Une foule attend à la clinique de MSF dans le camp de Zamzam, à 15 kilomètres d’El Fasher, au Darfour-Nord. Soudan, 2024. © MSF
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Soudan : MSF appelle la communauté internationale à se mobiliser d’urgence pour sauver des vies au Darfour-Nord

Une évaluation rapide de la nutrition et de la mortalité menée par Médecins Sans Frontières (MSF) révèle que depuis le début du conflit au Soudan, en avril 2023, une situation catastrophique s’est développée dans le camp de Zamzam, au Darfour-Nord. Tous les seuils d’urgence pour la malnutrition ont été atteints. MSF appelle à une intensification immédiate, coordonnée et rapide de la réponse humanitaire afin de protéger des vies. L’action des agences de l’ONU et des ONG internationales, qui n’ont maintenu qu’une présence limitée au Darfour-Nord depuis leur évacuation, en avril, est essentielle. Des distributions de nourriture et d’argent sont nécessaires de toute urgence. Les soins de santé, l’approvisionnement en eau et l’assainissement sont également essentiels.

Près du quart des enfants examinés lors de l’évaluation souffraient de malnutrition aiguë, dont 7 % de malnutrition aiguë sévère (MAS). Les chiffres étaient encore plus frappants chez les enfants âgés de six mois à deux ans. Près de 40 % de ces enfants souffrent de malnutrition, dont 15 % de MAS. Le seuil d’urgence pour la malnutrition aiguë modérée et sévère combinée (taux global de malnutrition aiguë – GAM, en anglais), qui indique qu’une action urgente doit être prise, est de 15 %. Cela démontre clairement qu’une situation d’urgence grave sévit dans le camp de Zamzam.

Le nombre total de décès quotidien dans le camp est également extrêmement alarmant. Le taux de mortalité brut atteint 2,5 pour 10 000 personnes par jour, soit plus du double du seuil d’urgence. Nous avons également constaté que 40 % des femmes enceintes et allaitantes souffraient de malnutrition, ce qui est un autre indicateur de la gravité de la situation.

Afin d’éviter des pertes humaines imminentes et de réduire l’ampleur des souffrances, MSF augmentera rapidement sa réponse dans le camp pour fournir un traitement aux enfants dont l’état est le plus critique. L’ampleur de la catastrophe exige toutefois une réponse bien plus importante que celle que MSF peut apporter seule.

« Ce que nous voyons dans le camp de Zamzam est une situation absolument catastrophique », déclare Claire Nicolet, responsable de la réponse d’urgence de MSF au Soudan. « Nous estimons qu’au moins un enfant meurt toutes les deux heures dans le camp. Il y a donc actuellement environ 13 décès d’enfants par jour, selon notre estimation. Les enfants souffrant de malnutrition sévère qui ne sont pas encore décédés risquent fort de mourir dans les trois à six semaines, s’ils ne sont pas soignés. Leur état peut être rétabli, mais pour cela, ils doivent se rendre dans un centre de santé, et beaucoup ne le peuvent pas. »

MSF est la seule prestataire de soins toujours opérationnelle dans le camp de Zamzam, l’un des plus grands et des plus anciens camps de personnes déplacées de tout le Soudan. La petite clinique que nous y tenons est débordée par le nombre élevé de patients et de patientes, et par la gravité de leur état. Au cours des neuf derniers mois, le système de santé déjà fragile du Nord-Darfour, comme l’ensemble de la réponse humanitaire, s’est effondré. La clinique est l’un des rares centres de santé ambulatoires du Nord-Darfour qui soit encore pleinement fonctionnel. Pour avoir accès aux soins de santé, les gens se déplacent à pied ou à dos d’âne depuis des villages situés jusqu’à 50 kilomètres du camp. Ils campent ensuite devant la clinique pendant la nuit parce que c’est leur seule chance d’obtenir un traitement pour leurs enfants.

« Avant le début du conflit, en avril de l’année dernière, les gens du camp dépendaient fortement de l’aide internationale pour la nourriture, les soins de santé, l’eau potable, tout en fait. Aujourd’hui, ces personnes ont été presque complètement abandonnées, explique Claire Nicolet. Le Programme alimentaire mondial (PAM) n’y a pas distribué de nourriture depuis le mois de mai. Alors que les familles avaient l’habitude de prendre deux repas par jour, elles nous disent qu’elles n’en prennent plus qu’un. Les gens souffrent de la faim et les enfants en meurent. » Les conditions dans le camp sont atroces : outre l’absence de soins de santé, à l’exception de la clinique de MSF, il n’y a pas d’approvisionnement en eau potable. Les gens boivent l’eau des marécages ou de la rivière, ce qui peut provoquer de graves diarrhées. Pour les enfants qui souffrent déjà de malnutrition, cela peut être fatal. Cela peut aussi entraîner la malnutrition chez les enfants en bonne santé et provoquer une détérioration rapide de leur état.

« De nombreux facteurs ont contribué aux niveaux élevés de malnutrition que nous observons. Le mois de janvier est une période où la malnutrition devrait être la plus faible, car décembre est la période des récoltes, ce qui signifie que les stocks de nourriture devraient être au plus haut. Mais au cours de l’année écoulée, les gens n’ont pas pu s’occuper de leurs cultures en raison de l’insécurité. Par ailleurs, le peu de production agricole toujours possible a été inférieur à la moyenne en raison de la faible pluviométrie. Le pic habituel de malnutrition, généralement entre avril et septembre, n’est donc pas encore atteint. C’est pourquoi nous nous attendons à ce que le nombre de cas, déjà énorme, que nous observons actuellement augmente considérablement au cours des prochains mois. »

Avant avril 2023, le système de santé du Darfour-Nord était soutenu par les agences des Nations Unies, PAM, UNICEF, OIM et OCHA. Cette assistance s’est brusquement arrêtée, les routes et les voies aériennes d’approvisionnement étant gravement entravées. Le personnel ne reçoit plus de salaires. Les équipements et les médicaments manquent, tout comme le carburant pour les générateurs, l’eau et d’autres fournitures nécessaires au fonctionnement des établissements de santé. Les programmes de lutte contre la malnutrition, autrefois présents à El Fasher, la capitale de l’État, sont inexistants. Il n’y a plus aucun endroit dans la ville où les gens peuvent se rendre pour obtenir des soins de santé primaires pour leurs enfants. Il est urgent que les parties au conflit ouvrent l’aéroport d’El Fasher et veillent à ce qu’une fois opérationnel, il reste accessible. Il est urgent que les organisations humanitaires puissent rapidement revenir et apporter leur soutien aux communautés, non seulement dans le camp de Zamzam, mais aussi dans tout le Darfour-Nord.

MSF est actuellement la seule grande organisation internationale à fournir des soins médicaux pédiatriques gratuits dans les cinq États du Darfour, une région grande comme la France. L’hôpital pédiatrique ne dispose que de 78 lits pour une population de plus de 11 millions de personnes, ce qui est insuffisant pour répondre à l’ampleur de la catastrophe.

« Chaque jour, des enfants sont transférés du camp de Zamzam à l’hôpital pédiatrique d’El Fasher dans l’espoir de les sauver », explique Claire Nicolet. « Mais nous savons, grâce à l’évaluation de la mortalité, que des centaines d’enfants ne parviennent même pas à notre clinique dans le camp. Il est possible d’éviter que la situation ne se détériore davantage grâce à une mobilisation massive de la communauté internationale. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés et laisser les gens continuer à souffrir en silence. Il est urgent d’intensifier l’action, faute de quoi d’autres enfants mourront, alors que cela pourrait être évité. »