. Elles ont aussi installé un réservoir pour fournir de l’eau potable après le voyage éprouvant.

« La nuit dernière, la maison de ma sœur a été bombardée », raconte Amne, 33 ans, qui a traversé la frontière avec ses quatre enfants. « Elle se trouvait à côté de la nôtre. Notre maison a pris feu à cause de l’explosion, et nous sommes immédiatement sortis. Je suis sans nouvelles de ma sœur, je ne sais pas si elle a survécu ou non. » En montrant sa robe, elle indique qu’il s’agit du seul bien qu’elle a pu emporter avec elle.

Un homme de 27 ans arrive à l’hôpital de MSF d’Adré. Il a fui El-Geneina avec seize autres personnes, mais leur groupe a été attaqué sur la route du Tchad. Il nous raconte que les assaillants ont tué toutes les autres, mais qu’il a survécu en faisant le mort. Finalement, un nouveau groupe de personnes réfugiées est arrivé et l’a aidé à atteindre la frontière. Il souffre de multiples blessures par balle aux mains et aux jambes.

« La violence à El-Geneina, qui a explosé en juin dernier, a poussé une grande partie de la population de la ville à fuir vers le Tchad, malgré les nombreux dangers et les attaques qui les attendaient sur la route. La ville a ensuite connu une relative accalmie et a même reçu des personnes déplacées d’autres localités », explique Alkassoum Abdourahamane, coordinateur de projet de MSF pour El-Geneina. « Mais aujourd’hui, les déflagrations et la peur sont revenues. »

Dimanche, MSF a fait don de 3,5 mètres cubes de matériel médical à l’unité d’urgence de l’hôpital universitaire d’El-Geneina. Ces fournitures ont déjà permis de soigner 120 patients et patientes.  L’équipe a également fait des dons à trois centres de santé sur la route entre El-Geneina et Adré, fournissant des trousses pour traiter le paludisme, la diarrhée et les infections respiratoires chez les adultes et les enfants.

Les récits des dernières personnes arrivantes font écho à ceux des nombreuses autres qui ont rejoint Adré en juin, lorsque la population de la petite ville a triplé. Du 15 au 17 juin, l’hôpital a reçu plus de 850 personnes blessées de guerre, l’un des plus grands nombres de victimes que nos équipes n’aient jamais eu à gérer. Beaucoup de patients et de patientes souffrant de blessures par balle, en particulier à l’abdomen, au dos et aux jambes, ont fait état de terribles violences à El-Geneina et d’attaques sur la route pour le Tchad. Ces individus ont aussi parlé des hommes armés qui tiraient sur les gens en train de s’enfuir. Nos équipes dans la capitale du Nord-Darfour, El-Fasher, témoignent également d’un nombre important d’individus en train de quitter la ville de peur de se retrouver piégés par la violence croissante.

Depuis le début de la guerre au Soudan en avril, il y a plus de six mois, des millions de personnes ont été forcées de fuir, abandonnant leurs maisons et leurs moyens de subsistance. Si la plupart d’entre elles se trouvent encore au Soudan, on estime que 1,1 million d’individus ont traversé la frontière pour se rendre dans les pays voisins. La majorité d’entre eux se trouve maintenant au Tchad, un pays déjà confronté à de multiples crises humanitaires.

« Dans l’est du Tchad, malgré les efforts collectifs des communautés locales, des autorités et des organisations humanitaires, la réponse humanitaire n’est pas encore à la hauteur de l’ampleur de la crise. Celle-ci met également à rude épreuve les communautés hôtes vulnérables », explique Claire Nicolet, responsable des urgences de MSF pour le Tchad et le Soudan. « De nombreuses personnes vivent dans des camps improvisés où les conditions restent désastreuses. La récente augmentation des arrivées de personnes réfugiées est une autre indication que les besoins continuent de croître et que le conflit qui les alimente est loin d’être terminé. Nous maintenons notre appel à une intensification immédiate de l’aide humanitaire pour secourir les plus vulnérables, tant les personnes réfugiées que celles du Tchad, et pour garantir l’accès aux services de base tels que l’eau, les soins, les abris et la nourriture. »

Au Tchad, les équipes de MSF fournissent une prise en charge médicale vitale dans les camps d’Adré, d’Ourang et de Metche dans la province de Ouaddaï. Elles livrent les mêmes services dans les camps de Goz Achiye, Daguessa et Anderessa situés dans la province de Sila.

Depuis le début de son intervention d’urgence dans l’est du Tchad, MSF a assuré plus de 96 000 consultations, hospitalisé 8 492 patients et patientes, traité 7 155 cas de malnutrition et 31 955 cas de paludisme. Les équipes ont pratiqué 1 634 interventions chirurgicales et assisté à 1 043 accouchements. Elles distribuent également des biens de première nécessité et fournissent jusqu’à 80 % de l’eau potable disponible pour les personnes réfugiées.